Pratiques
Réduire l’isolement et la contention

En 2022, et malgré les recommandations nationales et internationales, 37 % des patients hospitalisés sans leur consentement en psychiatrie ont été soumis à l’isolement et 11 % à la contention mécanique. Bien que stables par rapport à l’année précédente, ces chiffres révèlent des réalités préoccupantes. Voir l’article Irdes « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre ». Un constat alarmant L’enquête de l’Irdes confirme que l’évolution du cadre réglementaire relatif à l’isolement et à la contention doit être complétée d’actions résolues des pouvoirs publics pour réduire ces pratiques. Il faut adapter le cadre de soin, parfois l’environnement bâtimentaire, pour limiter le recours à l’isolement et à la contention qui, c’est établi, majorent le risque de réhospitalisation complète. L’étude souligne d’importantes disparités territoriales et entre établissements. Elle met en évidence le besoin d’harmoniser les pratiques à travers une politique de santé mentale cohérente et respectueuse des droits des patients. Dans le même temps, une pression croissante s’exerce sur les structures (publiques plus particulièrement) pour répondre rapidement aux demandes d’hospitalisation sous contrainte et d’accueil de patients détenus. Ces situations d’urgence entraînent des retards de prises en charge programmées, des prolongations de traitements ou même des transferts de patients vers d’autres établissements, soulignant les dilemmes professionnels et éthiques auxquels le personnel est confronté. Les causes profondes Le recours à l’isolement et à la contention dans les établissements français révèle des disparités préoccupantes. Ces variations s’expliquent non seulement par les différences de moyens humains et architecturaux, mais aussi par une hétérogénéité dans la formation du personnel et dans la culture de prise en charge des épisodes aigus et des crises. Ce constat appelle une réponse systémique, intégrant la formation, le soutien au personnel et une réflexion sur l’environnement thérapeutique. Vers des solutions concrètes 1. Formation continue : un renforcement des compétences du personnel soignant dans la gestion non coercitive des crises est impératif. Des ateliers, basés sur des échanges de bonnes pratiques aux niveaux national et européen, pourraient être une source d’inspiration. 2. Amélioration des conditions de travail : assurer des effectifs suffisants et une organisation du travail favorisant une prise en charge respectueuse et individualisée des patients. 3. Développement d’alternatives : investir dans des dispositifs innovants et moins restrictifs, tels que les chambres d’apaisement, qui ont fait leurs preuves dans des pays comme le Danemark. 4. Suivi et transparence : établir un suivi rigoureux de l’usage de l’isolement et de la contention, avec un objectif explicite de réduction au niveau institutionnel comme dans chaque unité, tout en garantissant une communication transparente sur les données collectées. Le SYNCASS-CFDT défend une psychiatrie respectueuse et humaine, où l’isolement et la contention répondent à des situations exceptionnelles. L’expérience d’autres pays européens montre que le changement est possible. Les services psychiatriques doivent donc adapter leurs infrastructures pour répondre aux besoins diversifiés de tous les patients, des jeunes enfants aux adultes en passant par les malades chroniques âgés stabilisés de 70 ans et plus. Mais avec quels moyens ? La diversité de populations accueillies nécessite des espaces distincts, conçus pour garantir une prise en charge adaptée et sécurisée. L’investissement dans des aménagements d’espaces d’apaisement, en substitution aux chambres d’isolement, requiert un suivi des prescriptions (pour ne pas substituer une camisole à une autre), mais également des espaces de vie, de rétablissement et des espaces extérieurs adaptés pour réduire l’agressivité et favoriser le bien-être des patients. Focus sur l’offre publique Contrairement aux cliniques privées, les hôpitaux publics n’ont pas la latitude de « choisir » leurs patients ; ils sont tenus d’accueillir toute personne ayant besoin de soins, à toute heure, ce qui inclut souvent des cas complexes transférés des établissements privés. Événements festifs, rassemblements et saisonnalité dans les flux de patients sont peu analysés dans l’offre de soins et sa capacité de réponse. Cette réalité souligne la nécessité d’un soutien et d’un financement accrus pour les services publics, afin qu’ils puissent répondre efficacement à cette mission sans compromettre la qualité des soins, ni la sécurité des patients et du personnel. Investir dans des infrastructures modernes et bien pensées est donc non seulement un impératif éthique mais aussi une nécessité pratique. De telles améliorations permettraient de mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe de patients, de réduire les tensions et d’améliorer l’efficacité des traitements, tout en soutenant l’objectif partagé de réduire autant que possible l’usage de pratiques cœrcitives. C’est aussi l’aspiration profonde des professionnels du secteur. Face à ces enjeux, les réflexions collectives se multiplient, impliquant tous les acteurs, les fédérations, l’association des établissements du service public de santé mentale (AdESM), les associations de proches et d’usagers du secteur de la santé mentale. La dimension de démocratie sanitaire en région est importante pour définir les priorités d’investissement et concevoir des solutions durables et respectueuses des droits et de la dignité de tous les patients.

