Adopté le 6 septembre par le Haut Conseil du travail social (HCTS), le livre blanc du travail social fait suite à la publication en 2022 du livre vert, qui se voulait un état des lieux permettant de « reconnaître le travail social comme pilier de l’État social et [de] s’appuyer sur le rôle essentiel des travailleurs sociaux dans l’accompagnement des personnes, des groupes, dans la prévention des risques, dans la régulation des tensions individuelles et collectives consécutives aux situations de crise ». Le livre blanc a connu une remise laborieuse, initialement prévue à la Première ministre et à la ministre des Solidarités et des Familles le 26 septembre 2023. Il a été finalement remis le 5 décembre 2023 au ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et au ministre des Solidarités et des Familles, en présence du ministre de la Fonction publique, de la ministre déléguée en charge des Personnes âgées et handicapées et de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance. Le livre blanc se concentre sur les travailleurs sociaux titulaires d’un des treize diplômes d’État inscrits au Code de l’action sociale et des familles, ainsi que sur les intervenants sociaux (médiateurs sociaux et familiaux, animateurs, conseillers en insertion, intervenants de l’économie sociale et solidaire et de la politique de la ville…) qui concourent également à la mise en œuvre des politiques sociales. La méthodologie se centre autour d’auditions, de travaux de groupes nationaux du HCTS, de la Commission éthique et déontologique du travail social et la réalisation de propositions écrites d’organisations membres du HCTS : l’Association des départements de France (ADF), l’Association nationale des assistants de service social (ANAS), l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCASS), l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs (UNIOPSS), la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), la Croix-Rouge française, la CFDT, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), l’Association nationale des cadres de l’action sociale des départements (ANCASD), France ESF, l’Union syndicale solidaire (SUD), l’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (UNAFORIS). Focus sur les propositions de la CFDT Les propositions formulées par la CFDT se concentrent sur les problématiques d’emploi et le manque d’attractivité systémique de la fonction publique territoriale. En effet, selon elle, « le statut de la fonction publique territoriale est largement dévoyé. En dehors des cadres d’emploi et des grades qui devraient être exclusifs dans ces filières, les collectivités territoriales s’arrogent, de plus en plus, de dérogations pour recruter les agents au service de ces publics. À force de recruter en dehors du statut voire sans diplôme, y compris pour certaines professions réglementées, les employeurs territoriaux ont progressivement déqualifié le secteur et ses professionnels. Il y a donc un travail de fond à produire en regard de ces professions. Il s’agit des niveaux de diplômes en regard des missions qui leur sont confiées, et corrélativement de la même façon, au niveau des rémunérations correspondantes. » Pour pallier cet écueil, les propositions de la CFDT Interco sont les suivantes : Améliorer les conditions et la qualité du travail : – en accordant de la confiance aux professionnels de terrain, experts de la réalité du secteur ; – en affirmant les valeurs du travail social et les proclamer en offrant aux professionnels un cadre respectueux de ces valeurs ; – en fournissant aux travailleurs sociaux un cadre législatif sur lequel ils doivent prendre appui pour étayer leur professionnalisme ; – en imposant aux employeurs le respect de ce cadre et la mise en place d’un cadre commun d’accueil de tous les publics (taux d’encadrement par métier, temps minimum par public accompagné, comptabilisation de tous les temps de travail) ; – en adaptant le statut à la réalité des métiers et en harmonisant les conditions d’emploi ; – en permettant aux agents de se former, de se reconvertir, en mettant en place un fonds de reconversion professionnelle et des formations qualifiantes qui n’existent pas aujourd’hui pour ces agents. Revoir les modalités de recrutement : – en instituant des concours sur titres dans la territoriale pour toutes ces filières ; – en réalisant un plan de résorption de l’emploi précaire en titularisant les diplômés ; – en créant des parcours diplômants allégés pour les « faisant fonction » ; – en accueillant les assistants familiaux dans le statut des contractuels de droit public. Agir sur la rémunération : – en étendant le CTI ; – en permettant le passage en catégorie B de tous les agents auxiliaires de soin ; – en harmonisant les rémunérations dans l’ensemble des deux filières (soins et travail social). Fort de ces propositions, le HCTS a défini dans ce livre blanc les quatorze recommandations suivantes : valoriser les salaires ; engager une concertation sur les ratios d’encadrement ; réinterroger les modes de financement des structures sociales et médico-sociales, en revalorisant les temps nécessaires à l’accompagnement, en assouplissant la logique d’appel à projets ; affirmer les fondamentaux du travail social adaptés aux défis d’aujourd’hui en allant vers des interventions collectives pour une action plus préventive et inclusive, favoriser le pouvoir d’agir des personnes accompagnées ; faire évoluer la gouvernance des métiers et des compétences ; recruter durablement ; faire évoluer les organisations de travail par un encadrement différent (management participatif, espaces réflexifs professionnels, développer la fonction de conseiller technique…) ; soutenir les parcours professionnels ; consolider les parcours des étudiants et des stagiaires ; distinguer l’accès au droit et l’accompagnement social ; élaborer une stratégie globale de communication autour des métiers ; tirer toutes les potentialités de la transition numérique ; investir dans la transition écologique ; renforcer la place du travail social dans le débat public. Lors de la remise du livre blanc au gouvernement, l’exécutif a évoqué la mise en place de cycles de négociations annuelles dans la fonction publique entre employeurs et organisations syndicales, ainsi que des négociations pluriannuelles sur les grilles indiciaires. Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a rappelé à cette occasion son souhait d’aller vers plus d’harmonisation des grilles entre les différentes fonctions publiques. À ce jour, ces cycles sont annoncés pour 2025. Cette annonce d’une année blanche sur les salaires a d’ailleurs fait l’objet d’un mouvement de grève
