L’édito – Mars / Avril 2024

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Avec le hashtag #metoohopital, nous assistons ces derniers jours à une mise en lumière sans précédent d’expressions de victimes de violences sexistes et sexuelles dans nos secteurs professionnels. Cette vague de témoignages s’exprime d’abord sur les réseaux sociaux et commence à être relayée de façon importante par de grands médias. Sont dénoncées la loi du silence et l’impunité, que ces expressions visent à rompre. Les similitudes sont criantes sur la libération de la parole de victimes dans des milieux aussi différents que le secteur de la culture et des médias, l’éducation, le sport, l’armée, la religion…

Il y a une singularité de nos secteurs à cet égard. Car la nature même des missions des institutions du champ sanitaire, social et médico-social, consiste précisément, entre autres, à réparer les dégâts causés par ces violences, dégâts physiques, psychologiques, avec leurs retentissements sur la fragilisation des victimes sur tous les plans. Les établissements sont également des lieux d’enseignement, de formation et de compagnonnage. Il y a donc un terrible paradoxe pour le grand public à découvrir que les comportements sexistes et de prédation sont également répandus et dévastateurs entre professionnels du soin. Cela est d’autant plus marqué que nos secteurs particulièrement féminisés révèlent la persistance d’inégalités de positions hiérarchiques entre les femmes et les hommes, de plus en plus nettes quand sont atteints les niveaux élevés des responsabilités médicales comme à la tête des établissements.

Cette phase d’expression des souffrances est peut-être le corollaire des avancées qui ont pu être observées ces dernières années, par exemple à travers le dispositif de signalement et de suivi des violences sexistes et sexuelles que chaque employeur public a l’obligation de mettre en place. Le code du travail et l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail constituent également des cadres de référence pour le secteur privé. Notons toutefois que la mobilisation des pouvoirs publics sur la prévention de la violence envers les professionnels de santé, récemment abordée au Parlement par la proposition de loi « renforcer la sécurité des professionnels de santé », s’est concentrée sur les violences subies de la part d’éléments extérieurs des institutions. Il n’est surtout pas question de les minimiser, mais de relever qu’à l’instar des violences dans l’ensemble de la société, une sous-estimation de l’ampleur de celles commises par l’entourage immédiat, familial, amical ou professionnel est fréquemment observée. A ce titre, il est un enjeu essentiel, dont chaque responsable,
cadre, représentant du personnel, est garant : l’institution doit jouer pleinement son rôle de protection des salariés et l’engagement personnel de chacun est fondamental. L’implication des directions est déterminante pour mobiliser les acteurs à la fois dans la prévention des comportements violents et sexistes et dans leur traitement. Le grand mérite de la libération de la parole est de renforcer la prise de conscience de chacun sur ses responsabilités, sur l’impératif de lutter contre la persistance de comportements et de propos longtemps couverts par une culture patriarcale. Cette libération de la parole est un point de départ. L’action de la justice et celle de la discipline sont là pour sanctionner, impliquant la garantie du contradictoire. C’est une priorité d’action pour toute la CFDT. Le SYNCASS-CFDT s’y implique pleinement, dans les accompagnements individuels des collègues et dans les instances nationales.

L’actualité du moment est également marquée par la campagne pour les élections au Parlement européen. Elle s’engage dans un climat morose qui laisse présager une nouvelle baisse de la participation, après le sursaut rassurant qui s’était produit en 2019. Pourtant, le mandat écoulé a vu l’Europe en première ligne sur les préoccupations de ses citoyens : la santé avec la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, la sécurité avec la guerre en Ukraine. L’usure de nos institutions nationales et celle du pouvoir exécutif aboutissent, comme souvent, à un déplacement des enjeux vers le débat franco-français, y compris sur la guerre à Gaza. La CFDT, comme les syndicats européens dans leur ensemble à travers la confédération européenne des syndicats, réaffirme la nécessité de se mobiliser pour cette élection : en dépit de ses limites, le seul parlement supranational du continent mérite toute notre attention. Pour affronter le défi de la transition climatique ; pour garantir et étendre les droits sociaux et les libertés individuelles ; pour garantir la sécurité collective des citoyens européens. Dans tous ces domaines, la progression de l’extrême droite dans les pays européens et au Parlement de l’Union est un danger. La participation à cette élection y trouve une motivation supplémentaire.