Instance collégiale DH – Les directeurs tiennent toujours la barre : Respectez leur engagement !

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Les crises se succèdent : pédiatrie, urgences, périnatalité, psychiatrie sans que les méthodes changent entraînant ainsi les mêmes maux et les mêmes effets désastreux sur le terrain. Les réponses classiques de versement d’enveloppes budgétaires s’étoffant au coup par coup masquent le fond du problème. Le conseil national de la refondation ne peut être la solution miraculeuse même s’il pose des questions pertinentes. Les interrogations des directeurs sont concrètes et immédiates et concernent la pesante gestion du quotidien sur leurs épaules. Leur responsabilité est réelle et l’application prochaine de la loi RIST ne se fera pas sans vague.

L’instance collégiale de ce jour concerne sept postes de chefs et deux d’adjoints sur emploi fonctionnel ainsi que deux postes de chefs non fonctionnels. Plus de 50 collègues candidatent, démontrant par la qualité de leur profil et de leur dossier leur engagement professionnel, leur volonté de servir et de porter des projets y compris dans des territoires où les perspectives notamment démographiques n’autorisent aucun optimisme. Quand l’hôpital public a besoin d’eux, les directeurs répondent présents !

Que leur est-il promis, à eux qui prendront un nouveau poste, comme aux collègues qui continuent de porter à bout de bras leurs établissements et leurs équipes ? Après un été sous haute tension, l’automne les place dans le brouillard du manque de ressources et des incertitudes financières qui n’attendent pas l’hiver pour nous éprouver rudement. Car c’est au travers d’une épidémie de bronchiolite parmi les plus sévères de la décennie écoulée que nous pouvons redouter un printemps de sang et de larmes. Quatre saisons se seront enchaînées mais sans aucun répit ni pause pour des crises multiformes et permanentes.

Que nous dit cette énième crise, celle fortement médiatisée de la pédiatrie, qui a démarré en réalité avant l’été dernier et englobe plus largement l’ensemble du champ de la périnatalité comme de la prise en charge de l’enfance, du sanitaire au secteur social, du handicap comme de la santé mentale ?

D’abord que la gestion et le traitement de cette crise par les autorités publiques sont peu différents des épisodes précédents touchant aux urgences adultes, à la psychiatrie ou au secteur des personnes âgées. Le départ de médecins, de sage-femmes, de puéricultrices vers le libéral ou d’autres lieux d’exercice est une réalité. Tous sont fatigués par l’absence de reconnaissance des contraintes de la permanence des soins et du travail de nuit et de week-end, épuisés par l’absence de régulation des soins non programmés et la faiblesse des réponses autres que celles du seul hôpital public, inquiets de voir les services de recours régional, les maternités de niveau 2 ou 3, les soins critiques pédiatriques comme néonataux touchés par la désaffection des professionnels les plus spécialisés. Cela entraîne une déstabilisation en cascade d’un secteur, la périnatalité, où les indicateurs de santé stagnent voire régressent et rétrogradent progressivement la France dans les comparaisons internationales.

Les mêmes maux se répètent produisant les mêmes effets : turn-over des personnels, absentéisme en hausse, dégradation des conditions de travail et de prise en charge des patients, inquiétudes des familles, multiplication des sollicitations, des crispations, de l’agressivité envers les professionnels, perte de sens et de qualité du travail réalisé, sans y pouvoir mais !

La première réponse gouvernementale est désormais classique : une enveloppe de fond de tiroir, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au soutien des années précédentes dédié à la gestion des tensions hivernales, et la promesse d’états généraux au printemps, après qu’on aura pu se satisfaire encore une fois « d’avoir passé l’hiver » sans incidents graves… Rien n’est moins sûr et cela nourrit déception, dilemme professionnel, voire exaspération des acteurs de terrain.

Voyant que la grogne comme l’exposition médiatique ne faiblissent pas, l’enveloppe s’étoffe quelques jours plus tard. Le gouvernement en profite pour corriger -il n’est jamais trop tard-une erreur de l’hiver précédent, la prime accordée aux professionnels des soins critiques. Annoncée en pleines fêtes de Noël 2021 pour distinguer les « héros » de la lutte contre la Covid, mais dont le décret mal rédigé oubliait les aides-soignants et auxiliaires de puéricultures, et écartait, un comble, les infirmiers spécialisés dont les puéricultrices, au profit des seuls infirmiers de soins généraux. Ainsi va une certaine conception du dialogue social depuis le précédent quinquennat, de textes mal écrits en annonces médiatiques que seules les crises suscitent, occultant ainsi la lame de fond qui nous mine.

Et le fond du problème ? Ce serait au conseil national de la refondation, décliné par territoires, de tout solutionner. Il est désormais le prisme par lequel toute discussion doit passer, y compris des travaux entrepris dans un cadre différent.

Bien entendu, des questions pertinentes y sont posées. Le SYNCASS-CFDT contribue à y répondre par ses réflexions. Il souligne obstinément les défis à relever : la place des usagers dans le système de santé, au plus haut niveau décisionnel national et pas simplement au travers de leur représentants légitimes dans les établissements ; les modalités de financement, dont on mesure depuis 2020 à quel point elles sont inadaptées à une succession de crises mais qui, plus fondamentalement, contraignent toute évolution en matière de prévention du fait d’une rémunération reposant sur les actes et l’activité quels que soient les acteurs et secteurs ; l’écart de revenu grandissant des professionnels du système de soins au détriment du service public, sans rapport avec les contraintes et les sujétions de continuité et de permanence ainsi que le temps de travail réel ; l’échec patent des alternatives, de nature purement incitative, à la régulation de l’installation des professionnels médicaux, qui poussent à chaque session parlementaire de plus en plus d’élus à proposer de nouvelles formes de contrainte.