Évolution
Transformer le système et résorber les inégalités territoriales

La réforme du financement de la psychiatrie en France, initiée en 2022, s’articule autour d’un objectif ambitieux : harmoniser la répartition des financements à l’échelle nationale et régionale pour plus d’équité. Les régions historiquement mieux dotées (au regard d’une modélisation euros par habitant) se préparent à une croissance ralentie de leurs budgets annuels, laissant entrevoir un rééquilibrage en faveur des régions jusqu’alors sous-­financées. Cette dynamique vise à contrer les disparités territoriales persistantes en matière de santé mentale. L’ancien système était basé sur une dotation annuelle de financement (DAF) croissante de manière prévisible mais très modeste, et globalement en déphasage avec les coûts réels d’exploitation. Il est crucial de souligner que, depuis une décennie, l’augmentation budgétaire pour la psychiatrie était inférieure, tant à la croissance générale des dépenses de santé fixées par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) qu’aux coûts intrinsèques de la structure des charges, notamment la masse salariale. Ce déséquilibre a conduit à une érosion des marges budgétaires, pesé sur la politique RH et sur les investissements immobiliers. En effet, ce régime de financement était différent entre les catégories d’établissement : d’une part, les établissements publics de santé (EPS) et la majorité des établissements à but non lucratif étaient financés par le biais d’une enveloppe fermée : la dotation annuelle de financement (DAF), enveloppe fixe avec un taux d’évolution insuffisant, sauf post-COVID au regard de la demande importante en soins ; d’autre part, les cliniques privées à but commercial et une minorité d’établissements à but non lucratif étaient financés par le biais de prix de journée, encadrés par un objectif quantifié national (OQN). Fortement critiqué par la majorité des acteurs (fédérations, syndicats, établissements…), l’ancien modèle de financement est ainsi abandonné, car considéré comme inégalitaire, tant entre les établissements privés lucratifs et les autres qu’entre les régions. Le SYNCASS-CFDT a poussé à ces changements avec pragmatisme et vigilance. La réforme introduit un modèle où l’activité des services de psychiatrie est désormais valorisée, s’inspirant des principes de la tarification à l’activité (T2A). Le budget se scinde désormais entre une part populationnelle – constituant la majorité du financement – basée sur des indicateurs sociodémographiques, et une part variable. Cette dernière, représentant 20 % du total, se répartit en reconnaissant non seulement l’ampleur de la file active, mais également les activités spécifiques des établissements, la qualité des soins, l’engagement dans la recherche, le développement de nouvelles pratiques, les transformations entreprises ainsi que la précision du codage PMSI. L’impact de cette réforme sur les moyens des services de psychiatrie est encore controversé. Les simulations financières ont suscité des réactions contrastées au sein des hôpitaux, révélant une dichotomie entre les établissements qui anticipent une perte de financement et ceux qui tablent sur des ressources supplémentaires. La réforme financière implique un impératif : une évaluation rigoureuse et continue pour assurer une transition juste, viable et propice à l’amélioration des soins dans chaque territoire. La mise en œuvre de la réforme et les évolutions attendues 1. La prise en compte de la qualité : cela indique que la qualité des services de psychiatrie est un critère important dans le modèle de financement. 2. Des compartiments dédiés : – aux activités suprarégionales et aux nouvelles activités (6 %), – à la structuration de la recherche pour soutenir la transformation du secteur (5 % pour les nouvelles activités et 3 % pour la transformation, avec aucune part allouée à la structuration de la recherche en 2023). 3. Un compartiment de financement pour valoriser l’activité des établissements : – incitant aux alternatives à l’hospitalisation temps plein, sans donner un pourcentage spécifique, ce qui suggère une approche flexible pour encourager des soins plus diversifiés et moins centrés sur les hospitalisations. 4. Un compartiment de financement dédié à la réduction proactive des inégalités territoriales : – qui met en relation un besoin de santé et une enveloppe de financement, indiquant une attention particulière à la distribution équitable des ressources selon les besoins régionaux. Les pourcentages indiqués reflètent la pondération des divers compartiments de financement dans le modèle global : IFAQ + qualité du codage : 1,2 %, activités spécifiques : 3 %, transformation : 3 %, nouvelles activités : 0,5 %, dotation file active : environ 15 % en moins, dotation populationnelle : environ 80 %. Une proportion significative (80 %) du financement est basée sur la dotation populationnelle, ce qui conforte l’approche centrée sur la population pour la distribution des ressources, avec un ajustement (15 % en moins) pour la dotation file active, pour rémunérer l’activité réelle des établissements. À l’instar des activités MCO, ce compartiment valorise mieux les séjours de courte durée. En dehors de la dotation populationnelle, les ARS interviennent directement sur trois enveloppes : la dotation d’accompagnement à la transformation, la dotation relative aux nouvelles activités, distribuées sur la base d’appels à projets (AAP) nationaux mais aussi, possiblement à partir de 2024, régionaux, la dotation pour la structuration de la recherche, dont une instruction en date du 30 mars 2023 précise qu’elle est en principe distribuée sur la base d’appels à manifestation d’intérêt (AMI). La première année de la réforme du financement de la psychiatrie, en 2022, a été marquée par une phase de transition centrée sur la stabilisation financière des établissements. Dans le détail, la réforme a garanti la totalité des recettes des établissements basée sur le périmètre de l’année précédente, en y intégrant des ajustements pour des situations exceptionnelles liées aux ressources humaines et à l’inflation. Cela a été conçu pour protéger les institutions des fluctuations imprévisibles tout en mettant en place un nouveau modèle de financement, dit « à blanc », ciblant des initiatives novatrices non préalablement désignées. En matière de répartition des fonds complémentaires, qui s’élèvent à 160 millions d’euros pour la composante C4 (dernière phase de la campagne 2022), la majorité, soit 120 millions d’euros, a été attribuée aux établissements publics. Deux tiers de ces établissements ont bénéficié d’un surplus financier, avec une réception de 82 % des recettes additionnelles qu’ils auraient obtenues en absence de ce nouveau modèle de sécurisation financière. Intéressant à noter, les établissements qui auraient été désavantagés par les nouvelles modalités de financement n’ont pas subi de baisse de recettes, reflétant un effort pour éviter les pertes financières pendant la transition. Le

