Instance
Le Conseil médical national

Depuis le 1er janvier 2024, le Conseil médical national en formation plénière, prévu par l’arrêté du 29 novembre 2023, a été instauré pour les trois corps de direction de la fonction publique. Pour le SYNCASS-CFDT, la santé au travail des directeurs a toujours été une préoccupation centrale. En effet, les avis donnés par les conseils départementaux pour la reconnaissance de l’imputabilité à l’exercice des fonctions des accidents de travail ou de trajet et de la maladie souffraient de plusieurs faiblesses liées aux spécificités statutaires et de positionnement des personnels de direction. L’absence du CNG dans l’instruction du dossier le privait d’une partie de sa capacité à agir sur un sujet relevant pourtant de sa compétence. De nombreux ajustements étaient alors nécessaires avec les établissements pour le traitement de situations, dans leur grande majorité, problématiques. Pour le SYNCASS-CFDT, le niveau national s’impose comme le plus pertinent pour traiter avec efficience et célérité ces situations individuelles de santé au travail des directeurs. Il a lutté pour obtenir la concrétisation de cet engagement découlant du protocole d’accord du 29 juillet 2011, signé par le gouvernement avec les organisations syndicales représentatives de directeurs. Le projet n’avait pu être mis en œuvre à l’époque, mais cette possibilité a été enfin concrétisée par le gouvernement dans les dispositions du décret n° 2022-350 du 11 mars 2022 relatif à la simplification de l’organisation et du fonctionnement des instances médicales. Quelle est la composition du conseil médical national ? Le Conseil médical est composé de : trois médecins titulaires agréés, dont un est désigné par le CNG pour présider l’instance. Le CNG a passé pour cela une convention avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris afin d’obtenir l’expertise des médecins qui composent le conseil médical de cet établissement ; deux représentants titulaires et quatre suppléants désignés par les deux organisations syndicales disposant du plus grand nombre de sièges au sein du Comité consultatif national. Pour connaître les représentants désignés par le SYNCASS-CFDT, rendez-vous sur la page de présentation de l’instance ; deux représentants et quatre suppléants désignés parmi les professionnels du CNG. Quelles sont les compétences du conseil médical national ? Le Conseil médical est compétent pour les DH, les D3S et les DS. Il est obligatoirement consulté sur les situations suivantes : accident imputable au service non reconnu par les établissements ; maladie professionnelle contractée en service : cela concerne l’ensemble des maladies désignées par les tableaux mentionnés aux articles L. 461-1 à L. 461-8 du Code de la sécurité sociale, mais peuvent être également reconnues imputables les maladies dont il est possible d’établir un lien direct avec l’exercice des fonctions et qui entraînent une incapacité permanente au moins égale à 25 % ; ces deux dernières conditions sont cumulatives ; retraite pour invalidité ; allocation temporaire d’invalidité, qui peut être versée aux fonctionnaires atteints d’une incapacité permanente partielle (IPP) reconnue d’origine professionnelle correspondant soit à un incident imputable au service entraînant une IPP d’au moins égale à 10 %, soit à une maladie professionnelle inscrite aux tableaux des maladies professionnelles ou résultant de l’exercice des fonctions et ayant entraîné une IPP au moins égale à 25 % ; stagiaires invalides ; définition d’une majoration de tierce personne qui permet de majorer la pension d’invalidité : cette demande est gérée par la CNRACL qui, après avoir mandaté une expertise, transmet le dossier au Conseil médical pour avis. En cas d’accord, la majoration versée correspond au traitement de l’indice majoré 227, soit 1  342,26 euros brut par mois. Quelle est la procédure de consultation du conseil médical national ? Le secrétariat du Conseil est assuré par le CNG. Les dossiers étudiés sont les nouvelles demandes déposées à partir du 1er janvier 2024. Si vous avez déposé une demande antérieure auprès d’un conseil médical départemental, ce dossier continuera à être suivi par celui-ci. Les dossiers sont à envoyer par mail à l’adresse cng-conseil-medical@sante.gouv.fr Le CNG procède à l’étude du dossier et convoque les membres du Conseil médical. Les dossiers sont soumis dans leur intégralité aux médecins agréés. Les membres du Conseil représentant les corps de direction peuvent avoir accès au dossier sous réserve de l’accord des professionnels concernés. Ces derniers peuvent également entrer en contact avec ces membres pour toute précision qu’ils jugent utile à l’analyse de leur dossier. Ils peuvent également présenter des observations écrites au Conseil. Les professionnels dont le dossier est étudié peuvent également être présents lors de la tenue du Conseil médical ou se faire représenter. Le Conseil se réunit trois fois par an. Une première séance a eu lieu le 12 mars, une autre est programmée le 11 juin. La fréquence de ces réunions pourra être reconsidérée en fonction du nombre de dossiers à étudier. Quelles recommandations à l’issue du premier conseil médical national ? Les situations étudiées démontrent bien les difficultés d’exercice rencontrées par les corps de direction. Cinq dossiers ont été étudiés. Les médecins agréés de l’AP-HP sont incontestablement rompus à l’exercice et apportent leur expertise sur la constitution des dossiers. Nous tenons à souligner qu’au regard de la jurisprudence, un entretien professionnel, même désagréable, ne peut être considéré comme un fait générateur d’un accident imputable au service. Il importe de démontrer que les échanges ont dépassé le cadre normal et ont témoigné d’une nette agressivité. Si ce n’est pas le cas, la piste de la maladie professionnelle peut être investiguée en argumentant la dégradation des relations sur la durée et l’impact sur la santé du professionnel. Toutefois, le taux d’IPP de 25 % est rarement attribué car il correspond à une invalidité conséquente. Les représentants au Conseil médical national du SYNCASS-CFDT sont disponibles pour échanger sur ces situations.

