Instance collégiale D3S du 10 avril 2025 – Attractivité sinistrée : une réponse à la demande de « réduction ambitieuse des effectifs » de Bercy ?

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Cette séance de l’instance collégiale se tient dans une période particulièrement troublée, tant au niveau national qu’international. La « guerre commerciale » lancée par le Président des Etats-Unis n’épargne personne, elle aura nécessairement des conséquences économiques et budgétaires sur notre pays, qui s’ajoutent aux incertitudes, dont il est encore difficile de mesurer l’ampleur.

Notre actualité nationale a été marquée par une allocution au ton particulièrement grave du Président de la République le 5 mars dernier, au cours de laquelle il a expliqué les menaces dont notre pays était l’objet et la nécessité que l’Europe et en son sein la France se mobilisent pour renforcer leur défense commune.

Elle a également été marquée la semaine dernière par les nombreux commentaires suite aux jugements rendus lors du procès des assistants parlementaires du FN. C’est une nouvelle occasion de constater que l’Etat de droit est remis en cause par des dirigeants aux accents populistes de tous bords qui considèrent la justice indépendante comme une menace. Les réactions virulentes et les menaces proférées contre certains magistrats en sont une illustration décomplexée. Elle dénote pour le SYNCASS-CFDT la nécessité absolue, que nous devons sans cesse rappeler à l’Etat et aux élus, de protéger les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.

Face à ce bruit médiatique permanent, l’actualité du champ d’activité des D3S reste très éloignée des préoccupations gouvernementales du moment.

Pourtant, la situation financière des EHPAD est toujours dégradée, sans perspective d’amélioration à long terme. L’expérimentation de la fusion des sections tarifaires soins et dépendance, dont la mise en œuvre était initialement prévue au 1er janvier 2025, devra attendre le 1er juillet prochain pour être mise en œuvre. Mais c’est le modèle global de financement des EHPAD qui aurait pu/aurait dû être réformé avant d’être placé ainsi et en si peu de temps au pied du mur. Le secteur du grand âge attend toujours une loi ambitieuse, maintes fois promise et jamais concrétisée faute de réelle volonté politique, et à présent de majorité parlementaire.

Pourtant, le secteur du handicap attend toujours la mise en œuvre du CTI pour tous les agents de la FPH. C’est une question d’équité, de reconnaissance et de respect, mais également d’attractivité de ces emplois. De plus, la réforme SERAFIN-PH suscite toujours de vives inquiétudes chez les directeurs, même s’il a été acté que 2026 serait une année blanche. Outre le côté chronophage du codage des besoins et prestations, l’avancée des travaux ne permet toujours pas de dégager une vision globale sur la future tarification. Les directeurs attendent davantage de transparence et de garantie dans le cadre de la construction du nouveau modèle tarifaire, d’autant qu’ils devront élaborer leur prochains EPRD sans connaitre précisément les bases sur lesquelles les moyens budgétaires seront alloués.

Pourtant, le secteur de la protection de l’enfance fait l’objet d’un nouveau rapport parlementaire pointant encore une fois les manquements des politiques publiques, à la suite de celui publié par la Défenseure des droits en janvier dernier. Ce rapport souligne notamment la « crise d’attractivité majeure » du secteur, qui compromet gravement l’accueil des enfants. Notons que depuis l’adoption de la loi 3DS, peu de D3S restent encore à la tête de ces établissements. Comme on pouvait s’y attendre, du fait du manque de clarté et du non affichage des objectifs attendus, beaucoup de collègues sont partis et ceux qui y exercent encore leurs fonctions voient leur domaine de compétences restreint et doivent composer avec les injonctions de certains conseils départementaux.

Face à ces évolutions, le SYNCASS-CFDT réaffirme ses attentes et ses revendications.

Tous les directeurs doivent pouvoir bénéficier de conditions de travail soutenables. Chaque collègue doit pouvoir assurer un management éthique et responsable, et en bénéficier pour lui-même. Nous ne sommes pas là pour gérer la fuite en avant dangereuse que les arbitrages publics imposent. Nous ne sommes pas là pour subir la violence de certaines inspections inopinées, certes nécessaires, mais pouvant être réalisées de façon plus respectueuse pour les directeurs, les agents et les résidents. De même, les directeurs n’ont pas à porter la responsabilité des impasses budgétaires répétées, connues et non traitées, des restructurations sans lien avec les réalités des prises en charge ou, a contrario, l’incapacité de l’Etat à assumer des choix clairs.

Cela doit passer par l’amélioration des dispositifs institutionnels, adaptés, opposables et partagés. Le dispositif de signalement des difficultés d’exercice est en place mais le traitement de ces situations à risque doit gagner en efficacité. Il existe des signalements de management toxique avéré, certains sus et dénoncés depuis longtemps, qui sont demeurés et demeurent encore sans réaction adaptée. Il est du devoir de chaque partie prenante d’agir pour les faire cesser, à commencer par les organisations syndicales. Les directeurs le méritent et y ont droit. En prenant garde cependant à une dérive préoccupante qui touche tous les corps de direction : le recours de plus en plus répandu à des mises en cause judiciaires et médiatiques ne peut pas devenir un mode de règlement de tensions internes inhérentes au fonctionnement des établissements.

Le soutien des directeurs passe aussi par l’octroi facilité de la protection fonctionnelle : il faut étendre le processus de protection fonctionnelle des directeurs aux mises en cause par les juridictions financières. L’amendement déposé par les députés socialistes dans le cadre de l’examen du projet de loi “Simplification” permettrait de combler cette lacune s’il était adopté. Et il faut avant tout que l’État, à tous ses échelons, conformément à l’objectif affiché dans la circulaire de mai 2024 soutienne sans faillir ceux qui assurent en première ligne la gestion des situations de conflit.

Cette instance collégiale nous oblige à constater, dans la continuité des précédentes, l’attractivité désormais sinistrée des emplois de D3S. Sur dix-neuf postes proposés, quatre seulement recueillent entre trois et cinq candidatures, les autres ne comptant au mieux qu’une à deux candidatures. Cette désaffection observée à chaque instance collégiale se vérifie également à travers la diminution constante des effectifs de D3S. Cela a du moins le mérite de répondre aux objectifs de Bercy qui, dans une circulaire relative à la préparation du budget 2026, adressée aux ministères le 3 avril, réclame une réduction « ambitieuse » des effectifs.

Il est grand temps de tirer les leçons de cette désaffection croissante et de mener la revalorisation statutaire qui s’impose, dans l’intérêt des collègues comme des établissements et des usagers accueillis. En dépit des restrictions budgétaires annoncées pour l’années 2026, le SYNCASS-CFDT continuera à porter ce dossier avec toute la détermination nécessaire.