Dans de nombreuses communications, le SYNCASS-CFDT a eu l’occasion de décrire et de dénoncer l’érosion des revenus des directeurs de la fonction publique hospitalière, qui rejoint la situation générale des agents publics. Cette réalité, qui s’ajoute aux difficultés professionnelles que vivent les directeurs, est le résultat des politiques publiques de long terme. Nous avons pu en limiter les effets, sans pouvoir inverser la tendance.
Une réalité générale qui est bien connue
Chacun sait que les gouvernements successifs ont gelé le point d’indice des fonctionnaires, en raison de la dégradation des comptes publics, accentuée par la crise financière de 2008. Cela a perduré plus d’une décennie, à l’exception d’un très modeste coup de pouce à visée électorale en 2016 et 2017 puis d’un rattrapage partiel de l’inflation en 2022. Il s’agit d’un problème général et chronique qui dépasse la seule catégorie des directeurs de la FPH.
De fait, pour l’ensemble des fonctionnaires, la déperdition est très importante. Le déroulement de carrière (changements d’échelons et parfois de grade ou de corps) a permis à une partie des agents publics de limiter les pertes, mais cela ne change rien au constat : à situation identique, le décrochage varie selon la période de référence, mais est au minimum de 15 à 20%.
Les fonctionnaires et les directeurs ont également subi une dégradation des conditions d’exercice qui s’est ajoutée aux pertes salariales. La qualité de vie au travail est devenue un thème majeur, sans que les solutions aient été réellement apportées, à politiques publiques inchangées. Pris en tenaille entre ces deux contraintes, les corps de direction subissent une forte perte d’attractivité.
L’action déterminante du SYNCASS-CFDT
Le SYNCASS-CFDT, syndicat majoritaire des directeurs, a mené une action déterminante.
Souvent seul, parfois en action collective des syndicats de directeurs, il a négocié pour obtenir des améliorations statutaires : d’une part une transposition des carrières des administrateurs civils, qui a concerné les directeurs d’hôpital, d’autre part des revalorisations significatives pour les corps de D3S et de directeurs des soins, même si elles restent insuffisantes. Cela a été notamment permis par la conclusion de trois protocoles d’accords, en 2004, 2007 et 2011 signés avec les ministres des affaires sociales et de la santé, l’administration n’ayant honoré le dernier que partiellement. Nous avons eu à porter l’action de manière résolue pour lever les obstacles à leur application, dépassant parfois certaines hésitations syndicales.
Ainsi, dans un contexte de réticence de l’Etat à négocier avec les directeurs, des dossiers ont été portés avec succès, pour la revalorisation du corps de D3S (2007) et du corps de DS (2014), pour la gestion du logement par nécessité absolue de service (2010 puis 2013), pour la comparabilité des corps de DH et de D3S et le détachement réciproque (2009-2010), pour la transposition aux grilles indiciaires et emplois fonctionnels des DH de celles des administrateurs civils (2018), pour la correction des contradictions statutaires et pour une gestion plus performante des emplois et des carrières.
Comme pour l’ensemble de la haute fonction publique, ces résultats ont été renforcés par la négociation d’une réforme nettement plus favorable de nos régimes indemnitaires avec la PFR en 2012. L’indemnitaire peut désormais représenter une part quasiment égale au traitement indiciaire. Cela n’est pas sain mais a permis de compenser, dans le court terme, le gel du point d’indice. Dans la durée cependant, il s’agit d’un pis-aller qui ne règle pas le dossier au fond, et plus particulièrement pour la retraite.
Les directeurs ont aussi été impactés sur le terrain, notamment en matière de coopération des établissements, entraînant la fonctionnalisation et/ou la requalification de nombreux emplois, mais aussi par un accroissement des responsabilités qui en est le corollaire. De plus, le coût des mesures a été largement supporté par une réduction du nombre d’emplois statutaires imposée par la contrainte budgétaire et les réformes successives du secteur sanitaire et social.
La nécessité des évolutions voulues par le SYNCASS-CFDT
Le compte n’y est pas et le SYNCASS-CFDT maintient la pression, en dépit des obstacles.