Droit du travail
Invalidité des cadres du secteur privé : une double peine sur la carrière

Après une période prolongée d’arrêt maladie ou suite à un accident du travail, un salarié cadre du secteur privé est convoqué par le médecin du travail. Selon son état de santé, le médecin peut lui suggérer de constituer un dossier pour une invalidité à soumettre à la caisse primaire d’assurance maladie. Dans le but d’accompagner le salarié à rétablir un équilibre entre sa charge professionnelle et son état de santé, le médecin peut mettre en avant les avantages à réduire son temps de travail, tout en recevant des indemnités de la caisse d’assurance maladie et/ou de son régime de prévoyance. Cependant, bien que cette proposition puisse sembler intéressante de prime abord, il est primordial de la considérer avec prudence et d’analyser sa situation personnelle au préalable. En effet, le décret n° 2022-257 du 23 février 2022, entrant en vigueur le 1er avril 2022, a modifié les dispositions de l’article R.341-17 du Code de la sécurité sociale. Il introduit ainsi en 2023 un plafond pour les cadres qui a pour résultat de limiter leurs revenus annuels à 65 988 euros brut, incluant la pension d’invalidité. Cela équivaut à un maximum de 5 499 euros brut par mois ou environ 4 000 euros net. En pratique, l’introduction de ce plafond a entraîné la diminution, voire la suspension de la pension d’invalidité pour de nombreux cadres. Certains se sont, du jour au lendemain, retrouvés sans aucune pension d’invalidité, ce qui a entraîné la suppression de leur rente prévoyance puisque cette dernière est conditionnée par le versement de la pension d’invalidité. Ils ont pourtant cotisé pendant des années à ces organismes, comme n’importe quel salarié. L’impact d’une telle mesure est considérable pour de nombreux cadres, qui risquent également de perdre des droits en matière de retraite, alors que les dernières années devraient être les plus bénéfiques de leur carrière. Dans une telle situation, le préjudice est à la fois moral et pécuniaire. La FNATH-Association des accidentés de la vie a saisi le Conseil d’État, mais la procédure s’annonce longue et son issue n’est pas certaine, la notion de plafond étant déjà présente dans d’autres mécanismes de la sécurité sociale. Il est donc essentiel de bien réfléchir avant de suivre les recommandations de la médecine du travail. Il faut réaliser des calculs précis et évaluer ses capacités physiques et morales pour envisager un maintien à temps plein. Tous les aspects de la situation doivent être intégrés avant d’entamer une démarche de demande de reconnaissance d’invalidité, car une fois la demande soumise à la CPAM, il devient extrêmement difficile de faire marche arrière. Dans la projection de sa situation, il faut bien prendre en compte le fait que la pension d’invalidité est basée sur la moyenne des dix dernières années de salaire et non sur les derniers salaires perçus. La pension d’invalidité ne doit pas être confondue avec la carte mobilité inclusion – mention invalidité – ou l’allocation aux adultes handicapés qui obéissent à des règles totalement différentes et dont l’instruction des demandes relève de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Bien que les critères d’admissibilité à l’invalidité soient les mêmes pour tous, il est indéniable qu’il existe actuellement une grande disparité dans le traitement des personnes invalides selon que leurs revenus sont inférieurs ou supérieurs au plafond annuel de la sécurité sociale. Vous pouvez prendre conseil auprès de nous avant toute décision.

Qualité de vie
Recourir à une démarche de design social pour innover

Eve Guillaume, directrice de l’EHPAD public Lumières d’automne, à Saint-Ouen, a choisi cette démarche de maîtrise d’usage et nous en explique les raisons. Le design social permet d’interroger les pratiques, en plaçant les aspirations et les besoins des résidents au centre des préoccupations. L’EHPAD, lieu de travail, devient lieu d’habitation. L’EHPAD, lieu de soins, devient lieu de vie. L’admission d’un résident devient emménagement. Encore peu développée dans le secteur médico-social, la méthode de design social est encouragée depuis quelques années par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), notamment par le biais de ses appels à projets. Le design social, c’est quoi ? Le design social a pour objectif de résoudre un problème social et d’améliorer la qualité de vie des usagers ou d’une communauté en utilisant les principes et les méthodes du design. Mais pour quoi faire ? En se centrant sur l’usager, la méthode du design social favorise la création de nouvelles idées, de nouveaux projets ou de nouvelles organisations qui répondent aux besoins, aux envies des individus mais aussi à leurs usages. Elle vise également à inscrire ses actions de manière durable et à avoir un fort impact social. En faisant participer les différentes parties prenantes, le design favorise l’appropriation des idées et des différents concepts mobilisés par tous. Comment cela fonctionne ? La première étape consiste à appréhender les besoins et le contexte. Cela passe par la réalisation d’entretiens, notamment avec les habitants et les parties prenantes, mais aussi par des observations en immersion dans les établissements. L’objectif est de se mettre à la place des usagers et de comprendre leurs envies. Puis vient une étape de co-conception qui nécessite la participation des parties prenantes afin de s’assurer que les projets élaborés répondent bien aux besoins des usagers. Il s’agit d’imaginer des projets avec les résidents, leur entourage et les professionnels qui répondent à la problématique posée. Les projets deviennent des expérimentations, des « prototypes » mis en œuvre. Tester permet de valider la pertinence des idées, leurs impacts et leurs effets potentiels sur les pratiques professionnelles et les accompagnements. Par la suite, l’évaluation permet de mesurer l’impact social et de viser la généralisation ou non et les conditions de mise en œuvre. Exemple de projet : l’innovation citoyenne dans les EHPAD publics du 93 Pendant 30 mois, de 2023 à 2025, trois EHPAD publics de Seine-Saint-Denis (Constance-Mazier, La Seigneurie et Lumières d’automne) s’engagent dans une démarche d’innovation citoyenne soutenue par le design social. Après une année consacrée à l’observation et à la co-conception, ces établissements vont expérimenter de nouveaux modèles de participation en 2024. En EHPAD, comme dans le reste des établissements médico-sociaux, les injonctions paradoxales sont multiples et l’enjeu de la participation citoyenne crucial. Comment assurer la sécurité et la bientraitance des résidents tout en garantissant le plein exercice de leurs libertés et droits fondamentaux, comme le prévoit la Charte des droits et libertés de la personne accueillie ? Comment aller au-delà du cadre réglementaire pour voir les possibles plutôt que les impossibles ? Les dix premiers mois de l’expérimentation d’innovation citoyenne (financée par la CNSA), les professionnels des trois EHPAD ont fait un pas de côté pour envisager différemment l’accompagnement des résidents. Des espaces de réflexion, de discussion et de coopération, aux formats inédits, ont permis aux équipes pluridisciplinaires de croiser leurs regards et de travailler ensemble pour adopter un nouvel état d’esprit. Dans nos établissements, adoptant parfois le fonctionnement d’une micro-société au cadre très hiérarchisé et régulé, le design social offre la possibilité de casser les codes, de réinsuffler du sens dans les pratiques et d’interroger les priorités. Le dispositif d’innovation citoyenne, au-delà du fait de recréer des processus démocratiques innovants appliqués aux instances réglementaires (conseil de la vie sociale, projet d’accompagnement personnalisé, etc.) et à la vie quotidienne (information, emménagement, lien social), a ainsi pour objectif de nous inviter, chacun, à faire évoluer notre culture d’accompagnement et à transformer progressivement l’offre médico-sociale.

