Notre instance collégiale s’ouvre dans une atmosphère hivernale que l’actualité de ces dernières semaines a bien du mal à embellir. Après une rentrée lourde d’incertitudes, les premiers pas du nouveau gouvernement, plombé par une situation des finances publiques dégradée et la préparation dans un délai trop contraint des projets de budgets, sont marqués par une série d’annonces ayant un air de « déjà vu » qui mêlent expédients, provocations et ficelles grossières.
Nous en voulons pour preuve les mesures prévues pour la fonction publique : gel du point d’indice en 2025 prolongeant celui de 2024, suspension de la garantie individuelle du pouvoir d’achat et, « last but not least », évolution des règles d’indemnisation des arrêts maladie vers les règles les plus défavorables s’appliquant aux salariés du secteur privé. Pour rappel, seul un tiers d’entre eux ne disposent pas de la compensation des « fameux » trois jours de carence et de l’intégralité du salaire les trois premiers mois, via des accords de branche ou d’entreprises.
Ces mesures de moins-disant social assumé ont été annoncées avec l’aplomb des vieux briscards de la casse du service public, en réservant la primeur aux médias sans considération des organisations syndicales représentant les agents, en contradiction flagrante avec les promesses initiales du Premier ministre sur sa conception du dialogue social. En conséquence, sept organisations, dont la CFDT, appellent à une journée de grève et de protestation le 5 décembre prochain. La colère des agents publics, jetés sans ménagement en pâture à l’opinion, s’exprimera : alors même que les absences au travail dans la fonction publique baissent en 2023, qu’elles traduisent pour l’essentiel l’évolution des caractéristiques démographiques des fonctionnaires et leur exposition à des risques professionnels documentés liés à la spécificité de leurs métiers, il est choquant que leur ministre jette l’opprobre sur les agents qu’il est censé défendre.
Pendant ce temps, la FPH reste à quai sur des chantiers majeurs d’évolution des ressources humaines qui intéressent l’ensemble de la fonction publique : la refonte du régime indemnitaire et la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire, malgré les interpellations des organisations syndicales représentatives, n’avancent toujours pas.
Dans le secteur hospitalier, l’aggravation des déficits est sensible, rendant encore plus inquiétante la trajectoire qu’esquisse le PLFSS. L’Etat en la matière semble adopter la facétieuse tactique du sapeur Camember, comblant des trous en en creusant d’autres. Tous les acteurs responsables savent bien que la situation de la CNRACL est critique à court terme ; que la réforme des retraites de 2023 a laissé entiers les problèmes de fond d’un régime soumis à un déséquilibre démographique croissant ; qu’un système dans lequel les pensions progressent plus rapidement que les salaires sur lesquels les cotisations sont assises mine le principe même de la répartition. Cependant, l’orientation qui se dessine d’une augmentation très significative de cotisations des établissements, sans que la progression de l’ONDAM tienne compte des déficits accumulés estimés à 2 milliards € en 2024 et de l’évolution des autres charges, témoigne d’une fuite en avant dangereuse et irréfléchie. Les défauts de paiement constatés de cotisations à la CNRACL les plus importants concernent d’ores et déjà des hôpitaux. Les pistes d’économies invoquées par le PLFSS, sur les achats par exemple, recyclent ad nauseam les penchants risibles de la décennie 2010, alors que le choc inflationniste n’épargne ni les budgets logistiques ni les dépenses pharmaceutiques. Il en est de même des déremboursements qui transfèrent les charges vers les assurances privées et mutuelles complémentaires sans en assumer les conséquences : l’augmentation des cotisations pour tous et la majoration du reste à charge qui touche prioritairement les malades les plus graves, conduisant certains au renoncement aux soins.
Ce contexte n’est pas de nature à faciliter les conditions d’exercice des directeurs, à qui on fait miroiter de surcroît le totem de la simplification du matin au soir. Sur ce registre, le discours de la ministre aux 1ères assises nationales des GHT à Lille la semaine dernière s’inscrit dans la ligne de ses prédécesseurs : elle promeut des GHT « plus agiles et plus intégrés », comme si les deux termes allaient de soi ; comme si les retours de terrain étaient univoques à cet égard ; comme si les dynamiques territoriales et les coopérations entre acteurs dépendaient d’un meccano institutionnel précisément toujours plus complexe. L’assimilation entre GHT et direction commune obscurcit le débat plus qu’il ne l’éclaire. Le refus d’en revoir les périmètres, très hétérogènes, ou de questionner la juste place des CHU dans le dispositif inquiète sur la cohérence de vues et le partage transparent des attentes. Le défaut d’évaluation des GHT à l’aune d’objectifs clairement identifiés perdure, à commencer par celui de l’amélioration de l’accès aux soins et de la réponse aux besoins. Pourtant, le niveau de l’activité n’est pas encore parvenu partout à effacer les dégâts et les reculs de la crise sanitaire.
Nous avons cité quelques dossiers RH à l’arrêt dans notre champ : s’y ajoute celui de la transposition dans la FPH de la réforme de la haute fonction publique brutalement interrompue par la dissolution de juin dernier. Si le cheminement des discussions conduites depuis début 2023 a été tortueux et les points d’arrivée loin d’être satisfaisants pour nos revendications, la mise en pause prolongée de cette réforme essentielle pour restaurer l’attractivité des trois corps de direction est incompréhensible. Qui peut dire ce que vont devenir le décret emplois supérieurs qui régit le fonctionnement de l’instance collégiale et le statut des DH qui devaient être examinés en conseil supérieur de la fonction publique hospitalière en juillet dernier ?
Le SYNCASS-CFDT est déterminé à sortir de cette inertie, à obtenir des avancées pour tous les collègues. Il ne lâchera rien de sa résolution à conduire l’Etat à assumer ses responsabilités vis-à-vis de ceux qui font face sans tergiverser aux impératifs de leur mission, qui veillent à la bonne marche des établissements au bénéfice des usagers, qui œuvrent au quotidien à apaiser et réguler les tensions, à dépasser les antagonismes et les contradictions et à dynamiser les forces vives des équipes. Face à la dégradation de leurs conditions de travail et à l’aube de pressions financières renouvelées, le SYNCASS-CFDT défendra la juste reconnaissance de leur engagement.