La dernière réforme de la fonction publique n’a pas facilité l’action syndicale, réduisant le rôle des partenaires sociaux et limitant le contrôle de l’action administrative de l’Etat. Les réformes répétées de la gouvernance et des normes à travers des lois reconfigurant le système de santé ont ajouté de la confusion et des complexités qui nuisent au management des établissements.
La fixation d’objectifs inatteignables, notamment liés à la pression budgétaire et la réduction des possibilités d’accompagnement syndical par la diminution des compétences des commissions paritaires, ont fragilisé davantage les carrières, parallèlement à l’ajout de contraintes de durée dans les emplois fonctionnels et de ralentissement de certains avancements. Ces effets se sont conjugués et contribuent à la démotivation et à l’inquiétude des collègues.
La crise sanitaire a révélé à l’évidence les erreurs conceptuelles de l’Etat. Les directeurs se sont trouvés en première ligne pour en limiter les effets pervers, autant que possible, et maintenir le fonctionnement du service public. Ils n’en ont guère été remerciés, le gouvernement en prenant au contraire prétexte, en dépit du « Ségur de la santé », pour maintenir les blocages antérieurs.
Mais l’accord du « Ségur de la santé » a démontré que des évolutions étaient possibles, que ce soit pour certaines professions, ou pour le complément de traitement indiciaire négocié par la CFDT et appliqué largement, y compris aux directeurs. Sa généralisation à tous les agents de la FPH reste à obtenir, dont les directeurs du handicap et de l’enfance. A nous de savoir faire bouger les lignes, hors situation de crise, pour imposer un dialogue social qui nous reste refusé.
Il est clair que le rétablissement de la situation, pour les établissements et les directeurs, passe par la mise en œuvre des solutions portées par le SYNCASS-CFDT et ses revendications : une unicité statutaire des corps de DH et de D3S, majoritairement exigée par les syndicats, et un alignement de la carrière des DS sur celle des directeurs adjoints. Ces mesures sont nécessaires pour assurer l’attractivité indispensable et reconnaître nos responsabilités professionnelles. En corolaire, les attachés et les ingénieurs qui assurent une partie non négligeable du management aux côtés ou dans les équipes de direction doivent aussi bénéficier des réformes attendues de leur rémunération.
Le SYNCASS-CFDT ne souhaite aucun décrochage avec les corps comparables de la haute fonction publique. Il demande une concertation au ministère de la santé et à celui de la fonction publique pour une transposition des grilles et du régime indemnitaire du corps des administrateurs de l’Etat, dès la publication de leurs évolutions. Cela passe par l’obtention d’un arbitrage interministériel favorable au principe de cette transposition concomitamment à l’annonce des évolutions prévues pour l’Etat avant la fin de l’année.
Mais pour lui, l’unicité statutaire est parfaitement compatible avec cette revendication. Il n’est pas question de maintenir l’écart statutaire actuel, encore moins de le creuser. Le cadre général de la haute fonction publique demeure pertinent pour obtenir des évolutions statutaires positives pour les trois corps de direction de la FPH.
Ces évolutions n’ont pas vocation à compenser les pertes liées au point d’indice, qui sont un sujet global que l’Etat doit traiter par ailleurs, pour l’ensemble des fonctionnaires et des agents publics, afin de rétablir une situation qui a été trop longtemps défavorable à tous. Il en va de la justice sociale et de la crédibilité des représentants de l’Etat, aujourd’hui mises à mal.
Les élections professionnelles de décembre 2022 seront une étape importante pour faire aboutir nos revendications. Pour lever les blocages que nous opposent nos interlocuteurs publics, il faut un syndicalisme exigeant, rigoureux et mobilisé. Nos collègues, à travers leur vote majoritaire, détiennent la clé des prochains rapports de force avec le gouvernement et des résultats à obtenir.
Car la représentativité du SYNCASS-CFDT sera le facteur primordial, au sein des corps de direction, pour que le ministère soit mandaté par le gouvernement pour revoir ses choix. Un SYNCASS-CFDT renforcé peut être le levier pour débloquer les dossiers. A l’inverse, le ministère aurait tout loisir de perpétuer sa logique de procrastination et de blocage.