Rapport
Le FIPHFP évalué par la Cour des comptes

Les établissements de la FPH ont une carte à jouer ! La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a imposé aux employeurs du secteur public le paiement d’une contribution financière en cas de non-respect du quota d’emploi de 6 % de personnes handicapées dans leurs effectifs, alignant ainsi leurs obligations sur celles du secteur privé. Pour calculer ce pourcentage, les employeurs peuvent inclure diverses catégories d’agents, tels ceux reconnus comme travailleurs handicapés, ceux occupant un poste réservé, bénéficiant d’une allocation temporaire d’invalidité ou ayant été reclassés suite à un handicap. Les contributions collectées sont destinées au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), un organisme administratif public établi par la même loi et sous la supervision gouvernementale. Le rôle du FIPHFP est de promouvoir, à travers une approche incitative envers les employeurs des trois versants de la fonction publique, tant l’insertion professionnelle que le maintien en poste des agents en situation de handicap. L’évaluation de la Cour des comptes a été réalisée suite à d’importantes évolutions du fonds pour l’insertion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique (FIPHFP). Le rapport de la Cour des comptes souligne l’importance cruciale de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, non seulement comme un droit fondamental, mais aussi comme un enrichissement pour le secteur public. L’analyse, réalisée suite à d’importantes évolutions du FIPHFP, porte sur les meilleures pratiques, les défis à surmonter et les stratégies à adopter pour optimiser l’intégration et le maintien dans l’emploi de ce public au sein de la fonction publique, illustrant l’engagement continu en faveur de l’inclusion et de la diversité. La Cour des comptes examine non seulement la structure et la gouvernance du FIPHFP mais aussi son impact financier et opérationnel. Il soulève des questions sur l’utilisation des ressources, l’efficacité des stratégies d’emploi mises en œuvre et la mesure de l’impact des actions du fonds. L’objectif est d’identifier les voies d’amélioration pour que le FIPHFP puisse mieux répondre aux besoins de son public cible et renforcer son rôle pivot dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Gouvernance et stratégie d’emploi L’un des chantiers identifiés par les magistrats concerne le relatif éparpillement dans des comités et le formalisme excessif qui caractérisent la gouvernance du FIPHFP. Ces éléments se traduisent par une lourdeur opérationnelle qui peut limiter l’agilité nécessaire pour adapter rapidement les stratégies d’emploi aux besoins changeants de son public. La Cour des comptes souligne la nécessité pour le comité national du FIPHFP de se concentrer davantage sur les sujets stratégiques, en allégeant ses interventions sur le terrain. La Cour recommande également l’élaboration d’un plan stratégique opérationnel. Ce dernier devrait formaliser la politique d’intervention du FIPHFP et ses priorités, en tenant compte de l’impératif d’une allocation équilibrée des ressources entre les versants de la fonction publique, notamment en faveur des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Enfin, le rapport met en avant l’importance d’évaluer l’efficacité des dépenses d’intervention par type d’actions, pour justifier la raison d’être du FIPHFP et démontrer sa valeur ajoutée. Cette évaluation devrait inclure une analyse de l’impact des partenariats et des interventions directes, pour s’assurer que les ressources sont utilisées de manière à produire le meilleur effet possible sur l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Le financement du FIPHFP La situation financière FIPHFP révèle une position excédentaire qui, tout en témoignant de la robustesse des mécanismes de collecte, soulève des interrogations quant à l’usage des surplus financiers accumulés. Cet excédent, résultant d’une gestion prudente et d’une capacité accrue de collecte des contributions, interpelle sur les stratégies d’allocation et la pertinence des investissements à l’aune des objectifs d’inclusion professionnelle. La Cour suggère que la gestion de ces excédents devrait être guidée par une réflexion stratégique sur leur emploi en vue de « maximiser l’impact » des actions. Une répartition équilibrée et réfléchie des ressources est une nécessité, en particulier en faveur des établissements de la fonction publique hospitalière. Ces derniers, confrontés à des défis spécifiques liés à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, bénéficieraient avantageusement d’une augmentation des fonds dédiés. Et ce afin de satisfaire de manière ciblée les besoins en équipements adaptés des établissements, par ailleurs en grande difficulté financière, mais aussi de favoriser l’accompagnement en formations spécialisées pour le personnel bénéficiaire de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (BOETH) et en programmes d’accompagnement personnalisé de maintien/insertion dans l’emploi. L’accroissement de la transparence dans la gestion des finances du FIPHFP est un levier essentiel pour renforcer la confiance des parties prenantes et assurer une communication claire autour des décisions d’allocation des ressources. Cela contribuerait à asseoir la légitimité des actions menées et à mobiliser l’ensemble des acteurs autour d’un projet partagé d’inclusion professionnelle. L’impact du FIPHFP sur l’insertion des personnes handicapées : vers une administration inclusive ? Une évaluation rigoureuse de cet impact est essentielle, non seulement pour mesurer les résultats obtenus, mais également pour orienter les stratégies futures et assurer une utilisation optimale des ressources. Taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique : avant l’intervention du FIPHFP, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique était en dessous de l’objectif légal de 6 %. L’évolution de ce taux, passant de 4,5 % en 2015 à 5,45 % en 2022, est un indicateur de l’impact positif des actions du FIPHFP sur le taux de déclaration et le niveau d’accompagnement. Nombre de personnes en situation de handicap bénéficiant d’interventions directes : 2 000 personnes ont bénéficié d’aménagement de poste de travail en 2021. Volume financier alloué aux interventions directes et partenariales : 30 millions d’euros en 2020 pour des projets visant l’insertion professionnelle. Cependant, mesurer l’impact du FIPHFP ne se limite pas à quantifier les résultats immédiats de ses actions. Il s’agit également d’en apprécier les effets à long terme sur l’évolution des mentalités et des pratiques organisationnelles au sein de la fonction publique, vers une culture plus inclusive, tant du point de vue de l’insertion professionnelle directe que de la transformation des

