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Instance collégiale DH du 12 septembre 2024 – Bilan de l’été : à qui perd gagne !

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Le contexte de cette séance de l’instance collégiale de rentrée fait suite à une séquence estivale tout en contraste. Le succès populaire des jeux olympiques et paralympiques a permis un bol d’air d’images et de sensations positives. L’implication forte de l’hôpital, aux côtés d’autres services publics, a permis de donner à cet évènement planétaire sa pleine mesure. Il a démontré, aux yeux du monde, la force de notre modèle républicain de service public à la française, pourtant régulièrement décrié.

Comme en matière d’olympisme, l’heure est au bilan estival : a-t-on fait un peu mieux ou un peu moins bien que la fois précédente ? Plus ou moins de médailles gagnées ? Les athlètes, les fédérations, les élus, les spectateurs, sont-ils satisfaits ou déçus du bilan final ? Quelles leçons en tirer ?

Cette mobilisation pour les JO, et la lourde préparation attenante, n’a pas pu masquer une situation connue depuis maintenant plusieurs années. Les médias ont égrainé ces dernières semaines la liste des établissements et des territoires ayant dû fonctionner en mode dégradé, aux urgences, dans des services de maternité et de pédiatrie. En omettant de citer les fermetures du côté des cliniques… Le gouvernement démissionnaire a répété , comme les années précédentes, que la continuité des soins avait été assurée faisant fi des différences territoriales béantes et de la perception des acteurs comme des usagers devant ce « puzzle » sanitaire qui compte toujours des pièces « égarées ».

Une enquête récente de la FHF témoigne cependant qu’une nette majorité de responsables ont observé cette année une dégradation de la situation sur différents paramètres : dans un contexte d’activité en hausse, les établissements relèvent notamment des manques persistants de médecins et des difficultés croissantes d’accès aux lits d’aval. L’organisation en mode dégradé d’un site a pourtant des effets en cascade sur les voisins. La solidarité territoriale peut rapidement virer à l’effet domino, les difficultés des uns amplifiant celles des autres. Nous manquons de recul pour documenter les incidences de ces dysfonctionnements sur la santé globale. En revanche, les impacts négatifs sont flagrants sur les trajectoires de patients, les conditions de travail des équipes, l’inquiétude des citoyens et d’élus locaux sur l’accès aux soins nourrie également par les tensions et les capacités incertaines d’organisation structurée de la médecine de ville.

La question simpliste (services, ou lits, ouverts ou fermés ?) ne répond pas aux enjeux essentiels du secteur de la santé. Chacun perçoit que les questions de fond (l’organisation graduée des soins, la formation adaptée des professionnels, le choix de la liberté ou de la contrainte, les différences profondes quoi qu’on en dise de nature et d’intérêt des secteurs sanitaires public et privé) ne sont pas abordées voire évacuées. L’appel au partage de la contrainte de la permanence des soins n’a, dans cette optique, pas de sens. Il nie les objectifs différents de chaque secteur, poussant plus encore à l’affrontement concurrentiel déjà généré par le mode de financement et le schéma d’autorisation des activités (la T2A, comme son nom l’indique, visant à « tarifer » chaque prestation, les autorisations à « tenir » des filières). Ces organisations ont leur lot de conséquences, dont celle majeure de la compétition pour attirer les ressources humaines déclenchant la dérégulation salariale. Cela n’aura pour résultats que de mettre en tension la répartition de l’enveloppe de financement de la PDS.

Dans cette période d’attentes sociales et citoyennes fortes, avec une conception toute personnelle de l’esprit des institutions, le Président de la République a pris son temps pour choisir et nommer un Premier ministre. Le résultat inédit des élections législatives, marquées par une mobilisation à la hauteur des enjeux, dont le mode de scrutin est réputé garantir une majorité, même relative, débouche sur une situation confuse et incertaine. Non seulement le dessein de clarification espérée a échoué, mais les grandes politiques publiques, dont la santé fait partie, qui réclament de la stabilité et une majorité soutenante risquent de pâtir d’un cabotage au gré des vents partisans.

