Droit
La protection fonctionnelle

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La circulaire interministérielle n° DGOS/RH4/DGCS/DGAFP/2024/3 relative à la protection fonctionnelle des personnels des établissements de la fonction publique hospitalière, signée en mai 2024, détaille l’ensemble du dispositif en précisant les principes généraux de la protection fonctionnelle, ses conditions d’octroi, la procédure de déclenchement et les modalités présidant à sa mise en œuvre.

Qu’est-ce que la protection fonctionnelle ?

La protection fonctionnelle (PF) est le droit pour tout agent public d’être protégé par son administration contre les attaques subies dans l’exercice de ses fonctions, lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales ou de condamnations civiles pour des faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle. Elle n’est pas facultative.

Qui peut en bénéficier ?

  • L’agent public (titulaire, stagiaire et contractuel) ou l’ancien agent public (retraité ou ayant quitté la fonction publique).
  • Les personnels médicaux odontologiques et pharmaceutiques, tous statuts confondus, les personnels enseignants et hospitaliers titulaires (PU-PH et MCU-PH), de même que les praticiens hospitaliers universitaires et les personnels enseignants hospitaliers contractuels (CCU-AH et AHU), pour leurs missions au sein d’un CHU.
  • Les étudiants en deuxième et troisième cycles des études de médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie.
  • Les collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public, dont les étudiants médicaux n’ayant pas atteint le deuxième cycle des études et les étudiants paramédicaux durant leurs stages.
  • Les ayants droit et le conjoint s’ils sont eux-mêmes victimes d’une atteinte à leur intégrité physique.

Quelle est l’administration compétente pour l’accorder ?

De manière générale, il s’agit de la collectivité publique qui emploie l’agent à la date des faits. Pour les personnels de direction, DH et D3S, c’est le DG d’ARS ou le préfet ; pour les DS, il s’agit du chef d’établissement.

En application du principe d’impartialité, lorsque la demande concerne un conflit impliquant l’autorité compétente pour accorder la PF, il lui appartient de la transmettre au DG de l’ARS ou au représentant de l’État dans le département selon la nature de l’établissement.

Quelles sont les conditions d’octroi ?

En cas d’attaques à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’agent victime doit démontrer la réalité des faits, le caractère intentionnel de l’attaque, son lien avec sa qualité d’agent public et l’effectivité du préjudice.

En cas de harcèlement, la charge de la preuve est allégée, l’agent fournit un faisceau d’indices qui permet de supposer l’existence de tels faits, la charge de la preuve du contraire incombe à l’administration. En revanche, la réparation du préjudice lié à l’exposition d’un agent à des agissements de harcèlement suppose que leur matérialité soit établie.

Dès lors que l’existence d’une faute personnelle est écartée, l’administration est tenue d’assurer la protection de l’agent en cas de poursuites pénales consécutives à une faute de service ou de prendre en charge les condamnations civiles prononcées à son encontre. Lorsque l’agent est entendu dans le cadre d’une garde à vue, d’une comparution comme témoin assisté ou d’une mesure de composition pénale, la PF est accordée avant même que l’action publique ait été mise en mouvement.

Le CGFP ne permet pas d’accorder la PF lorsque l’agent est convoqué ou auditionné par la police ou la gendarmerie, ou en cas d’ouverture d’une enquête préliminaire, actes qui interviennent avant le déclenchement de la poursuite pénale. Cette disposition a été remise en cause dans une décision n° 2024-1098 QPC du 4 juillet 2024 du Conseil constitutionnel qui a jugé que le fait de ne pas octroyer la PF aux agents entendus librement durant une enquête est « contraire à la Constitution » puisqu’il méconnaît le principe d’égalité devant la loi.

Comment est-elle déclenchée ?

L’agent victime d’une attaque ou poursuivi devant une juridiction répressive pour faute de service doit en informer par écrit sans délai sa hiérarchie ou l’autorité compétente pour les personnels de direction. La demande de PF n’est enfermée dans aucun délai.

Lorsque la PF est déclenchée dans le cadre des mesures prises à titre conservatoire prévues par l’article L. 134-6 du CGFP (existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’agent public), elle l’est indépendamment d’une demande préalable de l’agent.

Il est recommandé d’accuser réception de la demande auprès de l’agent et souhaitable de statuer dans les meilleurs délais sur la demande en apportant une réponse écrite.

En cas de refus de la PF, il est préconisé que la décision soit prise de manière explicite par l’administration. Cette décision doit alors être motivée en droit et en fait et comporter les voies et délais de recours. Le refus illégal de la protection fonctionnelle engage la responsabilité de l’administration, si l’agent subit, de ce fait, un préjudice.

Le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut rejet de la protection. En revanche, lorsque l’agent demande la communication des motifs du rejet de sa demande, l’administration est dans l’obligation de lui répondre, dans un délai d’un mois. La réponse doit alors être motivée en droit et en fait et mentionner les voies et délais de recours.

En cas d’acceptation, l’autorité administrative compétente devra indiquer selon quelles modalités elle envisage d’accorder la protection. La décision accordant le bénéfice de la PF est une décision individuelle créatrice de droit.

Comment est-elle mise en œuvre ?

L’employeur, ou l’autorité compétente, est tenu de prendre toutes les mesures adaptées à la nature de la menace ou de l’attaque dont un agent est victime. Il ne peut s’y soustraire ou mettre en œuvre des mesures insuffisantes ou inadaptées à la situation, sous peine d’être sanctionné par le juge et de voir sa responsabilité engagée.

Le directeur d’établissement, ou l’autorité compétente pour les personnels de direction, peut engager un certain nombre de démarches afin :

  • d’assurer la sécurité de l’agent ;
  • de lui apporter un soutien moral et institutionnel par les moyens les plus appropriés (lettre, communiqué, entretien) ;
  • de répondre de manière systématique avec la plus grande fermeté en cas de diffamation, menace ou injure véhiculées sur les réseaux sociaux visant nominativement l’agent public, notamment en usant de son droit de réponse ou de rectification en tant qu’employeur (via par exemple un communiqué) ;
  • de favoriser sa prise en charge médicale et psychologique ;
  • d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de l’auteur présumé des attaques lorsque celui-ci est lui-même un agent public ;
  • de dénoncer au procureur de la République en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale les agissements constitutifs d’un crime ou d’un délit dont l’agent est victime. Ce dernier est informé de la saisine, le procureur appréciant l’opportunité d’engager des poursuites.

Quelle assistance juridique suit l’accord de la PF ?

La défense de ses droits par un avocat est un choix propre de l’agent et indépendant de l’octroi de la PF par l’administration.

Il est fortement recommandé d’établir une convention d’honoraires qui peut être tripartite entre l’agent, son conseil et l’administration. Des plafonds doivent être fixés pour les différentes étapes de procédure. L’agent n’a pas à avancer les frais et honoraires d’avocat. La protection juridique comprend l’ensemble des frais occasionnés par la procédure, que celle-ci soit à l’initiative de l’agent ou d’un tiers (frais de consignation, de citation directe, d’expertise ou commissaires de justice).

L’administration prend en charge en lieu et place de l’agent les sommes résultant des condamnations civiles prononcées à son encontre pour des faits constitutifs d’une faute de service.

L’administration est tenue à une obligation de réparation qui consiste à indemniser l’agent des différents préjudices qu’il a subis du fait des atteintes volontaires à l’intégrité physique, des violences, des agissements constitutifs de harcèlement, des menaces, des injures, des diffamations ou des outrages.

Pour aller plus loin : La protection fonctionnelle des agents publics : un droit fondamental – Son domaine d’application étendu par le Conseil constitutionnel.