Pratiques
Réduire l’isolement et la contention

En 2022, et malgré les recommandations nationales et internationales, 37 % des patients hospitalisés sans leur consentement en psychiatrie ont été soumis à l’isolement et 11 % à la contention mécanique. Bien que stables par rapport à l’année précédente, ces chiffres révèlent des réalités préoccupantes. Voir l’article Irdes « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre ». Un constat alarmant L’enquête de l’Irdes confirme que l’évolution du cadre réglementaire relatif à l’isolement et à la contention doit être complétée d’actions résolues des pouvoirs publics pour réduire ces pratiques. Il faut adapter le cadre de soin, parfois l’environnement bâtimentaire, pour limiter le recours à l’isolement et à la contention qui, c’est établi, majorent le risque de réhospitalisation complète. L’étude souligne d’importantes disparités territoriales et entre établissements. Elle met en évidence le besoin d’harmoniser les pratiques à travers une politique de santé mentale cohérente et respectueuse des droits des patients. Dans le même temps, une pression croissante s’exerce sur les structures (publiques plus particulièrement) pour répondre rapidement aux demandes d’hospitalisation sous contrainte et d’accueil de patients détenus. Ces situations d’urgence entraînent des retards de prises en charge programmées, des prolongations de traitements ou même des transferts de patients vers d’autres établissements, soulignant les dilemmes professionnels et éthiques auxquels le personnel est confronté. Les causes profondes Le recours à l’isolement et à la contention dans les établissements français révèle des disparités préoccupantes. Ces variations s’expliquent non seulement par les différences de moyens humains et architecturaux, mais aussi par une hétérogénéité dans la formation du personnel et dans la culture de prise en charge des épisodes aigus et des crises. Ce constat appelle une réponse systémique, intégrant la formation, le soutien au personnel et une réflexion sur l’environnement thérapeutique. Vers des solutions concrètes 1. Formation continue : un renforcement des compétences du personnel soignant dans la gestion non coercitive des crises est impératif. Des ateliers, basés sur des échanges de bonnes pratiques aux niveaux national et européen, pourraient être une source d’inspiration. 2. Amélioration des conditions de travail : assurer des effectifs suffisants et une organisation du travail favorisant une prise en charge respectueuse et individualisée des patients. 3. Développement d’alternatives : investir dans des dispositifs innovants et moins restrictifs, tels que les chambres d’apaisement, qui ont fait leurs preuves dans des pays comme le Danemark. 4. Suivi et transparence : établir un suivi rigoureux de l’usage de l’isolement et de la contention, avec un objectif explicite de réduction au niveau institutionnel comme dans chaque unité, tout en garantissant une communication transparente sur les données collectées. Le SYNCASS-CFDT défend une psychiatrie respectueuse et humaine, où l’isolement et la contention répondent à des situations exceptionnelles. L’expérience d’autres pays européens montre que le changement est possible. Les services psychiatriques doivent donc adapter leurs infrastructures pour répondre aux besoins diversifiés de tous les patients, des jeunes enfants aux adultes en passant par les malades chroniques âgés stabilisés de 70 ans et plus. Mais avec quels moyens ? La diversité de populations accueillies nécessite des espaces distincts, conçus pour garantir une prise en charge adaptée et sécurisée. L’investissement dans des aménagements d’espaces d’apaisement, en substitution aux chambres d’isolement, requiert un suivi des prescriptions (pour ne pas substituer une camisole à une autre), mais également des espaces de vie, de rétablissement et des espaces extérieurs adaptés pour réduire l’agressivité et favoriser le bien-être des patients. Focus sur l’offre publique Contrairement aux cliniques privées, les hôpitaux publics n’ont pas la latitude de « choisir » leurs patients ; ils sont tenus d’accueillir toute personne ayant besoin de soins, à toute heure, ce qui inclut souvent des cas complexes transférés des établissements privés. Événements festifs, rassemblements et saisonnalité dans les flux de patients sont peu analysés dans l’offre de soins et sa capacité de réponse. Cette réalité souligne la nécessité d’un soutien et d’un financement accrus pour les services publics, afin qu’ils puissent répondre efficacement à cette mission sans compromettre la qualité des soins, ni la sécurité des patients et du personnel. Investir dans des infrastructures modernes et bien pensées est donc non seulement un impératif éthique mais aussi une nécessité pratique. De telles améliorations permettraient de mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe de patients, de réduire les tensions et d’améliorer l’efficacité des traitements, tout en soutenant l’objectif partagé de réduire autant que possible l’usage de pratiques cœrcitives. C’est aussi l’aspiration profonde des professionnels du secteur. Face à ces enjeux, les réflexions collectives se multiplient, impliquant tous les acteurs, les fédérations, l’association des établissements du service public de santé mentale (AdESM), les associations de proches et d’usagers du secteur de la santé mentale. La dimension de démocratie sanitaire en région est importante pour définir les priorités d’investissement et concevoir des solutions durables et respectueuses des droits et de la dignité de tous les patients.

Évolution
Transformer le système et résorber les inégalités territoriales

La réforme du financement de la psychiatrie en France, initiée en 2022, s’articule autour d’un objectif ambitieux : harmoniser la répartition des financements à l’échelle nationale et régionale pour plus d’équité. Les régions historiquement mieux dotées (au regard d’une modélisation euros par habitant) se préparent à une croissance ralentie de leurs budgets annuels, laissant entrevoir un rééquilibrage en faveur des régions jusqu’alors sous-­financées. Cette dynamique vise à contrer les disparités territoriales persistantes en matière de santé mentale. L’ancien système était basé sur une dotation annuelle de financement (DAF) croissante de manière prévisible mais très modeste, et globalement en déphasage avec les coûts réels d’exploitation. Il est crucial de souligner que, depuis une décennie, l’augmentation budgétaire pour la psychiatrie était inférieure, tant à la croissance générale des dépenses de santé fixées par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) qu’aux coûts intrinsèques de la structure des charges, notamment la masse salariale. Ce déséquilibre a conduit à une érosion des marges budgétaires, pesé sur la politique RH et sur les investissements immobiliers. En effet, ce régime de financement était différent entre les catégories d’établissement : d’une part, les établissements publics de santé (EPS) et la majorité des établissements à but non lucratif étaient financés par le biais d’une enveloppe fermée : la dotation annuelle de financement (DAF), enveloppe fixe avec un taux d’évolution insuffisant, sauf post-COVID au regard de la demande importante en soins ; d’autre part, les cliniques privées à but commercial et une minorité d’établissements à but non lucratif étaient financés par le biais de prix de journée, encadrés par un objectif quantifié national (OQN). Fortement critiqué par la majorité des acteurs (fédérations, syndicats, établissements…), l’ancien modèle de financement est ainsi abandonné, car considéré comme inégalitaire, tant entre les établissements privés lucratifs et les autres qu’entre les régions. Le SYNCASS-CFDT a poussé à ces changements avec pragmatisme et vigilance. La réforme introduit un modèle où l’activité des services de psychiatrie est désormais valorisée, s’inspirant des principes de la tarification à l’activité (T2A). Le budget se scinde désormais entre une part populationnelle – constituant la majorité du financement – basée sur des indicateurs sociodémographiques, et une part variable. Cette dernière, représentant 20 % du total, se répartit en reconnaissant non seulement l’ampleur de la file active, mais également les activités spécifiques des établissements, la qualité des soins, l’engagement dans la recherche, le développement de nouvelles pratiques, les transformations entreprises ainsi que la précision du codage PMSI. L’impact de cette réforme sur les moyens des services de psychiatrie est encore controversé. Les simulations financières ont suscité des réactions contrastées au sein des hôpitaux, révélant une dichotomie entre les établissements qui anticipent une perte de financement et ceux qui tablent sur des ressources supplémentaires. La réforme financière implique un impératif : une évaluation rigoureuse et continue pour assurer une transition juste, viable et propice à l’amélioration des soins dans chaque territoire. La mise en œuvre de la réforme et les évolutions attendues 1. La prise en compte de la qualité : cela indique que la qualité des services de psychiatrie est un critère important dans le modèle de financement. 2. Des compartiments dédiés : – aux activités suprarégionales et aux nouvelles activités (6 %), – à la structuration de la recherche pour soutenir la transformation du secteur (5 % pour les nouvelles activités et 3 % pour la transformation, avec aucune part allouée à la structuration de la recherche en 2023). 3. Un compartiment de financement pour valoriser l’activité des établissements : – incitant aux alternatives à l’hospitalisation temps plein, sans donner un pourcentage spécifique, ce qui suggère une approche flexible pour encourager des soins plus diversifiés et moins centrés sur les hospitalisations. 4. Un compartiment de financement dédié à la réduction proactive des inégalités territoriales : – qui met en relation un besoin de santé et une enveloppe de financement, indiquant une attention particulière à la distribution équitable des ressources selon les besoins régionaux. Les pourcentages indiqués reflètent la pondération des divers compartiments de financement dans le modèle global : IFAQ + qualité du codage : 1,2 %, activités spécifiques : 3 %, transformation : 3 %, nouvelles activités : 0,5 %, dotation file active : environ 15 % en moins, dotation populationnelle : environ 80 %. Une proportion significative (80 %) du financement est basée sur la dotation populationnelle, ce qui conforte l’approche centrée sur la population pour la distribution des ressources, avec un ajustement (15 % en moins) pour la dotation file active, pour rémunérer l’activité réelle des établissements. À l’instar des activités MCO, ce compartiment valorise mieux les séjours de courte durée. En dehors de la dotation populationnelle, les ARS interviennent directement sur trois enveloppes : la dotation d’accompagnement à la transformation, la dotation relative aux nouvelles activités, distribuées sur la base d’appels à projets (AAP) nationaux mais aussi, possiblement à partir de 2024, régionaux, la dotation pour la structuration de la recherche, dont une instruction en date du 30 mars 2023 précise qu’elle est en principe distribuée sur la base d’appels à manifestation d’intérêt (AMI). La première année de la réforme du financement de la psychiatrie, en 2022, a été marquée par une phase de transition centrée sur la stabilisation financière des établissements. Dans le détail, la réforme a garanti la totalité des recettes des établissements basée sur le périmètre de l’année précédente, en y intégrant des ajustements pour des situations exceptionnelles liées aux ressources humaines et à l’inflation. Cela a été conçu pour protéger les institutions des fluctuations imprévisibles tout en mettant en place un nouveau modèle de financement, dit « à blanc », ciblant des initiatives novatrices non préalablement désignées. En matière de répartition des fonds complémentaires, qui s’élèvent à 160 millions d’euros pour la composante C4 (dernière phase de la campagne 2022), la majorité, soit 120 millions d’euros, a été attribuée aux établissements publics. Deux tiers de ces établissements ont bénéficié d’un surplus financier, avec une réception de 82 % des recettes additionnelles qu’ils auraient obtenues en absence de ce nouveau modèle de sécurisation financière. Intéressant à noter, les établissements qui auraient été désavantagés par les nouvelles modalités de financement n’ont pas subi de baisse de recettes, reflétant un effort pour éviter les pertes financières pendant la transition. Le

État des lieux
Contrôle des ESSMS privés par les autorités : portée et impacts sur les acteurs de terrain