Le Ministère se satisfait des excellents retours des territoires, à l’image de la Sarthe ou de la Mayenne, où les acteurs sont réunis pour travailler collectivement. Comment pourrait-il en être autrement ? Élus locaux, représentants d’associations de services ou d’usagers, maisons de santé et CPTS, tous apprécient à la fois l’attention qui est leur est portée par les autorités qu’elles soient nationales ou régionales, certains pour la première fois, et l’écoute donnée à leurs propositions dites « de terrain » (comme si celles des directeurs de ces territoires n’intégraient pas elles aussi cette connaissance concrète de l’expérience locale…).

Les attentes exprimées sont essentielles : la prévention, qui ne saurait s’arrêter à trois consultations gratuites au long de la vie ; toucher les 20% de la population éloignée des soins, le fameux « aller vers », déployé avec combien de difficultés et de freins lors de la campagne de vaccination contre la Covid, qui passe par des moyens considérables, notamment de médiation en santé ; le réinvestissement dans des quartiers et des territoires délaissés par les politiques publiques (logement, éducation, sport, emploi…), une présence humaine auprès de leurs habitants qui appelle un travail de longue haleine ; la formation et l’attractivité, pour lesquelles il faudra bien plus que de « faire briller les yeux des étudiants en santé » en leur proposant des stages aux urgences et en réanimation.

Et ressurgissent, une fois de plus, les totems éculés : ainsi la mise en œuvre du rapport Claris, notamment en ce qui concerne la vie des services, mais aussi le travail de nuit à l’hôpital, sans oublier le sujet récurrent de la simplification “de toutes les strates règlementaires et bureaucratiques” avec un cadre règlementaire qui devrait “s’alléger et se simplifier” pour retrouver un mode de fonctionnement “beaucoup plus fluide, comme pendant le Covid”. Tout est dit mais personne n’y croit, confronté au quotidien à l’incapacité des autorités de s’appliquer à elles-mêmes le moindre effort d’allègement ou de simplification des procédures et autres remontées !

Les inquiétudes des directeurs sont beaucoup plus prosaïques, concrètes, et surtout immédiates. La crise du recrutement ne montre aucun signe d’amélioration, entre postes vacants et taux d’absentéisme, baisse du nombre de candidats à l’entrée en formation et abandons en hausse avant diplomation. Le Ministère, si prompt à chiffrer le moindre problème, ne donne aucune estimation des lits fermés, et qui le resteront vraisemblablement tout l’hiver. Quant à la deuxième partie de la notification budgétaire, qui certes annonce des montants importants, chaque directeur voudra vérifier que les engagements de couverture des surcoûts Covid, comme des revalorisations salariales sont tenus, et voudra mesurer l’incidence réelle de la couverture promise contre l’inflation sans parler de son effet sur les montants des investissements en cours.

Comment ne pas terminer par l’annonce d’une application en mars prochain de la Loi Rist ? Cette fois-ci, « juré craché », les autorités vont tenir leurs engagements de lutte contre le fléau de l’intérim. Les ARS vont cartographier les établissements les plus en difficulté. Et elles assumeront les conséquences en termes d’organisation des soins et de possibles nouvelles fermetures en les expliquant tant aux populations qu’aux élus locaux, lesquels verront se restreindre un peu plus l’accès aux soins sur leur territoire. Qui peut croire que cela se fera sans vague et que la responsabilité des directeurs ne sera jamais questionnée ? Alors que chaque jour, ces derniers doivent arbitrer entre les surenchères incessantes passant souvent sous les radars de la lutte contre l’intérim, en dehors même des seuls remplacements, et la dégradation de l’offre de soins ?

Oui, la restructuration de l’offre hospitalière est rendue indispensable pour assurer un socle de continuité et de qualité de fonctionnement de l’hospitalisation publique mais elle doit s’accompagner d’une régulation de l’installation du soin primaire en ville, que la majorité des élus locaux des territoires ruraux et des villes moyennes appellent désormais de leurs vœux. C’est l’occasion d’affirmer une orientation beaucoup plus volontariste concernant l’hôpital de proximité. Il présente tous les atouts pour être un des piliers de la politique de prévention et d’éducation à la santé : lien avec la médecine de ville, bassin de proximité, insertion dans le tissu local…. Il faut pour cela maintenir le tissu de compétences notamment libérales sur lesquelles il a vocation à s’appuyer.

En cette période où l’exercice des responsabilités n’a jamais été aussi pesant, les directeurs, demandent des conditions de travail normales et la prise en compte de leur parole et de leur expertise. Ils demandent également un cadre statutaire cohérent et rénové. Le SYNCASS-CFDT a construit un projet qui repose sur des fondamentaux, l’unicité statutaire entre le corps de DH et le corps de D3S en fait partie, comme notre projet pour les directeurs des soins d’être enfin reconnus statutairement comme des directeurs adjoints à part entière. C’est un tout cohérent qui doit s’arrimer aux améliorations de la haute fonction publique de l’Etat en cours… sans nier nos responsabilités spécifiques. C’est dans ce cadre, et non dans une nébuleuse statutaire prônée par certains, que les directeurs, tous les directeurs de la FPH, pourront obtenir des avancées. Le SYNCASS-CFDT est prêt à s’engager dans cette nécessaire négociation qui traduira le respect et la reconnaissance des autorités, contrepartie logique de leur engagement constant.