Cette dernière instance collégiale de l’année s’ouvre dans un climat politique et social tendu. En effet, différentes mesures présentées dans le projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi que les annonces du ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, alimentent tous les raccourcis et stigmatisations que l’on pensait révolus. Elles suscitent colère et indignation des agents publics et des organisations syndicales qui les représentent, d’autant qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune concertation préalable et que le gouvernement préfère en réserver la primeur aux médias.
Des agents publics inutiles dont les postes pourraient être supprimés au prétexte d’une bureaucratie supposément éloignée des usagers, des agents publics auxquels aucune augmentation salariale ne peut être accordée en raison de leur poids budgétaire, des agents publics dont l’indice minimum n’est pas relevé au niveau du SMIC, des agents publics auxquels la garantie qui compense les pertes de pouvoir d’achat n’est pas versée au prétexte qu’elle coûterait cher, des agents publics enfin dont les absences sont dénoncées sans en analyser les motifs et raisons et dont la rémunération est baissée pendant les arrêts maladie, alors qu’un récent rapport de la DGAFP annonce une baisse de l’absentéisme dans la fonction publique en 2023. Cela sans un mot ni une étude sérieuse sur la proportion de maladies contractées en raison des métiers exercés ou des conditions d’exercice (alors que des données ont pu être produites sur la même période pour l’emploi salarié privé).
La bonne méthode, pour faire évoluer le service public avec ceux qui l’exercent au quotidien, est d’en finir avec des annonces à l’emporte-pièce et de sortir des recettes éculées pour se mettre autour de la table du dialogue social et des négociations. Aucune donnée n’est d’ailleurs fournie à l’appui des mesures exposées pour démontrer leur efficacité. De plus, dévaloriser ceux qui exercent les missions de service public décourage les prétendants. Il en est pour preuve la baisse de candidats aux concours, notamment ceux de la FPH, ou les 60 000 postes vacants à ce jour dans les trois versants de la fonction publique. Ce n’est certainement pas ainsi que la population recevra les services qu’elle attend et qui lui sont promis par l’Etat, le législateur et la Constitution. Un Etat protecteur doit protéger ses agents, non les stigmatiser !
Face au blocage des discussions et au maintien des principales mesures, notamment la réduction de 100 % à 90 % de l’indemnisation des congés maladie des fonctionnaires et l’instauration de deux jours supplémentaires de carence, sept organisations syndicales, dont la CFDT, appellent les agents de la fonction publique à une journée d’action, de rassemblements, de manifestations et de grève sur l’ensemble du territoire le 5 décembre 2024.
Cette ultime instance collégiale 2024 nous donne l’opportunité de rappeler les difficultés rencontrées par les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, leurs directeurs et leurs équipes, que les annonces que nous venons de dénoncer ne vont en aucune manière satisfaire.
La troisième et dernière campagne budgétaire médico-sociale pour 2024 a été publiée au Bulletin officiel du 31 octobre. Elle permettra de dégager 100 millions d’euros supplémentaires pour les EHPAD en difficultés de trésorerie, alors que le déficit cumulé global est estimé à 600 millions. Ces 100 millions sont ajoutés aux 100 déjà octroyés, dans les conditions que l’on connaît, de recherche de responsabilité et de culpabilisation des directeurs sans analyse profonde des causes et des positions des financeurs, parfois très variables entre les territoires.
Cette circulaire montre que la situation financière des établissements n’est pas prise en compte à la hauteur des enjeux, et que les directeurs sont présumés coupables, y compris quand les seuls facteurs externes expliquent cette dégradation. Elle dénote également l’absence de volonté d’apurer le déficit, pourtant majoritairement constaté, pour rendre leur autonomie aux établissements : autre manière de les maintenir sous la coupe des financeurs, et de ne pas évoquer la prise en charge concrète des résidents qui ne peut que pâtir de la persistance d’un déséquilibre durable.