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Le décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique est venu conforter l’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 qui a ouvert des possibilités de négociation, que ce soit nationalement ou localement, dans les trois versants de la fonction publique. Les employeurs publics et les organisations syndicales représentatives peuvent désormais, au-delà des thèmes listés dans l’ordonnance, « participer à des négociations portant sur tout autre domaine ». Il s’agit là d’un changement très important pour les relations sociales dans la fonction publique, déjà mis en œuvre dans le secteur privé. Les équipes locales peuvent désormais s’emparer des thèmes qui les intéressent pour négocier et obtenir des améliorations par rapport aux accords-cadres nationaux. C’est ainsi que des décisions importantes ne seront plus seulement décidées unilatéralement, ou simplement discutées ou concertées, mais réellement négociées. Les accords du Ségur, une opportunité pour mettre en œuvre cette négociation dans les établissements ? Un constat s’impose : l’acte unilatéral demeure la voie privilégiée, malgré les évolutions législatives favorisant la négociation collective. Une voie qui ne laisse que peu de place à l’installation pratique d’une culture du dialogue social. Et pour cause, la mise en place des accords majoritaires soulève dans les établissements de la FPH plusieurs inquiétudes. Un problème de culture ? La complexité administrative, un frein au dialogue Outre la méconnaissance des obligations et des possibilités offertes par les procédures de négociation, le contexte financier, le plus souvent très incertain, et la perspective d’accords pluriannuels ont entamé l’optimisme initial. Par ailleurs, le manque de clarté dans la capacité d’engagement des acteurs syndicaux et des directions, la présence ou non d’accords de méthode, la présence ou non de représentation syndicale mais aussi l’absence dans certains cas de continuité de représentants de la direction, le tout sur fond de crise sanitaire, ont été autant d’obstacles qui ont freiné les meilleures volontés. Un rôle parfois ambigu des ARS L’ARS, qui est chargée de vérifier la conformité aux normes de niveau supérieur de ces accords, mais aussi du contrôle de l’exécution des crédits alloués à l’axe 2 du Ségur de la santé, s’est positionnée de façon très variable selon les territoires. D’après le retour de collègues directeurs, dans certaines régions, sa posture s’apparente à celle d’un gardien de l’opportunité des accords négociés. Dans d’autres régions, la transmission des accords pour le contrôle de légalité est suivie d’un silence assourdissant. Dans ce cas, en l’absence de réponse du directeur général de l’ARS au terme du délai réglementaire de deux mois, l’accord peut être publié et entrer en vigueur. Les enjeux financiers : la tentation de s’abstenir Le soutien financier était et reste une préoccupation majeure dans le cadre de la négociation d’accords majoritaires. Les budgets contraints et les incertitudes quant à leurs effets sur la négociation ont engendré des réticences à s’engager. Les directions, sous pression financière, ont pu opter pour la voie qui leur semblait la moins coûteuse et la plus sécurisée : l’acte unilatéral. Une telle approche, toutefois, néglige l’impact positif à long terme d’un accord dans lequel les représentants des personnels se sont engagés. L’éclatement syndical, une réalité dans certaines structures La diversité syndicale est le cas de figure le plus répandu, notamment dans les établissements de grande taille. En pratique, elle peut mener à un éparpillement des interlocuteurs et à un émiettement des positions, rendant la quête d’un compromis majoritaire plus complexe. C’est le cas de certaines structures où les acteurs se sont découragés dans la recherche d’impossibles accords majoritaires. Cela peut être regrettable, mais la diversité est un fait démocratique qui ne doit pas empêcher le travail de dialogue. Il faut souligner que les organisations syndicales n’ont pas les mêmes pratiques en matière de mandatement et de capacité d’engagement à signer des accords locaux. Les échéances des élections professionnelles sont également un élément de contexte très important à mesurer. Les changements dans l’équipe de direction : un paramètre à prendre en compte La négociation demande du temps. Sur la durée du processus, les changements d’acteurs côté direction (chefferie d’établissement, DRH) peuvent avoir une influence déterminante. Il faut œuvrer à une continuité de position institutionnelle sur la place de la négociation collective, au-delà de la conviction individuelle des directeurs en charge de la conduire et de la conclure. Les jalons sont posés et un nouveau paradigme se dessine Dans un contexte de fortes tensions sur les ressources humaines, chaque acteur tente de se singulariser et de mettre en place des mesures d’attractivité et de fidélisation. Les établissements qui se sont engagés dans cette démarche s’en sortent-ils mieux ? Représentants syndicaux et directions doivent être formés à la conduite d’une négociation collective. Les ARS doivent endosser un rôle adapté et soutenant dans la promotion et l’accompagnement de cette démarche de dialogue social. Ce changement de paradigme est tributaire de la capacité d’engagement des acteurs. Mais, vraisemblablement, la négociation collective a vocation à irriguer largement dans l’avenir la gestion des ressources humaines. La CFDT est convaincue que la qualité des soins, l’engagement des professionnels et l’efficience des établissements peuvent y gagner. Le point de vue de Cédric Leseney, secrétaire général, syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux du Calvados En tant que secrétaire de section, secrétaire départemental, conseiller fédéral et membre de l’union professionnelle régionale, je suis régulièrement confronté à une méconnaissance des modalités à suivre par certaines directions. Cette situation se complique davantage par une réticence marquée à s’engager, souvent justifiée par l’absence de garantie de financements pérennes. Et en 2024, on rentre dans le dur sur ce sujet ! Le manque d’acculturation aux techniques de négociation d’accords dans la fonction publique hospitalière (FPH) est également préoccupant, une lacune qui, je dois l’admettre, affecte parfois même nos propres représentants. Cette lacune se retrouve exacerbée chez certaines organisations syndicales, à qui le concept même de concertation semble étranger, rendant tout processus de négociation particulièrement difficile. Nous avons aussi observé que les gros établissements, tels que les CHU, ont souvent procédé sans réelle concertation, saisissant bien l’intérêt des investissements immobiliers issus
La loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, marque une étape significative dans l’évolution du cadre juridique régissant les groupements hospitaliers de territoire (GHT), avec la possibilité de se doter de la personnalité morale. Une faculté jusqu’alors écartée qui soulève de multiples interrogations quant à son impact sur l’organisation et la gestion des établissements de santé au sein des groupements. Les GHT, imposés par la loi du 21 janvier 2016 aux établissements publics de santé, ont une double mission : organiser la fluidité, la coordination et la gradation des soins, afin d’améliorer l’accès aux soins de la population du territoire concerné ; rationaliser la gestion hospitalière publique en mutualisant les fonctions supports et de logistique. Toutefois, ce modèle s’est heurté à différents obstacles, tant sur le plan des mutualisations fonctionnelles que sur celui de l’adaptation à un paysage sanitaire, social et médico-social en constante mutation. Cette nouvelle possibilité introduite par l’article 25 de la loi serait un « outil complémentaire pour simplifier les nombreuses procédures et renforcer l’organisation territoriale des soins », comme cela a pu être exprimé lors des débats en séance publique du 25 octobre 2023. Mais elle renvoie également à la crainte existante depuis la création des GHT d’une intégration trop poussée des établissements de santé. Cette nouvelle disposition prévue dans l’article L.6132-5-2 du CSP offre deux possibilités pour doter un GHT de la personnalité morale : la fusion : dans ce cas, il n’existe plus qu’une seule personnalité morale sur le territoire identifié précédemment à travers le GHT ; le groupement de coopération sanitaire (GCS) de moyens : le GHT peut acquérir la personnalité morale lorsque l’ensemble des établissements parties constitue, à l’exclusion de tout autre membre, un groupement de coopération sanitaire afin qu’il assure au moins les fonctions obligatoirement mutualisées que sont le système d’information (SIH), le département d’information médicale (DIM), les achats, la formation et les écoles et, le cas échéant, les autres compétences (pharmacie, biologie, imagerie, équipes médicales communes…). La mise en œuvre pratique de la personnalité morale au sein des GHT confronte ces derniers à une série de défis juridiques et organisationnels. La possibilité de directions communes ou de fusion entre établissements, tout comme la constitution de groupements de coopération sanitaire (GCS) de moyens, sont des options prometteuses mais semées d’embûches. Elles requièrent une réflexion approfondie sur la gouvernance, la répartition des pouvoirs et la gestion des ressources, dans le respect des spécificités et des besoins de chaque territoire. Le plus grand risque est celui de la superposition de gouvernance entre celle du GHT (directeur d’établissement support/comité stratégique/commission médicale de groupement [CMG]/comité territorial des élus locaux/commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques unifiée) et celle du GCS (administrateur/comité restreint/assemblée générale). À ce stade, seul l’article L.6132-5-2 du CSP vient apporter quelques précisions : « L’administrateur du groupement de coopération sanitaire exerce l’ensemble des prérogatives accordées au directeur de l’établissement support. » Les autres modalités d’application seront déterminées dans un décret en Conseil d’État à venir. Il semble important de clarifier les enjeux. Si les GHT sont dans une logique de subsidiarité, le pragmatisme de chaque territoire s’impose, sans parti pris. Si la dimension intégrative prévaut définitivement, comme on peut le supposer avec cette nouvelle évolution, il faut que l’État l’affiche clairement, en assumant les conséquences sociales et financières. Elle doit aussi nous interroger sur la question de la représentativité et du dialogue social dans cet environnement juridique nouveau. Force est de constater que les conférences territoriales de dialogue social (CTDS – une proposition de la CFDT) sont globalement peu investies par les porteurs. Elles ne disposent ni de compétences ni de moyens d’interpellation. L’introduction de la personnalité morale pour les GHT par la loi Valletoux peut être perçue comme une avancée dans la structuration du paysage hospitalier français. Elle propose un cadre pour approfondir l’organisation territoriale des soins dans certains territoires. Toutefois, elle ne doit pas occulter les attentes des professionnels de santé et des patients. Pendant que nous équipons les GHT de ces nouvelles opportunités, en espérant qu’elles façonnent un avenir plus structuré, il semble que l’horizon de l’offre territoriale de soins, avec ses enjeux et ses défis, ne s’éclaircisse guère… Cette disposition n’est pas anodine. Elle apportera peut-être des développements positifs, mais ouvrira aussi de nouvelles rivalités politiques ou médicales, des logiques de carrières différentes. Cette « simplification » proposée sera sans doute source de complexité et d’ambivalence qui devront être gérées. Encore une fois, il est regrettable qu’une telle évolution soit faite sans associer étroitement les acteurs, notamment les représentants des corps de direction, ce qui a fait défaut globalement jusqu’ici pour cette disposition, mais aussi pour d’autres comme la mise en place des GTSMS, le gouvernement n’étant préoccupé que par la procédure législative. Pour le SYNCASS-CFDT, c’est une carence majeure, malheureusement récurrente lors de cette mandature.
