Cinq ans après les débuts d’une crise sanitaire qui nous a tous marqués, le Président de la République a prononcé une allocution au ton particulièrement grave le 5 mars dernier. Sans reprendre le célèbre « nous sommes en guerre » de 2020, il a expliqué les menaces dont notre pays était l’objet. Il a notamment illustré la réalité concrète des dangers actuels en citant notamment les cyberattaques dont certains hôpitaux ont été les victimes ces derniers mois.
La réalité de la guerre en Ukraine, palpable dans notre pays après son déclenchement suite à l’afflux des réfugiés, avait peu à peu disparu du premier plan médiatique. Les annonces aussi fracassantes qu’erratiques des Etats-Unis sont venus confirmer que l’allié et le partenaire historique de la sécurité en Europe depuis plus d’un siècle n’était plus fiable, voire dangereux, remettant en cause l’intégrité territoriale de ses propres voisins. La nécessité que l’Europe et la France se remobilisent pour renforcer leur défense commune apparaît clairement. Cette prise de conscience est nécessaire.
Plusieurs volets de ce discours sont pourtant sujets à caution.
Tout d’abord, si le Président de la République avait bien conscience de ces dangers, nous demeurons atterrés qu’il ait délibérément plongé la vie institutionnelle du pays dans la confusion en juin dernier avec la dissolution de l’Assemblée nationale. Les conséquences issues de cette décision ont fragilisé durablement le pays. De même, les esquives répétées de l’exécutif au premier semestre 2024 visant à différer la révélation de la situation réelle des finances publiques était la pire manière de préparer la nation à un effort collectif qui s’avère encore plus grand.
La nécessité de cet effort a été bien expliquée. Quelle en sera sa nature ? Là, nous débouchons sur une autre facette du discours qui reprend l’antienne présidentielle : pas de hausse d’impôt ! Mais alors, quelles ressources y seront consacrées en sus de la loi de programmation militaire qui a déjà représenté un investissement significatif ces dernières années ?
En creux, c’est une nouvelle fois notre modèle social et les dépenses socialisées, singulièrement le financement des retraites par répartition, qui apparaissent comme les variables d’ajustement. La sécurité contre nos retraites ! C’est la solidarité nationale qu’il faudrait mettre à contribution pour dégager des ressources pour la défense nationale. Il s’agit d’une grave erreur. La cohésion de la société la rend plus forte, plus apte à affronter des dangers. Or, le sentiment d’affaiblissement de la nation, et avec lui la recherche de boucs émissaires et la fragmentation des opinions, résultent précisément des reculs de l’accès aux services publics et aux protections collectives.
C’est par là aussi que, cinq ans après la première vague du COVID, des leçons essentielles de la crise n’ont pas été tirées. Quels sont les éléments les plus importants qui font société ? Où se situent les ressources du ressort collectif ? Quelles valeurs et quels principes méritent d’être défendus bec et ongle ? Ce sont bien la solidarité, l’attention aux plus vulnérables et l’inclusion de tous dans le projet collectif qui soudent la République à ses citoyens. Les syndicats dans leur ensemble, la CFDT au premier rang, continueront à le faire entendre.