Après une longue interruption, la newsletter revient en cette période singulière du début de l’été. La reprise d’une vie sociale et conviviale plus normale nous remet en mémoire celui de 2020, alors teinté d’optimisme. Depuis, la pandémie a enterré les illusions d’un virus seulement saisonnier. Le bilan s’est encore considérablement alourdi par rapport à la première vague, ce que bien peu d’entre nous, professionnels ou citoyens, aurions jugé vraisemblable. Les mois écoulés depuis novembre ponctués par la succession des variants et les cahots du pilotage de la crise sanitaire auront maintenu une tension constante. Nous en sommes collectivement marqués, à l’affût d’un nouveau rebond épidémique déjà sensible dans certains pays.
A moins d’un an de son échéance électorale principale, notre démocratie apparaît bien éprouvée. Certes, durant la crise, la France a conservé un exécutif fort. Fort du moins grâce aux leviers dont il dispose, ceux de la force publique et de l’administration ; mais incapable de faire vivre des espaces de délibération. S’il est vrai que le Parlement n’est pas une cellule de crise, est-il normal qu’il ait aussi peu débattu de mesures qui touchent autant la liberté et la vie de chacun ? Doit-on se résoudre au fait que l’état d’urgence sanitaire se soit imposé sur une telle durée avec une discussion aussi pauvre ? La mise en cause récente par voie de presse du bilan du confinement 2021 peut paraître injuste à l’exécutif. Le pari de mise en tension maximale des lits de soins critiques conjuguée avec un confinement à la fois tardif et moins strict que celui de 2020 est difficile à évaluer dans ses incidences sur la santé publique, l’économie, l’éducation. Contestable dans sa méthode, ce questionnement est inévitable tant les décisions de gestion de cette crise ont été solitaires et peu partagées. Cette incapacité à impliquer les acteurs sociaux amplifie la dévalorisation de la parole publique.
Les élections régionales et départementales n’auront pas amélioré cette impression de fatigue démocratique. Même si les causes en sont multiples, l’importance historique du taux d’abstention interroge la construction institutionnelle de collectivités territoriales vide de sens pour l’écrasante majorité des citoyens. Cette autre crise, profonde, nous interpelle tant les missions des établissements dans lesquels nous travaillons sont liées à l’action locale.
La phase 2021 de la crise sanitaire a de nouveau mis à rude épreuve les professionnels de nos secteurs, cette fois sur l’ensemble des régions. La mise en tension des capacités d’accueil des patients COVID s’est accompagnée de déprogrammations mieux pilotées qu’en régime de plan blanc généralisé, même si les effets négatifs pour les patients sont avérés avec des décalages de prise en charge. Le suivi des pathologies chroniques a été mieux préservé. Le système hospitalier dans son ensemble a absorbé un choc moins aigu mais d’une durée très longue qui a éprouvé les individus et les collectifs de travail. Le décalage entre cette réalité et la concertation sur les textes relatifs à la gouvernance des établissements, puis leur sortie, est apparu flagrant. Qui peut croire que cette construction alambiquée va apporter une respiration et un élan aux professionnels ?
Pour couronner l’ensemble, une instruction vient se donner pour objectif de diffuser des bonnes pratiques de gouvernance préconisées par le rapport Claris. S’égarant souvent dans des détails superflus, elle a surtout ravivé une tension sur le rôle des présidents de CME dans le choix des chefs d’établissements. C’est faire injure aux directeurs de sous-entendre que la rencontre du président de la CME n’est pas pour eux une démarche indispensable à une candidature bien conduite. Elle permet de mesurer les enjeux stratégiques majeurs de l’établissement et de poser un jalon important du travail en commun futur. Mais mentionner dans une instruction, quel qu’en soit le formalisme, qu’il faut consulter le PCME pour sélectionner le candidat retenu a une tout autre portée. C’est irrégulier juridiquement et dangereux pour l’équilibre de la gouvernance.
Les EHPAD ont retrouvé progressivement un fonctionnement tendant vers la normalité. Cependant, un tassement des admissions de résidents est observé, tendance dont les conséquences préoccupantes restent à mesurer plus précisément et à confirmer. La priorité calendaire de la vaccination des résidents a été un choix pertinent qui a amené un bon niveau de protection collective en établissement. Pourtant, la vaccination des personnels en EHPAD reste inférieure à celle des autres soignants, elle-même pointée par le gouvernement. Dans une campagne de vaccination qui a trouvé son rythme de croisière et qui s’est imposée auprès de la majorité de la population, la pédagogie marque le pas face à la défiance d’une part importante des soignants. Faut-il ajouter la vaccination contre la COVID à l’obligation vaccinale en vigueur ? Alors que le secteur traverse une crise de recrutement installée dans la durée, ne faut-il pas s’attendre alors à l’accroître encore ? Sans parler de la validité juridique qui ne manquerait pas d’être soumise au conseil constitutionnel ou au Conseil d’Etat s’agissant de vaccins qui ne disposent que d’autorisations d’utilisation conditionnelles ? En tout cas, faire porter la responsabilité du faible taux de vaccination des personnels hospitaliers aux directeurs est un procès d’intention particulièrement injuste et inacceptable.