La loi Bien vieillir a été adoptée le 19 mars dernier, actant l’obligation pour les EHPAD publics d’adhérer à un groupement territorial social et médico-social (GTSMS) ou à un groupement hospitalier de territoire (GHT). Julien BRUNET Administrateur GCSMS Comète Bretagne Emeline LACROZE Administratrice GCSMS EPPH 93 (Esat Marsoulan IME Jean-Marc Itard IME Livry-Gargan) Île-de-France Delphine LAFARGUE Administratrice GCSMS Armagnac Chalosse-Tursan-Terre-Est 40 Nouvelle-Aquitaine Une obligation qui intervient alors qu’aucun bilan n’a été dressé ni de cartographie établie sur les GCSMS déjà mis en œuvre dans de nombreux territoires. Quel regard les directeurs du secteur médico-social public, actuellement administrateurs de GCSMS, portent sur cet outil de coopération ? Quelle était votre motivation principale pour choisir de créer/de rejoindre un GCSMS et quel impact espériez-vous avoir en engageant cette démarche de coopération plus qu’une autre ? Julien BRUNET – Le déclencheur de la création du GCSMS Comète est la création des GHT. Avec les collègues des EHPAD autonomes, nous avons voulu créer un modèle de coopération pour défendre et développer la culture médico-sociale. Les impacts attendus étaient une identification d’un modèle médico-social, une approche collective de nos difficultés (RH, finances, qualité…), une mutualisation des compétences « rares » (responsable système d’information, médecin…) et une réponse collective aux appels à projets. Emeline LACROZE – J’ai candidaté sur une chefferie en direction commune de trois établissements œuvrant dans le champ du handicap avec la mission fixée par l’ARS de rendre effectif le GCSMS EPPH 93 (établissements publics pour personnes handicapées de la Seine-Saint-Denis), dont la convention constitutive avait été votée juste avant mon arrivée. À l’origine, le projet a été pensé par l’ARS pour initier une démarche de coopération engageante, en particulier sur les fonctions supports entre ces établissements publics. Le défi m’a semblé intéressant à relever ! Delphine LAFARGUE – À l’origine du GCSMS Armagnac Chalosse-Tursan-Terre-Est 40, des réflexions territoriales avaient émergé dans le cadre de la mise en œuvre de la loi HPST en 2011. L’ensemble des acteurs médico-sociaux locaux souhaitaient pérenniser la filière gériatrique existante sur le territoire de proximité du CH de Saint-Sever. L’objectif de l’époque était de formaliser et développer des partenariats existants en matière de filière gériatrique, d’où la recherche d’un dispositif structurant. Le GCSMS s’est rapidement imposé comme l’outil de prédilection pour ces coopérations à venir. Quelles leçons tirez-vous de votre expérience de mise en œuvre du groupement ? Julien BRUNET – La première leçon que j’en tire est qu’il est plus facile de commencer « petit » pour ensuite élargir la coopération. En effet, la première et principale difficulté est la gouvernance des GCSMS avec des peurs d’être avalé, de ne plus pouvoir décider, de se voir imposer les choses… Il faut ensuite bien choisir l’administrateur, qui doit être vu comme un animateur et un facilitateur du groupement. Cela implique que l’administrateur doit être légitime auprès des autres collègues, avoir des capacités de modération, négociation et de leadership, posséder une capacité de travail et surtout avoir envie de le faire. Il me semble nécessaire d’accepter les projets à géométrie variable. Le GCSMS ne doit pas être vu comme un GHT mais comme un outil souple de coopération. Les membres doivent conserver leur liberté de participer ou non aux projets conduits. Les projets ne doivent porter que sur des problématiques non résolues, car il est inutile d’aller remplacer des projets ou organisations qui fonctionnent. Enfin, il faut travailler autour d’un territoire. Quelle que soit la taille du GCSMS, il est important d’avoir une assise territoriale (ou plusieurs). Les projets doivent répondre à des problématiques locales et s’appuyer sur les acteurs du territoire. Le GCSMS apporte un support au projet qui est intéressant. Emeline LACROZE – N’ayant jamais piloté de GCSMS auparavant et au vu de la complexité de ce type de montage, j’ai suivi avec intérêt les expériences des collègues ainsi que le retour d’expérience de grandes fédérations associatives rompues à ces exercices de coopération, disposant d’outils performants. Comme souvent, les échanges entre collègues sont indispensables pour mener ces projets innovants. Delphine LAFARGUE – La création du GCSMS a permis notamment de renforcer et développer la coordination entre les établissements sanitaires et médico-sociaux, ainsi que d’identifier des interlocuteurs reconnus sur le territoire sur les thématiques propres à la personne âgée. Quels sont, selon vous, les principaux défis rencontrés lors de la mise en œuvre du GCSMS et comment peuvent-ils être surmontés ? Quels défis administratifs, financiers et opérationnels la mise en place du GCSMS a-t-elle posés ? Avez-vous des recommandations spécifiques pour surmonter ces défis à l’avenir ? Julien BRUNET – Le premier défi rencontré est le temps d’administration du GCSMS, un temps non valorisé, pris sur la gestion de son établissement. Pour qu’un GCSMS se développe, il faut du temps pour monter les projets, les mettre en place et les suivre dans la durée. Le temps doit être reconnu financièrement par les membres du groupement et les autorités de tutelle (par exemple, par un temps de mise à disposition). Le développement du GCSMS (salariat, dépenses…) entraîne de nouvelles activités telles que le mandatement, la gestion administrative des salariés, la gestion de la paie, les achats, assurances… À