Les EHPAD publics sont également concernés par les contrôles en cours, avec des points communs et des spécificités selon qu’ils sont autonomes ou rattachés à des établissements de santé. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) évoluent dans un environnement institutionnel complexe, marqué par une diversité de fonctionnements et de types d’établissement. Cette pluralité offre une gamme étendue de services adaptés aux usagers, mais elle complique les coopérations institutionnelles et le dialogue de gestion, tant en interne entre organismes gestionnaires et établissements qu’en externe entre établissement et autorités de tutelle. Suite à l’affaire ORPEA, les pouvoirs publics ont annoncé leur intention de mener des contrôles sur deux ans dans les 7 500 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ainsi que d’accroître la transparence financière dans la gestion de l’ensemble des établissements et ESSMS. Ces annonces, souvent relayées par la presse avec un focus sur des situations dramatiques isolées, ont contribué à une perception négative des ESSMS par l’opinion publique. Il est important de rappeler que l’inspection et le contrôle dans le domaine des ESSMS relèvent du champ de la police administrative, réglementé par le Code de l’action sociale et des familles (CASF). De plus, la loi accorde un pouvoir de contrôle de police spécifique au préfet, lui permettant de diligenter un contrôle dans tous les ESSMS situés dans son département. Des vagues de contrôles sur site ou sur pièces sont en cours sur l’ensemble du territoire. Certains d’entre eux peuvent être effectués de manière inopinée, soulignant ainsi la nécessité d’un travail d’anticipation auprès des équipes des établissements. Cependant, cela laisse également les directeurs de ces établissements dans une position de pression constante, susceptible de générer du stress et de la frustration. En effet, ces derniers se sentent parfois dépassés par la charge de travail et les exigences croissantes des autorités de tutelle, de l’organisme gestionnaire et des familles des usagers. Ils peuvent également craindre des répercussions sur leur emploi en cas de mauvais résultats lors des contrôles, ou encore des pressions de la part de l’employeur pour minimiser les failles identifiées par les autorités de tutelle. Un dialogue ouvert et constructif serait essentiel pour identifier les besoins locaux, optimiser l’allocation des ressources, promouvoir l’innovation dans la prestation des services et assurer une coordination efficace des politiques de santé et de services sociaux. Il est important de souligner que le scandale d’ORPEA et le déclenchement subséquent généralisé des inspections et contrôles des ESSMS, en particulier des EHPAD, surviennent dans un contexte marqué par une accentuation des fusions et rapprochements entre les groupes privés gestionnaires. Cette tendance découle de contraintes budgétaires de plus en plus prégnantes, qui rendent difficile la réalisation d’une prise en charge conforme aux normes et aux attentes de notre société. L’encouragement au rapprochement et à la mutualisation des ressources entre les acteurs du secteur a été déployé dans le but de réaliser des économies d’échelle et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Cependant, il est crucial de ne pas se limiter à des considérations strictement comptables dans ce processus. En effet, la recherche d’économies ne doit pas compromettre l’équilibre entre l’efficacité financière et la qualité des prestations, en veillant à ce que les besoins des usagers demeurent au centre des préoccupations. Le manque de transparence financière et la dégradation de la prise en charge des usagers : deux arguments avancés par les autorités comme éléments déclencheurs des inspections et contrôles des ESSMS. La quête d’équilibre financier et la volonté de réduire les coûts incitent souvent les gestionnaires d’ESSMS privés à industrialiser les processus de gestion, ce qui les éloigne parfois des réalités humaines du terrain. Un pilotage standardisé à distance peut compromettre la sécurité et le bien-être des usagers, mettant ainsi en péril la mission fondamentale des établissements : prodiguer des soins de qualité et un soutien attentif dans un accompagnement personnalisé pour chaque usager. Cette standardisation de la gestion et de la prise des décisions, de plus en plus centralisée par les sièges sociaux, pose la question « du bon lieu » où réaliser les contrôles des autorités. Questionné à ce sujet par les sénateurs en mars 2022, Victor Castanet, auteur du livre enquête Les Fossoyeurs, doutait que le contrôle de tous les EHPAD de France soit la solution. Précisant que « ça fait des années que ces grands groupes ont tout centralisé », il préconisait qu’il fallait « […] surtout des gens formés et des gens qui contrôlent au bon endroit, notamment au siège ». Il est donc également essentiel de porter une attention particulière à la qualité professionnelle des contrôleurs. Ces derniers doivent répondre à des critères de compétence définis par un cahier des charges rigoureux, leur conférant ainsi une légitimité incontestable lors des inspections. Il est impératif de repenser le système d’inspection et de contrôle des ESSMS pour le rendre plus respectueux des acteurs de terrain. Il est temps de mettre fin à cette situation de tension permanente pour permettre aux ESSMS de remplir pleinement leur mission au service des usagers. Le dialogue de gestion doit être remis au cœur de cette réflexion, afin de favoriser une relation de confiance et de collaboration entre les directeurs et les autorités. Extraits de témoignages de directeurs d’établissement de type ESSMS ayant fait l’objet d’inspection et/ou de contrôle Groupe privé lucratif « Me concernant, l’inspection ARS s’est déroulée sous la forme de contrôle sur pièces et non en présentiel. Je crois qu’il est important de préciser que mes rapports avec les organismes de tutelle sont plutôt bons, aussi bien avec l’agence régionale de santé (ARS) qu’avec le conseil départemental (CD). ors de ce contrôle, nous étions en pleine construction du CPOM. Mes interlocuteurs gestionnaires (CPOM) m’ont bien précisé que ce ne sont pas les mêmes départements qui effectuent ces inspections, pas de communication interservice. Je me suis bien rendu compte du différentiel de communication… L’inspection était abrupte et sans interprétation possible. Cette enquête ARS n’a pas été une plus-value sur mon établissement. À mon sens, l’orientation était plutôt que notre tutelle s’assure des aspects réglementaires sur mon établissement suite à l’affaire ORPEA. Sur le fond,

Prospective
Livre blanc du travail social, et après ?

Adopté le 6 septembre par le Haut Conseil du travail social (HCTS), le livre blanc du travail social fait suite à la publication en 2022 du livre vert, qui se voulait un état des lieux permettant de « reconnaître le travail social comme pilier de l’État social et [de] s’appuyer sur le rôle essentiel des travailleurs sociaux dans l’accompagnement des personnes, des groupes, dans la prévention des risques, dans la régulation des tensions individuelles et collectives consécutives aux situations de crise ». Le livre blanc a connu une remise laborieuse, initialement prévue à la Première ministre et à la ministre des Solidarités et des Familles le 26 septembre 2023. Il a été finalement remis le 5 décembre 2023 au ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et au ministre des Solidarités et des Familles, en présence du ministre de la Fonction publique, de la ministre déléguée en charge des Personnes âgées et handicapées et de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance. Le livre blanc se concentre sur les travailleurs sociaux titulaires d’un des treize diplômes d’État inscrits au Code de l’action sociale et des familles, ainsi que sur les intervenants sociaux (médiateurs sociaux et familiaux, animateurs, conseillers en insertion, intervenants de l’économie sociale et solidaire et de la politique de la ville…) qui concourent également à la mise en œuvre des politiques sociales. La méthodologie se centre autour d’auditions, de travaux de groupes nationaux du HCTS, de la Commission éthique et déontologique du travail social et la réalisation de propositions écrites d’organisations membres du HCTS : l’Association des départements de France (ADF), l’Association nationale des assistants de service social (ANAS), l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCASS), l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs (UNIOPSS), la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), la Croix-Rouge française, la CFDT, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), l’Association nationale des cadres de l’action sociale des départements (ANCASD), France ESF, l’Union syndicale solidaire (SUD), l’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (UNAFORIS). Focus sur les propositions de la CFDT Les propositions formulées par la CFDT se concentrent sur les problématiques d’emploi et le manque d’attractivité systémique de la fonction publique territoriale. En effet, selon elle, « le statut de la fonction publique territoriale est largement dévoyé. En dehors des cadres d’emploi et des grades qui devraient être exclusifs dans ces filières, les collectivités territoriales s’arrogent, de plus en plus, de dérogations pour recruter les agents au service de ces publics. À force de recruter en dehors du statut voire sans diplôme, y compris pour certaines professions réglementées, les employeurs territoriaux ont progressivement déqualifié le secteur et ses professionnels. Il y a donc un travail de fond à produire en regard de ces professions. Il s’agit des niveaux de diplômes en regard des missions qui leur sont confiées, et corrélativement de la même façon, au niveau des rémunérations correspondantes. » Pour pallier cet écueil, les propositions de la CFDT Interco sont les suivantes : Améliorer les conditions et la qualité du travail : – en accordant de la confiance aux professionnels de terrain, experts de la réalité du secteur ; – en affirmant les valeurs du travail social et les proclamer en offrant aux professionnels un cadre respectueux de ces valeurs ; – en fournissant aux travailleurs sociaux un cadre législatif sur lequel ils doivent prendre appui pour étayer leur professionnalisme ; – en imposant aux employeurs le respect de ce cadre et la mise en place d’un cadre commun d’accueil de tous les publics (taux d’encadrement par métier, temps minimum par public accompagné, comptabilisation de tous les temps de travail) ; – en adaptant le statut à la réalité des métiers et en harmonisant les conditions d’emploi ; – en permettant aux agents de se former, de se reconvertir, en mettant en place un fonds de reconversion professionnelle et des formations qualifiantes qui n’existent pas aujourd’hui pour ces agents. Revoir les modalités de recrutement : – en instituant des concours sur titres dans la territoriale pour toutes ces filières ; – en réalisant un plan de résorption de l’emploi précaire en titularisant les diplômés ; – en créant des parcours diplômants allégés pour les « faisant fonction » ; – en accueillant les assistants familiaux dans le statut des contractuels de droit public. Agir sur la rémunération : – en étendant le CTI ; – en permettant le passage en catégorie B de tous les agents auxiliaires de soin ; – en harmonisant les rémunérations dans l’ensemble des deux filières (soins et travail social). Fort de ces propositions, le HCTS a défini dans ce livre blanc les quatorze recommandations suivantes : valoriser les salaires ; engager une concertation sur les ratios d’encadrement ; réinterroger les modes de financement des structures sociales et médico-sociales, en revalorisant les temps nécessaires à l’accompagnement, en assouplissant la logique d’appel à projets ; affirmer les fondamentaux du travail social adaptés aux défis d’aujourd’hui en allant vers des interventions collectives pour une action plus préventive et inclusive, favoriser le pouvoir d’agir des personnes accompagnées ; faire évoluer la gouvernance des métiers et des compétences ; recruter durablement ; faire évoluer les organisations de travail par un encadrement différent (management participatif, espaces réflexifs professionnels, développer la fonction de conseiller technique…) ; soutenir les parcours professionnels ; consolider les parcours des étudiants et des stagiaires ; distinguer l’accès au droit et l’accompagnement social ; élaborer une stratégie globale de communication autour des métiers ; tirer toutes les potentialités de la transition numérique ; investir dans la transition écologique ; renforcer la place du travail social dans le débat public. Lors de la remise du livre blanc au gouvernement, l’exécutif a évoqué la mise en place de cycles de négociations annuelles dans la fonction publique entre employeurs et organisations syndicales, ainsi que des négociations pluriannuelles sur les grilles indiciaires. Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a rappelé à cette occasion son souhait d’aller vers plus d’harmonisation des grilles entre les différentes fonctions publiques. À ce jour, ces cycles sont annoncés pour 2025. Cette annonce d’une année blanche sur les salaires a d’ailleurs fait l’objet d’un mouvement de grève