L’inquiétude naît aussi des effets à longue portée de la pandémie : détresses psychologiques, distension du lien social, aggravation de la pauvreté des plus fragiles. Nos secteurs vont devoir réparer ces dégâts sur le long terme après avoir géré l’urgence en continu pendant des mois. Les établissements devront tabler sur la ténacité des équipes, parfois minées par des des situations d’épuisement et des départs de professionnels.
Les premières concrétisations du Ségur n’ont pas encore provoqué de déclic suffisant sur l’attractivité et la fidélisation. Le pourvoi des besoins minimums en effectifs paramédicaux et médicaux dans les mois qui viennent reste un sujet critique dans beaucoup d’établissements. C’est particulièrement le cas en psychiatrie : la tenue des assises de la santé mentale reportée en septembre donnera-t-elle un signal positif ? Cela se vérifie également dans les établissements sociaux et du secteur du handicap, dans l’attente légitime d’une extension du Complément de Traitement Indiciaire à l’ensemble des agents de la FHP et des négociations conventionnelles dans le secteur privé associatif.
La grande fatigue des professionnels se traduit par des colères sourdes et une hypersensibilité à des revendications corporatistes. C’est la mission d’une organisation syndicale de proposer d’autres voies. Il ne va pas être facile de le faire dans l’année qui vient. On peut craindre que la mandature présidentielle se termine avec l’obsession de circonscrire les incendies catégoriels et de satisfaire les groupes de pression supposés influents.
Le SYNCASS-CFDT, avec d’autres, a dénoncé les reports successifs de la loi sur le grand âge de même que l’absence de financement pérenne du 5ème risque. La perplexité domine sur les intentions du gouvernement. L’annonce d’un projet de loi déposé durant l’été serait-il un rattrapage in extremis de ce qui était une priorité du Président de la République ?
Car à ce jour, force est de constater que la priorité du gouvernement se porte plutôt sur le projet de loi “relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale”, dit “3DS”, prévoyant entre autres, le rattachement à la fonction publique territoriale des directeurs d’établissements des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) relevant actuellement de la FPH. Malgré toutes les alertes portées et tous les arguments avancés pour pointer les incohérences de ce projet, les différents ministères impliqués restent sourds. Le SYNCASS-CFDT va poursuivre sa mobilisation pour défendre le statut et les conditions d’exercice des directeurs des IDEF et portera pour cela son analyse et ses propositions d’amendements, tant auprès des sénateurs que des députés tout au long de la procédure parlementaire.
Enfin, notre secteur n’échappe pas au débat sur la sortie du « quoiqu’il en coûte ». La garantie de financement aux établissements hospitaliers a été étendue à l’année 2021 ce qui donne un bol d’air, mais la visibilité à moyen terme fait défaut. Les premières décisions sur la reprise de la dette, promise depuis 2019, remontent dans une certaine confusion et de façon peu transparente. L’énergie déployée à justifier des arbitrages intenables, comme celui du CTI au compte-gouttes, serait mieux employée à recréer des marges de manœuvre systématiquement rabotées durant la décennie 2010. Le déficit de l’assurance maladie est annoncé avec une ampleur inédite, résultant à la fois de la contraction des recettes et de la prise en charge des dépenses exceptionnelles, particulièrement les tests et les vaccins. Le gouvernement use d’expédients habituels pour en combler une fraction (taxation des mutuelles), semblant écarter toute mesure structurelle de financement. En conséquence, la Cour des comptes aborde la trajectoire des finances publiques avec les mêmes discours et les mêmes présupposés qu’avant la crise : comme si nos secteurs n’avaient pas supporté depuis des années un sous-financement récurrent, ils devront contribuer à des efforts d’économies de dépenses. La formule ministérielle du « tenir ensemble » devient creuse quand de tels raisonnements sont présentés sans alternative, ni discussion. Le dernier rapport du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie paru le 27 mai dernier propose une lecture plus stimulante pour rendre au pilotage du système son sens, celui de la réponse aux besoins de santé entendus dans leur acception la plus large.
Dans ce contexte, le SYNCASS-CFDT prépare son 8ème congrès qui se tiendra les 23 et 24 septembre prochains. L’espoir est vif de retrouver une dimension conviviale avec la présence des adhérents. Nous y débattrons des orientations du syndicat pour les quatre ans à venir. Nous tablons plus que jamais sur notre force collective pour dessiner des perspectives mobilisatrices pour nos professions.