partir d’une certaine taille, un temps administratif devient nécessaire, qu’il faudrait soit intégrer au sein du GCSMS et financer par les membres, soit en faire supporter l’administration par l’un des établissements membres que le GCSMS paierait au temps passé à sa gestion. La mise en place du GCSMS entraîne des coûts immédiats quel que soit le niveau d’activité (logiciel de comptabilité, indemnité au comptable public, assurance…), coûts rarement perçus par les autorités de tutelle et souvent pris en charge par les établissements supports. Ainsi, un GCSMS a un impact financier dès qu’il est créé et demandera des financements spécifiques. Enfin, le principal défi et la raison de la réussite ou non d’un GCSMS me semblent être son animation et l’implication de ses membres. L’administrateur retenu doit animer la démarche et manager des collègues au même niveau hiérarchique que lui. Un des autres principaux biais est le risque que certains collègues se transforment en simples « consommateurs de services », ne prenant que ce qui
Au menu ce printemps Ce numéro d’Essentiel.le.s au format numérique propose une série d’articles sur des points d’actualité de nos professions. Comme d’habitude, le menu est varié et se veut accessible à tous les appétits, de la simple envie « à la carte » à la formule entrée-plat-fromage ET dessert. Nous vous proposons notamment un copieux plat de résistance sur la santé mentale et la psychiatrie. Le SYNCASS-CFDT, qui a consacré dernièrement un communiqué à l’actualité de la discipline, considère que les tensions qu’elle traverse réclament d’abord une prise de conscience partagée de la prévalence des pathologies mentales et de la dégradation de l’offre de soins. Un investissement, en premier lieu humain, est impératif, en termes d’effectifs, de formation, de changement de pratiques, qui nécessite des financements adaptés ; de nombreux rapports et des travaux parlementaires témoignent que cette prise de conscience progresse. Des arbitrages cruciaux s’imposent pour que les besoins soient mieux couverts à tous les âges de la vie : place de la prévention, moyens budgétaires alloués, formation des professionnels, investissements immobiliers à prévoir, place de la psychiatrie dans les rangs des ECN… Là plus encore qu’ailleurs, la démographie médicale et l’organisation du travail constituent en outre des paramètres décisifs. Vous trouverez également des contributions relatives à différents volets des ressources humaines de nos secteurs d’activité. S’il y a un fil conducteur commun à identifier, c’est celui du dialogue social, avec ses manques, ses limites et ses défaillances certes, mais aussi son potentiel d’actions et ses progrès. Dans ce domaine comme tant d’autres, il nous faut rester combatifs et optimistes. Le SYNCASS-CFDT souhaite que ce nouveau numéro donne l’occasion à chacune et à chacun de s’extraire de la gestion quotidienne et de prendre du recul. Bonne lecture !
Éditorial Nouveautés L’édito de Maxime Morin Regards croisés Médico-social Les GCSMS en question Juridique Personnalité morale du GHT : une évolution ambitieuse autant qu’ambiguë Dialogue social Négociation collective dans la FPH : travaux pratiques Analyses Prospective Livre blanc du travail social, et après ? État des lieux Contrôle des ESSMS privés par les autorités : portée et impacts sur les acteurs de terrain Réflexion Rapport Le FIPHFP évalué par la Cour des comptes Fiches pratiques Qualité de vie Recourir à une démarche de design social pour innover Droit du travail Invalidité des cadres du secteur privé : une double peine sur la carrière Instance Le Conseil médical national
L’article L. 121-3 du Code général de la fonction publique (CGFP) pose le principe selon lequel l’agent public consacre l’intégralité de son temps de travail à son emploi. Toutefois, les articles L.123-2 à L.123-8 du même code prévoient des dérogations à ce principe, permettant aux agents publics de cumuler leur emploi avec une autre activité professionnelle dans des conditions qu’ils définissent. Le cumul d’activité est à distinguer de la procédure que doit suivre l’agent souhaitant cesser ses fonctions afin d’exercer une activité lucrative, salariée ou libérale, dans le secteur privé (art. L.124-4 du Code général de la fonction publique). L’encadrement juridique du cumul a pour objet de vérifier que les activités exercées respecteront bien les obligations déontologiques applicables aux agents publics. Les activités en cause ne doivent pas placer l’agent dans une situation de conflits d’intérêts au sens de l’article L.121-5 du Code général de la fonction publique, voire de prise illégale d’intérêts au sens de l’article 432-12 du Code pénal. Ces activités doivent aussi être compatibles avec les autres obligations déontologiques énoncées par le Code général de la fonction publique : devoirs de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité, en particulier. Les règles communes applicables aux différents cas de cumuls d’activités Un agent public peut être autorisé à exercer une activité en supplément de son emploi public, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance et à la neutralité du service. L’activité concernée doit toujours être exercée en dehors des heures de service de l’intéressé. L’administration peut s’opposer à tout moment au cumul d’activités, si l’intérêt du service le justifie, si les informations sur le fondement desquelles l’autorisation a été donnée sont inexactes ou si le cumul est incompatible avec les fonctions exercées au regard de ses obligations déontologiques mentionnées dans le CGFP ou à l’article 432-12 du Code pénal (prise illégale