Le gouvernement, précarisé par la menace permanente d’une censure, devra sans tarder s’attaquer à la préparation du budget de l’Etat et du PLFSS. Le creusement des déficits s’est encore aggravé depuis les annonces déjà sombres du printemps dernier. Nous savons que les hôpitaux et les EHPAD publics y apportent une contribution, certes modeste ramenée à l’ensemble des comptes publics, mais jamais vue au regard du périmètre des dépenses concernées. Il ressort clairement que la période de sortie du COVID, avec notamment ses tensions inflationnistes et sur les ressources humaines, a dégradé structurellement la gestion des établissements. Les financements des mesures salariales du Ségur et la compensation de la hausse des prix sont intervenus sur l’air du « trop peu, trop tard ». L’augmentation sur longue période de l’absentéisme, le recours devenu routinier aux heures supplémentaires et au temps additionnel pour maintenir vaille que vaille les activités, la pression salariale sur les spécialités rares sont autant de facteurs qui plombent les situations financières des établissements. Les messages émis ces derniers jours sur les pistes d’économies ne sont guère réjouissants, avec bon nombre de propositions éculées et court-termistes, annonçant une politique sans envergure.

Comme illustration du bouleversement des repères, ces dernières semaines ont vu l’annonce d’une rentrée des internes en novembre prochain avec 1 500 lauréats des ECN qui préfèrent redoubler plutôt que de se frotter à l’incertitude d’un nouveau modèle d’épreuves. Qu’un étudiant sur sept, comme il en a le droit, choisisse de se donner une chance d’opter pour une voie plus conforme à ses aspirations n’est pas a priori choquant, quand on sait l’importance de ce choix initial dicté par sa performance aux épreuves sur la suite de sa carrière. La réforme des études, en particulier celle du cursus de médecine générale qui polarise les tensions, débouche ainsi sur une conséquence inattendue. Il s’agit d’une somme de décisions individuelles qui percute le système de régulation en place et ralentit la remontée du nombre de médecins formés. Le choix des postes ouverts aux ECN continue par ailleurs à envoyer des signaux préoccupants sur les préférences de beaucoup des futurs professionnels, en termes de besoins de santé publique et de répartition sur les territoires. Comment le système, piloté par des données nécessairement macro, peut-il répondre dans ces conditions aux besoins des populations et des territoires ? Les aspirations individuelles des futurs professionnels de santé doivent-elles à elles seules dicter les conditions d’accès aux soins de la population dans son entier ?

La comparaison a ses limites, mais il est à noter que les choix ouverts au EDH de la promotion Axel Kahn sont les plus contraints de ces dernières années, avec un nombre de postes offerts peu supérieur à l’effectif de cette promotion, pourtant plus important que les années précédentes.

L’instance de ce jour ne concerne qu’un nombre restreint de postes. Le nombre global de candidats est supérieur à la moyenne observée généralement, on ne peut en dire autant des candidates hélas. Deux postes de groupe 1 dans des régions attractives recueillent logiquement des candidatures nombreuses, avec une proportion rarement rencontrée de collègues très chevronnés. Une part importante parmi eux s’approchent de l’échéance de leur emploi fonctionnel ou sont déjà en période d’ultime prolongation de deux ans. Le nombre de débouchés offerts à ces collègues est restreint et l’embouteillage des parcours pose un problème de plus en plus aigu à la profession. A l’instar d’un tableau d’avancement à la hors classe toujours plus frustrant et parfois injuste, le moment est venu de questionner des principes de gestion des corps dont le sens et les objectifs n’ont nullement été expliqués. En quoi la gestion ou le pilotage des établissements en ont-ils été améliorés ? En quoi le recrutement des directeurs en est-il facilité ?

A ce titre, entre autres, le SYNCASS-CFDT réclame au nouveau gouvernement de reprendre sans délai le chantier de la haute fonction publique hospitalière qui embarque les trois corps de direction et le décret « emplois supérieurs ». C’est l’occasion de conserver les acquis positifs des discussions ouvertes depuis 2023 et de rattraper l’occasion manquée d’une construction statutaire simplifiée et positive pour tous les collègues, utile et au service des établissements.