Dialogue social
Négociation collective dans la FPH : travaux pratiques

Le décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique est venu conforter l’ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 qui a ouvert des possibilités de négociation, que ce soit nationalement ou localement, dans les trois versants de la fonction publique. Les employeurs publics et les organisations syndicales représentatives peuvent désormais, au-delà des thèmes listés dans l’ordonnance, « participer à des négociations portant sur tout autre domaine ». Il s’agit là d’un changement très important pour les relations sociales dans la fonction publique, déjà mis en œuvre dans le secteur privé. Les équipes locales peuvent désormais s’emparer des thèmes qui les intéressent pour négocier et obtenir des améliorations par rapport aux accords-cadres nationaux. C’est ainsi que des décisions importantes ne seront plus seulement décidées unilatéralement, ou simplement discutées ou concertées, mais réellement négociées. Les accords du Ségur, une opportunité pour mettre en œuvre cette négociation dans les établissements ? Un constat s’impose : l’acte unilatéral demeure la voie privilégiée, malgré les évolutions législatives favorisant la négociation collective. Une voie qui ne laisse que peu de place à l’installation pratique d’une culture du dialogue social. Et pour cause, la mise en place des accords majoritaires soulève dans les établissements de la FPH plusieurs inquiétudes. Un problème de culture ? La complexité administrative, un frein au dialogue Outre la méconnaissance des obligations et des possibilités offertes par les procédures de négociation, le contexte financier, le plus souvent très incertain, et la perspective d’accords pluriannuels ont entamé l’optimisme initial. Par ailleurs, le manque de clarté dans la capacité d’engagement des acteurs syndicaux et des directions, la présence ou non d’accords de méthode, la présence ou non de représentation syndicale mais aussi l’absence dans certains cas de continuité de représentants de la direction, le tout sur fond de crise sanitaire, ont été autant d’obstacles qui ont freiné les meilleures volontés. Un rôle parfois ambigu des ARS L’ARS, qui est chargée de vérifier la conformité aux normes de niveau supérieur de ces accords, mais aussi du contrôle de l’exécution des crédits alloués à l’axe 2 du Ségur de la santé, s’est positionnée de façon très variable selon les territoires. D’après le retour de collègues directeurs, dans certaines régions, sa posture s’apparente à celle d’un gardien de l’opportunité des accords négociés. Dans d’autres régions, la transmission des accords pour le contrôle de légalité est suivie d’un silence assourdissant. Dans ce cas, en l’absence de réponse du directeur général de l’ARS au terme du délai réglementaire de deux mois, l’accord peut être publié et entrer en vigueur. Les enjeux financiers : la tentation de s’abstenir Le soutien financier était et reste une préoccupation majeure dans le cadre de la négociation d’accords majoritaires. Les budgets contraints et les incertitudes quant à leurs effets sur la négociation ont engendré des réticences à s’engager. Les directions, sous pression financière, ont pu opter pour la voie qui leur semblait la moins coûteuse et la plus sécurisée : l’acte unilatéral. Une telle approche, toutefois, néglige l’impact positif à long terme d’un accord dans lequel les représentants des personnels se sont engagés. L’éclatement syndical, une réalité dans certaines structures La diversité syndicale est le cas de figure le plus répandu, notamment dans les établissements de grande taille. En pratique, elle peut mener à un éparpillement des interlocuteurs et à un émiettement des positions, rendant la quête d’un compromis majoritaire plus complexe. C’est le cas de certaines structures où les acteurs se sont découragés dans la recherche d’impossibles accords majoritaires. Cela peut être regrettable, mais la diversité est un fait démocratique qui ne doit pas empêcher le travail de dialogue. Il faut souligner que les organisations syndicales n’ont pas les mêmes pratiques en matière de mandatement et de capacité d’engagement à signer des accords locaux. Les échéances des élections professionnelles sont également un élément de contexte très important à mesurer. Les changements dans l’équipe de direction : un paramètre à prendre en compte La négociation demande du temps. Sur la durée du processus, les changements d’acteurs côté direction (chefferie d’établissement, DRH) peuvent avoir une influence déterminante. Il faut œuvrer à une continuité de position institutionnelle sur la place de la négociation collective, au-delà de la conviction individuelle des directeurs en charge de la conduire et de la conclure. Les jalons sont posés et un nouveau paradigme se dessine Dans un contexte de fortes tensions sur les ressources humaines, chaque acteur tente de se singulariser et de mettre en place des mesures d’attractivité et de fidélisation. Les établissements qui se sont engagés dans cette démarche s’en sortent-ils mieux ? Représentants syndicaux et directions doivent être formés à la conduite d’une négociation collective. Les ARS doivent endosser un rôle adapté et soutenant dans la promotion et l’accompagnement de cette démarche de dialogue social. Ce changement de paradigme est tributaire de la capacité d’engagement des acteurs. Mais, vraisemblablement, la négociation collective a vocation à irriguer largement dans l’avenir la gestion des ressources humaines. La CFDT est convaincue que la qualité des soins, l’engagement des professionnels et l’efficience des établissements peuvent y gagner. Le point de vue de Cédric Leseney, secrétaire général, syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux du Calvados En tant que secrétaire de section, secrétaire départemental, conseiller fédéral et membre de l’union professionnelle régionale, je suis régulièrement confronté à une méconnaissance des modalités à suivre par certaines directions. Cette situation se complique davantage par une réticence marquée à s’engager, souvent justifiée par l’absence de garantie de financements pérennes. Et en 2024, on rentre dans le dur sur ce sujet ! Le manque d’acculturation aux techniques de négociation d’accords dans la fonction publique hospitalière (FPH) est également préoccupant, une lacune qui, je dois l’admettre, affecte parfois même nos propres représentants. Cette lacune se retrouve exacerbée chez certaines organisations syndicales, à qui le concept même de concertation semble étranger, rendant tout processus de négociation particulièrement difficile. Nous avons aussi observé que les gros établissements, tels que les CHU, ont souvent procédé sans réelle concertation, saisissant bien l’intérêt des investissements immobiliers issus