d’intérêts). L’exercice d’une activité accessoire (lucrative) Un agent public peut être autorisé à exercer une activité accessoire en supplément de son activité principale. Cette activité peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. Les activités accessoires sont énumérées à l’article 11 du décret du 30 janvier 2020 : Expertises et consultations Enseignement et formation Activités à caractère sportif ou culturel Activités agricoles dans des exploitations agricoles Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale Aide à domicile à un ascendant, un descendant, au conjoint, au partenaire de PACS ou au concubin Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers Activités d’intérêt général exercées auprès d’une personne publique ou d’une personne privée à but non lucratif Missions d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un État étranger Services à la personne : garde d’enfants, assistance aux personnes âgées, personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité, services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales Vente de biens produits personnellement par l’agent Les activités personnelles, c’est-à-dire la production d’œuvres de l’esprit ou les activités bénévoles au profit de personnes publiques ou privées sans but lucratif, ne sont pas concernées par cette procédure. Procédure : L’agent doit obtenir l’autorisation de l’autorité hiérarchique dont il relève (le chef d’établissement pour les adjoints, le DG de l’ARS ou le représentant de l’État dans le département pour les chefs d’établissement) préalablement au début de l’activité accessoire envisagée. La demande doit comporter les éléments suivants : identité de l’employeur ou nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité accessoire envisagée ; nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité accessoire ; l’intéressé accompagne sa demande de toute autre information de nature à éclairer l’autorité hiérarchique sur l’activité accessoire envisagée. La décision (écrite) de l’administration autorisant l’exercice d’une activité accessoire peut comporter des réserves et des recommandations visant à assurer le respect des obligations déontologiques applicables aux agents publics et le bon fonctionnement du service. Elle peut ou non fixer une durée limitée à l’autorisation. La poursuite temporaire d’une activité privée L’agent qui, avant sa nomination ou son recrutement dans la fonction publique, était dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif peut poursuivre cette activité pendant une durée d’un an, renouvelable un an (durée totale de deux ans au plus). Procédure : L’agent doit présenter une déclaration écrite à l’autorité hiérarchique dont il relève, dès sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire ou préalablement à la signature de son contrat s’il est recruté en qualité d’agent contractuel. Les autorisations de cumul d’activités pour création ou reprise d’entreprise Un agent public peut être autorisé à créer ou reprendre une entreprise ou encore à exercer une activité libérale en plus de son emploi public. L’agent doit alors être placé à temps partiel pour une quotité de 50% au moins d’un temps plein. Procédure : L’agent doit obtenir une autorisation auprès de l’autorité hiérarchique dont il relève. L’autorisation de cumul peut être accordée pour une durée de trois ans renouvelable pour un an (soit une durée totale de quatre ans). Procédure de contrôle déontologique L’administration doit procéder à deux types de contrôle, comme pour les départs et les cumuls d’activités pour création ou reprise d’entreprise : un contrôle déontologique : l’activité envisagée par l’agent ne doit pas compromettre ou mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, ou méconnaître tout principe déontologique ; un contrôle pénal : l’activité ne doit pas placer l’agent en situation de commettre le délit de prise illégale d’intérêts (art. 432-12 du Code pénal). Pour la quasi-totalité des agents, le contrôle est effectué par les administrations elles-mêmes, c’est-à-dire les établissements. Néanmoins, en cas de doute sérieux, les administrations peuvent soumettre la demande de l’agent à leur référent déontologue. Si le doute subsiste, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pourra être saisie. L’administration dispose d’un délai de deux mois pour se prononcer sur la demande de
La loi 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui porte la réforme des retraites, prévoit l’extension du dispositif « retraite progressive » aux fonctionnaires. Le décret n° 2023-751 du 10 août 2023 en définit les modalités pour les fonctionnaires hospitaliers. Pour pouvoir en bénéficier, il faut remplir plusieurs conditions. Être à deux ans de l’âge légal de départ à la retraite. Les fonctionnaires appartenant à la catégorie active peuvent en bénéficier également, mais à condition d’avoir l’âge cible et donc de ne pas avoir bénéficié de leur droit au départ anticipé. Avec le report de l’âge légal de 62 à 64 ans, l’âge d’accès à la retraite progressive va également passer de 60 ans à 62 ans d’ici 2030 au rythme d’un trimestre supplémentaire par an. DATE DE NAISSANCE ÂGE MINIMALE POUR DEMANDER LA RETRAITE PROGRESSIVE Avant le 1er septembre 1961 60 ans Du 1er septembre 1961 au 31 décembre 1961 60 ans et 3 mois 1962 60 ans et 6 mois 1963 60 ans et 9 mois 1964 61 ans 1965 61 ans et 3 mois 1966 61 ans et 6 mois 1967 61 ans et 9 mois À partir de 1968 62 ans Avoir validé au moins 150 trimestres de cotisation (tous régimes de retraite de base confondus). Faire la demande à son employeur au moins 2 mois avant la date de départ prévue. Le silence gardé pendant 2 mois vaut acceptation et le refus doit être motivé. Exercer son activité à temps partiel selon une quotité allant de 50 % à 90 %. Il est possible pour un agent à temps complet de demander à la fois le bénéfice de la retraite progressive et son passage à temps partiel. La DGAFP recommande, dans sa FAQ, de demander le bénéfice de la retraite 6 mois avant la date d’effet souhaitée et le passage à temps partiel 4 mois avant. Les fonctionnaires à temps non complet peuvent en bénéficier, sans l’application de la condition de temps partiel. En cas de cumul de plusieurs emplois à temps non complet, cette possibilité n’est ouverte que si la quotité de temps de travail ne dépasse pas 90 %. À noter que le temps partiel thérapeutique n’ouvre pas droit à la retraite progressive. Il est également impossible de maintenir des activités accessoires avec ce dispositif. Une fois accordée, la pension est calculée sur la base de ce que le fonctionnaire percevrait s’il cessait ses fonctions définitivement, proratisé à hauteur de son temps non travaillé. Ainsi, pour un professionnel continuant à travailler à 70 %, une première liquidation sera effectuée en fonction des règles de droit et cette pension sera réduite au prorata du temps non travaillé, soit 30 %. Il percevra ensuite 70 % de son traitement. Une fois la retraite progressive commencée, il est possible de modifier sa quotité de temps de travail à la fois à la baisse, mais également à la hausse, à condition de ne pas exercer à nouveau à temps plein. Il est également possible de reprendre une activité à temps plein, mais il ne sera alors plus possible de solliciter de nouveau le dispositif, même en cas de retour à temps partiel. Enfin, il n’est pas fixé de limites au bénéfice de la retraite progressive : il est donc possible de l’exercer jusqu’à l’atteinte de la limite d’âge. Au moment du départ à la retraite effectif, la pension sera liquidée sur les droits acquis avant et après la mise en place du dispositif. Les professionnels qui au cours de la période ont vu leur rémunération indiciaire augmenter, bénéficieront de cette augmentation dans le calcul de leur liquidation. La DGAFP a annoncé que les fonctionnaires devraient à terme bénéficier d’un outil numérique leur permettant d’accéder à toutes les informations sur leurs droits à la retraite progressive, ainsi que des simulations de pension. Sandra FOVEZ
Président de la Caisse nationale d’assurance maladie En tant que président de la Cnam, peux-tu nous dire quels étaient les enjeux de la négociation ouverte début 2023 ? La précédente convention datait de 2016 : le cadre de la négociation a fortement évolué dans l’intervalle. Les négociations conventionnelles avaient pour objectif de répondre aux besoins de santé de la population et d’anticiper ceux des générations futures, dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale et de difficultés d’accès aux soins pour les assurés, que ce soit financièrement ou dans leurs territoires. À noter aussi que la représentativité syndicale des spécialistes s’est fragmentée lors des élections de 2021 avec un recul de la CSMF, organisation jusque-là la plus représentative. Chez les généralistes, le paysage est relativement plus stable, MG France ayant conforté sa première place. Cette négociation a été marquée par une revendication très médiatique (la consultation à 50 €) et par un appel au déconventionnement. Comment perçois-tu l’évolution de la représentation syndicale des médecins libéraux au regard de ces expressions ? La revalorisation de la consultation de médecine générale à 50 euros a été largement relayée dans les médias alors qu’elle ne constituait pas une revendication majoritaire auprès de l’ensemble des syndicats de médecins libéraux. Je me suis d’ailleurs entretenu avec l’ensemble des syndicats représentatifs, il existe un sujet évident de revalorisation de la médecine générale qui constitue le pilier de notre système de santé. Il faut néanmoins rappeler que si l’on tient compte des rémunérations à l’acte et forfaitaires versées par la Cnam au titre de l’activité de médecin traitant et des objectifs de santé publique ainsi que la prise en charge des cotisations sociales, la charge réelle d’une consultation de médecine générale pour l’assurance maladie est de 35,20 euros. L’ensemble des syndicats représentatifs des médecins libéraux que j’ai pu rencontrer reste attaché aux mécanismes conventionnels. Pour l’instant, nous n’observons pas de vague de déconventionnement, ce sont surtout des lettres d’intention qui parviennent dans certaines caisses. Il faut être néanmoins très vigilant sur ce mouvement qui est entretenu principalement par les réseaux sociaux. Peux-tu nous présenter le règlement arbitral intervenu après l’échec des négociations ? Quelle suite peut-on imaginer ? Que peut-on dire du rôle de l’État dans la négociation ? Le règlement arbitral de 2023 a été conçu comme une étape de transition courte dans l’intention d’une reprise des négociations. Il comprend des mesures de revalorisation de 1,50 € des consultations de base et complexes, soit une dépense supplémentaire de 421 millions pour l’assurance maladie. Il prévoit également des mesures d’urgence dans le domaine de la santé publique en créant une consultation longue pour tout nouveau patient en ALD sans médecin traitant valorisée à 60 €. Une autre mesure importante concerne l’assouplissement des dispositions sur les assistants médicaux : les aides à l’emploi des assistants médicaux sont plus simples et concernent davantage de médecins. L’assurance maladie élabore des orientations en vue d’ouvrir les