L’été s’annonce particulièrement difficile pour la continuité des soins. L’application de la loi Rist n’est pas la solution miracle et les directeurs ont du mal à assurer un recrutement suffisant permettant de maintenir une activité répondant aux besoins de santé publique. Les dispositifs de coopération mis en œuvre notamment via la multiplication des directions communes et les GHT peinent à répondre concrètement au manque d’attractivité et entraînent une charge de travail supplémentaire et une perte de proximité pour des équipes écartelées sur plusieurs sites géographiques.
S’agissant du métier de directeur, un jugement du tribunal administratif saisi à notre initiative vient rappeler ce que nous défendons avec force et conviction, que le processus de recrutement doit respecter les principes négociés permettant un égal accès de tous aux emplois supérieurs.
Cette instance collégiale s’ouvre à l’approche d’un été qui s’annonce à nouveau compliqué quant à l’organisation de la continuité et de la permanence des soins dans les établissements, et par conséquent en termes de conditions de travail pour les équipes et les directeurs. Quelques semaines après la mise en œuvre de la loi Rist, deux types d’arguments sont relevés dans la communication du gouvernement et des ARS, visant à rassurer les acteurs et les usagers : à quelques exceptions près, tout serait sous contrôle, les intérimaires reprennent des postes dans les établissements, les tarifs plafonds sont respectés et les dérogations s’appliquant aux indemnités de sujétion qui rémunèrent la permanence des soins sont prolongées jusqu’à la fin de l’été. Quant aux situations dégradées, elles correspondraient à des problématiques anciennes, antérieures à la loi Rist. Pour résumer, ce serait une réussite pleinement maîtrisée.
Cet autosatisfecit, malheureusement habituel, n’en est pas moins inquiétant voire désespérant pour les équipes comme pour les collègues. Rappelons que les gouvernements successifs auront mis presque huit années pour faire appliquer les textes, de la décision du plafonnement des tarifs d’intérim jusqu’à son application stricte par le Trésor public, sans parler de l’interdiction d’exercice de l’intérim en début de carrière en cours d’examen au Parlement.
Il nous faut pourtant réaffirmer avec force que rien n’est encore réglé :
- Parce que les effets de la loi Rist, et donc la mesure concrète de ses conséquences, vont s’étaler encore sur plusieurs mois : en premier lieu le plafonnement des tarifs d’intérim certes relevés à 1 390€ les 24h est prévu jusqu’au 31 août 2023 ; les revalorisations des forfaits de permanence des soins et de temps de travail additionnel qui doivent être discutées avec les syndicats médicaux, discussion sans cesse repoussée à leur grand dam, sont depuis bientôt 18 mois sous un statut dérogatoire ; le contrôle exercé par le Trésor public limité aux seuls nouveaux engagements démarre très progressivement, nombre d’intérimaires et de remplaçants « classiques » restant rémunérés au-delà des plafonds réglementaires en raison de contrats signés avant le 3 avril 2023 date d’application de la loi.
- Parce que le recrutement médical n’en a pas été profondément transformé, en particulier quant à la surenchère salariale, malgré les outils mis en œuvre : le déploiement de la prime de solidarité territoriale majorée, dont l’application sera à évaluer en regard des décisions très diverses selon les ARS, et des accords très largement distribués pour disposer de l’attractivité des contrats de motif 2.
- Parce que des établissements dans certains territoires restent « blacklistés » par les intérimaires ou par les remplaçants dans l’espoir de les faire « céder ».
- Parce que les CHU et les plus gros établissements support, accaparés par leurs propres problèmes et l’impérieuse nécessité de relancer l’activité, ne sont pas toujours en mesure d’appuyer les établissements de leur ressort.
- Parce que les tensions entre établissements, entre élus et directeurs, par l’existence de consignes intenables des ARS en décalage avec les réalités de terrain, continuent d’exister.
