Alors que 2024 s’achève, notre système de santé se trouve à un tournant critique, confronté à l’absence d’une vision nationale affichée et à des moyens budgétaires toujours insuffisants. La nomination d’un nouveau Premier ministre n’efface pas les incertitudes. Fidèles à leur engagement, les directeurs continueront d’être les garants de la sécurité et la continuité dans la prise en charge des patients et l’accompagnement des résidents. Cependant, ils devront redoubler d’efforts pour que ce contexte exceptionnel n’entraîne pas de répercussions négatives sur le terrain.
Le terrain le plus critique aujourd’hui, c’est Mayotte, un territoire dans lequel les conditions d’exercice habituelles des collègues sont hors normes et très difficiles. Le cyclone qui a frappé l’île a des conséquences encore impossibles à mesurer mais qui représentent un bilan humain et matériel catastrophique. Nous exprimons notre solidarité avec tous les collègues qui font face à la prise en charge des victimes dans des conditions sans précédent.
La mobilisation du 5 décembre dernier réaffirmant l’engagement des fonctionnaires et agents publics au service de leurs citoyens appelle reconnaissance et respect. Le rapport annuel sur l’état de la fonction publique le souligne : les problèmes auxquels fait face la fonction publique hospitalière ne sont pas le fruit d’une défaillance des agents, encore moins d’un vice du statut, mais bien d’un manque de reconnaissance statutaire et de soutien structurel. La baisse des absences pour raisons de santé, plus marquée dans la fonction publique que dans le secteur privé vient contrer le discours stigmatisant du ministre sortant de la fonction publique.
Les données relatives à l’attractivité et à la fidélisation des carrières sont préoccupantes : les départs en retraite à taux réduit, la persistance du plafond de verre pour les femmes et les écarts de rémunération révèlent des inégalités qui minent le potentiel de nos services publics. À cela s’ajoute un recul sensible du pouvoir d’achat issu du point d’indice de la fonction publique, aggravé par des grilles indiciaires obsolètes et le blocage de la refonte du régime indemnitaire de la FPH. Au regard de ces constats le Comité Consultatif National (CCN) doit se positionner comme un relai de ces enjeux, en portant les attentes légitimes des cadres de direction sur lesquels repose la bonne marche des établissements.
Il faut entendre la désespérance face aux vacances de postes de D3S, témoins d’une crise d’attractivité qui s’installe durablement. Les directeurs des soins sont logés à la même enseigne de conditions d’exercice qui menacent la pérennité même de la profession. Si la DGOS a reconnu la gravité des problèmes rencontrés et la nécessité de les résoudre, les avancées statutaires espérées sont restées lettre morte.
Le dernier CCN de l’année offre également l’opportunité de dresser un bilan des avancées réalisées en 2024 sur le volet des conditions de travail. Si la mise en place du comité médical national est un pas important pour les corps de direction, plusieurs sujets restent sans réponse concrète à ce jour : l’accès à la formation continue dans les petites structures, le respect par les ARS des avis ou consignes transmises par le CNG, ou encore le traitement des spécificités des conditions d’exercice outre-mer. De même, les chantiers en cours peinent à répondre aux attentes sur des sujets pourtant cruciaux, tels que le respect de l’égalité femmes-hommes dans le déroulement des carrières, la prévention et le traitement des risques psychosociaux, ou la mise en œuvre effective et non mégotée de la protection fonctionnelle. Par ailleurs, aucun progrès concret n’est notable sur des problématiques comme la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, le droit à la déconnexion ou encore le télétravail, pourtant indispensables à l’équilibre et à l’attractivité des fonctions de direction.
Côté statutaire, la réforme de la haute fonction publique a été présentée comme l’un des moyens, sinon le principal, permettant de restaurer l’attractivité des emplois. Les propositions statutaires introduites, puis reportées sine die ne concernaient que les DH, laissant les D3S sans arbitrage sur leurs perspectives concrètes et les DS réduits au silence de l’administration. Il est donc impératif que les évolutions statutaires à venir tiennent compte des fonctions interdépendantes et des responsabilités communes de tous les directeurs.
La procédure d’évaluation et le régime indemnitaire souffrent des mêmes insuffisances. Les différents bilans se suivent et pointent toujours les mêmes manquements, que devrait confirmer celui de la campagne d’évaluations 2024 sans pouvoir en disposer à ce jour, contrairement aux années précédentes. Si nous reconnaissons les efforts faits pour disposer d’éléments plus tangibles, il s’agit encore de conditions qui reviennent à piloter les RH des corps de direction avec une visibilité réduite.
Si elles ne sont pas révélées, les défaillances dans l’évaluation sont bien présentes sur le terrain et fragilisent trop souvent la gestion des carrières et des compétences, tout en exacerbant les disparités régionales pour les chefs d’établissement et les adjoints. De plus, les distinctions injustifiées et les disparités croissantes entre les trois corps sont autant d’atteintes à leur cohésion et à leur attractivité.
L’ordre du jour de cette séance du CCN consacrée à la détermination du nombre de places aux concours 2025, met une fois de plus en lumière l’urgence de répondre aux enjeux d’attractivité des corps de direction de la fonction publique hospitalière. Le calibrage des concours reflète une tentative de prendre en compte les besoins en postes vacants et les départs à la retraite. Mais les derniers résultats montrent une désaffectation qui s’exprime sévèrement : aucune promotion entrant en 2025 à l’EHESP ne fait le plein des places déterminées pour les formations. Sur le volet spécifique des attachés d’administration hospitalière, le manque d’ambition est flagrant. Là aussi, une avancée dans les conditions de rémunération, surtout le régime indemnitaire, est indispensable pour restaurer l’attractivité du concours. La réforme de l’IFSE appliquée trop souvent de façon malthusienne ne l’a pas permis.
Pour l’ensemble des corps, le SYNCASS-CFDT réaffirme que la modernisation des concours et l’ajustement des effectifs ne suffiront pas. Il est impératif que ces mesures s’inscrivent dans une dynamique globale, portée par une réforme ambitieuse et cohérente.
Le SYNCASS-CFDT réfute l’approche par la fragmentation des fonctions de direction au sein de la FPH. Cette méthode constitue un risque sérieux pour la cohésion des équipes et l’efficacité du pilotage des établissements et structures. Il est impératif de reconnaître tous les directeurs comme des acteurs à part entière de la haute fonction publique, contribuant collectivement à la bonne marche de notre système de santé, et qu’il convient de soutenir pleinement.