négociations conventionnelles avec les syndicats de médecins libéraux, conformément aux lignes directrices fixées par le ministre de la Santé et de la Prévention. Ces orientations sont votées au sein du conseil de l’Uncam (l’assurance maladie en interrégime : CCMSA et travailleurs indépendants). Les lignes directrices sont fixées au sein d’une lettre de cadrage, elles peuvent être souples pour donner davantage de marge de manœuvre à l’assurance maladie ou elles sont susceptibles d’être détaillées ; dans ce dernier cas, l’État contraint fortement la négociation. Aucun calendrier n’est encore fixé alors que la discussion du PLFSS commence. Le système de santé souffre d’un problème de pénurie globale de professionnels en ville et en établissement. Peux-tu nous indiquer quelles propositions la CFDT formule et défend pour y répondre, plus particulièrement pour le champ libéral dans la négociation conventionnelle ? L’hôpital connaît des problèmes spécifiques de recrutement et d’attractivité qui dépassent le seul champ de l’assurance maladie. En ce qui concerne la médecine de ville, la négociation conventionnelle a pour but de répondre aux besoins de santé des assurés dans un contexte démographique contraint, avec une diminution du nombre de médecins généralistes pour les dix prochaines années. À bien des égards, la crise sanitaire a montré la voie à suivre en matière d’organisation du système de santé autour de l’exercice coordonné. Lors de la prochaine convention médicale et qu’elle qu’en soit la forme, le travail en équipe structurée – au sein de laquelle les différents professionnels de santé se connaissent, travaillent quotidiennement ensemble, partagent un projet de santé et le même système d’information de l’assurance maladie – doit devenir le mode d’exercice majoritaire. C’est à la fois un levier d’attractivité pour les jeunes générations et une manière d’améliorer le parcours de santé et la continuité des soins des assurés. Propos recueillis par Lionel PAILHÉ
Le paysage syndical proposé aux médecins salariés présente plusieurs singularités : il est émietté entre un grand nombre d’organisations en dépit d’alliances intervenues notamment lors des élections professionnelles de 2019. La référence à la discipline ou au secteur d’activité (urgences, anesthésie-réanimation, psychiatrie, radiologie…) reste prédominante. Les organisations se concentrent dans le secteur public qui rassemble la plus grande proportion de médecins salariés. Le salariat est cependant en croissance chez les médecins, l’exercice libéral exclusif étant en recul particulièrement sur la dernière décennie [1]. Pour autant, la diversité de l’offre syndicale ne rencontre pas une audience électorale majeure, avec une participation inférieure à 25 % aux dernières élections professionnelles. Dans ce paysage bigarré, la place laissée au syndicalisme confédéré est marginale, si l’on excepte le cas de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) qui s’est affiliée à la CGT avec une ligne résolument radicale. Le SYNCASS-CFDT réaffirme qu’il y a nécessité de développer une offre syndicale alternative, à rebours d’une logique corporatiste et qui s’inscrit dans une ligne de proposition et de négociation. Cette offre s’inscrit dans les évolutions structurelles et universitaires récentes de la profession, et celles de son contexte social, technologique et législatif. Elle doit permettre de réunir des médecins salariés du secteur privé associatif, ou même lucratif, dont les effectifs sont en croissance. Le SYNCASS-CFDT réunit actuellement une cinquantaine d’adhérents médecins de disciplines et de statuts divers. Parmi les statuts publics, les praticiens hospitaliers sont les plus représentés. On relève également des praticiens à diplôme étranger hors Union européenne (PADHUE) qui ont obtenu au SYNCASS-CFDT un appui et des conseils qu’ils n’avaient pas trouvés ailleurs. Des médecins du secteur privé relevant de la convention collective 51 ou de celle des centres de lutte contre le cancer ou de la transfusion sanguine ont également rejoint le SYNCASS-CFDT. Ces adhésions du privé se sont développées, notamment avec l’appui de Philippe Patry, secrétaire national de la section des directeurs du secteur privé, qui a pu apporter un service essentiel aux adhérents qui méconnaissent leurs droits, à commencer par les principes fondamentaux du droit du travail. Ce collectif d’adhérents n’avait jusqu’alors pas structuré une section syndicale à part entière. C’est ce qui s’est produit en septembre 2023 avec l’élection d’un secrétaire national de la section des médecins du SYNCASS-CFDT, Sébastien Abad, praticien hospitalier au CHU de Rouen. Avec l’appui de l’équipe nationale, le but de la section est d’élargir l’audience et les adhésions afin d’apporter un soutien individuel et collectif, faire émerger des revendications collectives, appuyer des initiatives et des innovations dans les établissements, notamment dans l’organisation médicale et son articulation avec les contraintes de gestion et les organisations des autres catégories de soignants. Ce point est particulièrement important dans les orientations de la fédération CFDT santé-sociaux qui en a fait un fil conducteur sur l’organisation du travail. L’expression et la contribution des médecins, leur confrontation positive avec les autres sections du SYNCASS-CFDT, sont des atouts pour la réflexion collective du syndicat sur les politiques publiques, les évolutions des établissements et sur les revendications statutaires et conventionnelles. [1] Drees, dossier 76, mars 2021 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-03/DD76.pdf Lionel PAILHÉ