Juridique
Personnalité morale du GHT : une évolution ambitieuse autant qu’ambiguë

La loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, marque une étape significative dans l’évolution du cadre juridique régissant les groupements hospitaliers de territoire (GHT), avec la possibilité de se doter de la personnalité morale. Une faculté jusqu’alors écartée qui soulève de multiples interrogations quant à son impact sur l’organisation et la gestion des établissements de santé au sein des groupements. Les GHT, imposés par la loi du 21 janvier 2016 aux établissements publics de santé, ont une double mission : organiser la fluidité, la coordination et la gradation des soins, afin d’améliorer l’accès aux soins de la population du territoire concerné ; rationaliser la gestion hospitalière publique en mutualisant les fonctions supports et de logistique. Toutefois, ce modèle s’est heurté à différents obstacles, tant sur le plan des mutualisations fonctionnelles que sur celui de l’adaptation à un paysage sanitaire, social et médico-social en constante mutation. Cette nouvelle possibilité introduite par l’article 25 de la loi serait un « outil complémentaire pour simplifier les nombreuses procédures et renforcer l’organisation territoriale des soins », comme cela a pu être exprimé lors des débats en séance publique du 25 octobre 2023. Mais elle renvoie également à la crainte existante depuis la création des GHT d’une intégration trop poussée des établissements de santé. Cette nouvelle disposition prévue dans l’article L.6132-5-2 du CSP offre deux possibilités pour doter un GHT de la personnalité morale : la fusion : dans ce cas, il n’existe plus qu’une seule personnalité morale sur le territoire identifié précédemment à travers le GHT ; le groupement de coopération sanitaire (GCS) de moyens : le GHT peut acquérir la personnalité morale lorsque l’ensemble des établissements parties constitue, à l’exclusion de tout autre membre, un groupement de coopération sanitaire afin qu’il assure au moins les fonctions obligatoirement mutualisées que sont le système d’information (SIH), le département d’information médicale (DIM), les achats, la formation et les écoles et, le cas échéant, les autres compétences (pharmacie, biologie, imagerie, équipes médicales communes…). La mise en œuvre pratique de la personnalité morale au sein des GHT confronte ces derniers à une série de défis juridiques et organisationnels. La possibilité de directions communes ou de fusion entre établissements, tout comme la constitution de groupements de coopération sanitaire (GCS) de moyens, sont des options prometteuses mais semées d’embûches. Elles requièrent une réflexion approfondie sur la gouvernance, la répartition des pouvoirs et la gestion des ressources, dans le respect des spécificités et des besoins de chaque territoire. Le plus grand risque est celui de la superposition de gouvernance entre celle du GHT (directeur d’établissement support/comité stratégique/commission médicale de groupement [CMG]/comité territorial des élus locaux/commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques unifiée) et celle du GCS (administrateur/comité restreint/assemblée générale). À ce stade, seul l’article L.6132-5-2 du CSP vient apporter quelques précisions : « L’administrateur du groupement de coopération sanitaire exerce l’ensemble des prérogatives accordées au directeur de l’établissement support. » Les autres modalités d’application seront déterminées dans un décret en Conseil d’État à venir. Il semble important de clarifier les enjeux. Si les GHT sont dans une logique de subsidiarité, le pragmatisme de chaque territoire s’impose, sans parti pris. Si la dimension intégrative prévaut définitivement, comme on peut le supposer avec cette nouvelle évolution, il faut que l’État l’affiche clairement, en assumant les conséquences sociales et financières. Elle doit aussi nous interroger sur la question de la représentativité et du dialogue social dans cet environnement juridique nouveau. Force est de constater que les conférences territoriales de dialogue social (CTDS – une proposition de la CFDT) sont globalement peu investies par les porteurs. Elles ne disposent ni de compétences ni de moyens d’interpellation. L’introduction de la personnalité morale pour les GHT par la loi Valletoux peut être perçue comme une avancée dans la structuration du paysage hospitalier français. Elle propose un cadre pour approfondir l’organisation territoriale des soins dans certains territoires. Toutefois, elle ne doit pas occulter les attentes des professionnels de santé et des patients. Pendant que nous équipons les GHT de ces nouvelles opportunités, en espérant qu’elles façonnent un avenir plus structuré, il semble que l’horizon de l’offre territoriale de soins, avec ses enjeux et ses défis, ne s’éclaircisse guère… Cette disposition n’est pas anodine. Elle apportera peut-être des développements positifs, mais ouvrira aussi de nouvelles rivalités politiques ou médicales, des logiques de carrières différentes. Cette « simplification » proposée sera sans doute source de complexité et d’ambivalence qui devront être gérées. Encore une fois, il est regrettable qu’une telle évolution soit faite sans associer étroitement les acteurs, notamment les représentants des corps de direction, ce qui a fait défaut globalement jusqu’ici pour cette disposition, mais aussi pour d’autres comme la mise en place des GTSMS, le gouvernement n’étant préoccupé que par la procédure législative. Pour le SYNCASS-CFDT, c’est une carence majeure, malheureusement récurrente lors de cette mandature.