- Parce que la solidarité ne se décrète pas, que ce soit entre établissements publics ou entre secteurs d’activité, souvent concurrents. Concurrence que les révisions des PRS ravivent au gré de la redistribution des autorisations que leur réforme inadaptée face aux difficultés du moment accentue.
Cette réalité d’un émiettement du tissu hospitalier peut sembler contradictoire avec le mouvement de concentration des établissements qui s’est enclenché dans les années 2 000. Les multiples outils de coopération ont abouti à de très nombreuses directions communes voire fusions et GHT plus ou moins “intégratifs”. Sans apporter de solutions aux problèmes d’attractivité des territoires les plus délaissés, ils ont entraîné une perte réelle de proximité des directeurs avec leurs établissements, les chefs d’abord, les adjoints ensuite. La logique du temps partagé entre de multiples lieux d’exercice, outre les problématiques de conditions et de charge de travail qu’elle induit, frustre les professionnels des temps d’échange et de confrontation nécessaires pour prendre les décisions les plus adaptées, les mettre en œuvre et les ajuster, ce d’autant que ces montages conduisent inexorablement à l’empilement des contraintes bureaucratiques.
Curieusement, cette réalité n’est pas évoquée dans les débats relancés depuis janvier sur la gouvernance, alors même que le renforcement de l’échelon du service, symbole interne de la proximité, est remis au goût du jour. Pour disposer d’équipes de direction proches des professionnels, expliquant leur action, générant l’attractivité, il faut leur permettre d’exercer dans un périmètre maîtrisable. Dans cette optique, qui mériterait une expertise partagée venant à la fois des équipes et des dirigeants, il est fâcheux qu’une proposition de loi en cours remette sur la table l’hypothèse déjà écartée et sans doute éculée d’une direction commune automatique pour les établissements partie à un GHT lors d’un départ de chef d’établissement, sans même avoir évalué les effets concrets, les réussites et les échecs, des regroupements entrepris depuis 15 ans.
Enfin, le SYNCASS-CFDT souhaite évoquer l’actualité directe de notre instance collégiale concernant l’annulation par la justice administrative de la procédure de nomination du directeur du centre hospitalier national d’ophtalmologie des 15-20. Le SYNCASS-CFDT, seul syndicat présent à l’audience avec son avocate, a livré une grande part d’analyse et d’argumentation juridiques de ce recours qui concentrait des questions fondamentales pour notre instance et pour le corps, des questions de principe et de procédure et non des questions de personne :
- Oui, le SYNCASS-CFDT estime que les lignes directrices de gestion négociées relatives à l’accès aux emplois supérieurs sont pertinentes et utiles ; le juge administratif souligne qu’il n’est pas possible d’y déroger sans un motif d’intérêt général ou sans une circonstance particulière qui le justifie ;
- Oui, le SYNCASS-CFDT est attaché à la règle d’incompatibilité territoriale, règle constante respectée depuis longtemps dans l’accès aux emplois publics, en particulier de chefs d’établissements de la FPH, règle qui été bafouée selon le juge dans ce cas ;
- Oui, le SYNCASS-CFDT reste convaincu que la régularité des procédures est une garantie pour le respect du principe constitutionnel d’égal accès aux charges publiques ; le juge administratif consacre de plus le principe d’impartialité comme fil directeur du processus de sélection des candidats.
Ces principes sont les piliers de la confiance des collègues dans un processus transparent et équitable qui conjugue la rigueur et l’efficacité. Nous devons tous les partager et les faire vivre.
Le SYNCASS-CFDT agit dans l’intérêt général, celui des collègues et candidats, mais aussi celui des établissements. L’annulation de la nomination d’un chef d’établissement par un tribunal administratif est inédite. Le SYNCASS-CFDT a cherché à en éviter les conséquences dommageables en déposant en son temps un référé, hélas perdu. Dans ce contexte et dans l’intérêt de l’établissement, nous souhaitons connaître la suite que le CNG entend réserver à cette décision de justice et les modalités qui sont mises en œuvre pour assurer la continuité du fonctionnement du centre hospitalier national d’ophtalmologie des 15-20.