Certes, la commission des affaires sociales du Sénat propose la mise en place en 2025 d’un fonds d’urgence de 500 millions d’euros au bénéfice des hôpitaux et établissements médico-sociaux publics et privés non-lucratifs en déficit. Mais outre le fait que ces amendements ont peu de chance d’être maintenus dans la LFSS, il devient urgent de remettre à plat le modèle des EHPAD et de proposer des financements à moyen et long termes. Le système de financement des EHPAD aurait pu/aurait dû être réformé avant d’être placé au pied du mur, avec 85 % des EHPAD publics en déficit, sans perspective rapide de retour à l’équilibre. Cette réforme du modèle tarifaire sans cesse repoussée est l’un des effets dévastateurs de l’absence de loi grand âge !
Le déficit d’attractivité des métiers du secteur médico-social est lui aussi toujours d’actualité, intensifié pour les secteurs du handicap et de l’enfance par l’absence de versement du CTI à tous les agents de la FPH, iniquité attendant d’être corrigée et dont le gouvernement serait bien avisé de s’emparer. Evidemment, les mesures relatives aux jours de carence et à la rémunération des arrêts maladie, et le refus de toute forme de maintien du pouvoir d’achat des agents publics, ne pourront pas restaurer cette attractivité en berne.
De même, l’augmentation des cotisations retraite CNRACL prévue en 2025 et annoncée comme devant être renouvelée va peser massivement sur les coûts salariaux des établissements de la FPH. Des crédits fléchés sont annoncés pour compenser cette augmentation dans les établissements sanitaires. Le SYNCASS-CFDT rappelle que la situation financière des établissements sociaux et médico-sociaux, et notamment des EHPAD, ne permettra pas d’assumer cette nouvelle augmentation si elle n’est pas totalement compensée sur toutes les sections tarifaires. Elle risque de conduire aux mêmes effets que pour les hôpitaux, en entraînant les plus fragiles en trésorerie vers le non-paiement des cotisations pour maintenir le versement des salaires. Cette mesure pourrait en outre inciter les structures à recruter plus de contractuels, entretenant ainsi la précarité des emplois.
Et que dire de la chute constante du nombre de candidatures sur les emplois de chefs d’établissement D3S. Certes, cette instance collégiale compte moins de postes sans candidature que les précédentes, mais aucun emploi ne compte plus de quatre candidats, y compris dans les régions réputées être les plus attractives. Cela confirme une attractivité largement dépréciée, dans la totale indifférence des pouvoirs publics. Cela ouvre la porte de surcroît à des recrutements contractuels qui seront, du fait de la précarité de leur statut, moins à même de défendre leur établissement.
Ce déficit de candidatures a des conséquences pour la qualité de vie au travail des D3S. Ainsi, entre les postes restés vacants et ceux qui ne seront pas pourvus à l’issue de la procédure, une part importante nécessitera de nouveaux intérims, souvent longs, parfois imposés, ou la poursuite de ceux en cours, participant grandement à la dégradation de leurs conditions d’exercice. Cela peut conduire à l’épuisement professionnel ou à des conflits de valeurs, et cela ne sert in fine ni les établissements ni les résidents qui ont besoin d’équipes complètes pour s’occuper d’eux.
Et pourtant, point de perspectives d’évolution possible dans l’immédiat, la réforme statutaire n’ayant toujours pas été remise à l’ordre du jour. Le SYNCASS-CFDT défend des propositions à la hauteur des responsabilités et de l’engagement professionnel des D3S. Cela passe d’abord par une revalorisation statutaire aussi ambitieuse que celle réalisée dans la FPE, car le temps n’est plus à la défense d’un corporatisme d’une autre époque. Si cette réforme du statut et des corps ne voyait pas le jour, elle s’imposerait d’elle-même dans un délai court au vu du flux de détachements D3S en cours dans le corps des DH, ou demain dans celui plus attractif des administrateurs des deux autres versants.
Le SYNCASS-CFDT n’abandonnera pas cet objectif qui répond aux besoins des établissements et des équipes, et qui conforte les orientations tendant au regroupement des structures : il doit se concrétiser positivement pour tous les collègues. Les directeurs de la FPH, pas plus que l’ensemble des agents de la fonction publique, ne doivent pas être les boucs émissaires de la dette !