Handicap
Accès aux droits des travailleurs en ESAT : une réforme en marche

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Accorder les mêmes droits que les salariés aux travailleurs en situation de handicap exerçant dans des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) est le cinquième engagement de la 6ème Conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril 2023, et qui a été inscrit dans la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein-emploi. Cette inscription représente une avancée notable, prenant en compte une partie des revendications exprimées de longue date par la CFDT.

La loi du 18 décembre 2023 marque une avancée significative dans le rapprochement du statut des travailleurs en ESAT de celui des salariés du droit commun. Toutefois, certaines dispositions sont spécifiques à leur situation. Cette nouvelle loi accorde à ces travailleurs des droits sociaux supplémentaires tout en encourageant leur progression vers l’emploi ordinaire.

Désormais, les travailleurs peuvent choisir de rester en ESAT ou de rejoindre le marché de l’emploi via des dispositifs adaptés, tels que les entreprises adaptées, elles-mêmes réformées par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

La loi du 18 décembre 2023 a également permis d’améliorer les conditions de congés pour les événements familiaux dans le droit commun, mais les travailleurs en ESAT demeurent exclus de ces nouvelles dispositions. Cette exclusion met en lumière une inégalité persistante en matière de droits. De même, certaines discriminations perdurent, notamment dans le domaine de la parentalité. Cependant, les travailleurs en ESAT bénéficient désormais de nouveaux avantages, tels que la prise en charge des frais de transport, l’accès à des titres-restaurants et une couverture par une complémentaire santé dès 2024.

L’inclusion professionnelle est au cœur de la réforme, avec un accent mis sur l’acquisition de compétences valorisables sur le marché du travail. Les travailleurs en ESAT peuvent ainsi activer leur compte personnel de formation et bénéficier d’un accompagnement spécifique, notamment par des « job coachs », afin de faciliter leur insertion dans le monde de l’emploi.

Bien que les droits des travailleurs en ESAT convergent de plus en plus avec ceux des salariés, leur statut reste singulier. En effet, ils sont toujours considérés comme des usagers d’un établissement ou service médico-social relevant du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Le lien contractuel entre l’ESAT et le travailleur est défini par un « contrat d’accompagnement par le travail », conformément à l’article L.311-4 du CASF. Ce contrat ne place pas les travailleurs handicapés sous la subordination juridique de l’institution mais les protège contre le licenciement. Toutefois, ce cadre juridique ne leur confère pas le statut de salarié.

En matière de dialogue social, la réforme met en avant la participation des travailleurs en ESAT au sein du comité social et économique (CSE) des établissements. Les travailleurs en situation de handicap et les salariés y sont représentés de manière égale. Les modalités de désignation et les attributions des représentants sont fixées par voie réglementaire. Selon l’article L. 344-2-9 du CASF, ces représentants assistent aux réunions du CSE, avec voix consultative, concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail. Leurs prérogatives varient selon la taille de l’établissement, avec une participation plus poussée dans les structures de 50 salariés et plus.

Dans une logique d’alignement des droits des travailleurs en ESAT avec ceux des salariés, depuis le 1er janvier 2024, ces derniers ont acquis des droits fondamentaux tels que le droit de grève, le droit d’adhérer à un syndicat et de s’en retirer. L’employeur doit informer chaque année les travailleurs des coordonnées des organisations syndicales représentatives de sa branche professionnelle. Le droit d’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation du travail est également consacré, ainsi que le droit d’alerte et de retrait en cas de danger grave et imminent au travail.

Avec cette loi, les personnes ayant reçu une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) par une maison départementale des personnes handicapées (MDPH) auront une orientation professionnelle qui se fera désormais sur la base d’une préconisation de France Travail. Les MDPH ne pourront donc plus orienter d’emblée la personne handicapée en recherche d’emploi vers une structure protégée comme un ESAT. Cependant, quoi qu’il en soit, la MDPH gardera le dernier mot dans ce processus d’orientation.

L’accueil en ESAT, différent d’un recrutement traditionnel, demeure sous l’autorité de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein de la MDPH, qui est également responsable de la résiliation des contrats d’usager. En cas de litige, la décision de la CDAPH peut faire l’objet d’un recours contentieux, à l’initiative du travailleur ou de l’ESAT.

Les travailleurs en ESAT ne sont pas soumis au Code du travail mais bénéficient de protections contre les discriminations, en particulier celles liées à leur handicap.

Leur situation est critiquée au regard des principes du droit international, notamment la convention relative aux droits des personnes handicapées, car elle tend à les maintenir dans une position marginale et inégalitaire : ségrégation, absence de contrat de travail régulier et inégalités salariales perdurent malgré leur protection.

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dans l’arrêt Fenoll (2015), a toutefois reconnu que ces travailleurs, dans la mesure où leurs activités sont comparables à celles du marché de l’emploi, peuvent être considérés comme des « travailleurs », renforçant ainsi leur protection. La directive européenne, qui prévoit notamment le report des congés en cas d’arrêt maladie ou son remplacement par une indemnité financière lorsque la relation de travail prend fin, leur est donc applicable.

Si cet ensemble de réformes représente des avancées significatives dans la reconnaissance des droits des travailleurs en ESAT, des inégalités subsistent. Bien que le cadre légal évolue, la véritable convergence des droits entre les travailleurs en ESAT et les salariés reste à parfaire. Toutefois, un point crucial demeure : la compensation financière du coût de l’application de ces nouveaux droits dans un contexte économique tendu où plus d’un tiers des ESAT sont en déficit.

Bon à savoir :

• 1 502 ESAT en France
• 120 000 travailleurs
• Près de 200 métiers couverts par les ESAT
• Un ESAT compte en moyenne 90 travailleurs en situation de handicap
• Chiffre d’affaires : 2 milliards d’euros en 2022
• Subventions publiques : 3,1 milliards d’euros en 2022