État des lieux
L’actualité du trimestre

Ce nouvel été était annoncé comme tendu pour les secteurs du sanitaire et du médico-social. Les établissements ont « tenu le choc » mais ils restent financièrement fragilisés et en déficit prononcé de professionnels. Suite à de nouveaux rapports et constats alarmants, le gouvernement a fait une batterie d’annonces : réforme du financement de l’hôpital, revalorisation des sujétions, aide financière d’urgence aux EHPAD en difficulté et examen de la loi Bien vieillir à la rentrée. Ces annonces ne sont pas à la hauteur des besoins et la méthode est mauvaise : elle n’intègre pas de temps de concertation avec les partenaires sociaux et elle sème le trouble voire génère des divisions lorsque les mesures manquent de clarté et de précision sur leur périmètre. Face à ces constats et à l’occasion de cette rentrée porteuse d’attentes mais aussi d’inquiétudes, le SYNCASS-CFDT rappelle ses revendications concernant les deux grandes thématiques qui marquent les conditions d’exercice des directeurs : la viabilité financière des établissements et leur attractivité. La viabilité financière des établissements La pression sur l’Ondam hospitalier a des effets délétères sur les missions de service public. Le décrochage organisé entre les ressources et les coûts est un facteur puissant de tensions internes. Il est anormal que le dialogue de gestion interne capte autant d’énergie pour conduire des plans d’économie, le plus souvent irréalistes. En juillet, la Cour des comptes a publié un rapport concernant la tarification à l’activité qui alerte sur le creusement des écarts entre les coûts moyens et les tarifs, ayant une incidence sur l’organisation des soins et la répartition des spécialités entre les établissements publics et privés commerciaux. La Cour des comptes préconise des tarifs « construits de manière lisible [et d’]assurer la couverture des coûts moyens et s’approcher davantage de la neutralité tarifaire ». Dans ce contexte, une réforme du financement est portée dans le PLFSS 2024, avec un système de financement mixte du secteur MCO, intégrant en sus de la tarification à l’activité des dotations socles pour assurer les objectifs de santé publique et un système forfaitaire pour certaines activités, notamment les soins critiques. Pour le SYNCASS-CFDT, un mode de financement approprié peut contribuer à l’amélioration des conditions d’exercice de tous et à l’attractivité de l’hôpital. Il ne peut faire l’économie d’un Ondam au bon niveau qui doit procéder à un rééquilibrage significatif vers le service public hospitalier. Ce rattrapage ne doit pas se limiter à supporter les conséquences directes de la crise sanitaire et du Ségur de la santé, mais doit redonner des marges de manœuvre aux acteurs et intégrer l’évolution des charges réelles. La déconnexion entre les tarifs et les charges réelles, auxquelles s’ajoute souvent l’impact de la démographie médicale ou parfois d’une spécificité géographique, induit des dépenses ou des surcoûts particuliers. Il est inconcevable que des établissements demeurent durablement sous perfusion régionale ou nationale, ce qui rend leur gestion insoutenable pour les acteurs, dont les directions. Ces situations doivent être objectivées et traitées sur la base du service rendu par les établissements sur leur territoire. Le service public mérite d’être financé comme tel, dans ses éléments constitutifs que sont la continuité et la permanence des soins, mais aussi les infrastructures liées à l’accessibilité, et les missions, dont l’enseignement, la recherche et l’innovation. La continuité, notamment territoriale, est à assurer indépendamment du niveau d’activité, qui ne peut seul répondre à cette obligation. Si la situation des EPS s’est dégradée, celle des établissements médico-sociaux s’est profondément altérée. Le secteur manque d’une vision stratégique à long terme : rapports laissés sans suite, loi Bien vieillir reportée, abandon de l’ambition d’une loi grand âge. Le rapport Pirès-Beaune, le dernier en date d’une longue liste, appelle à une « action globale », au risque de voir « toute baisse du reste charge vouée à l’échec ». Il invite à la création d’une « instance chargée d’analyser les difficultés des structures et d’y apporter une solution » ; recommande la fusion des sections soins et dépendance, qui conduit à revoir la gouvernance ; préconise l’établissement de « tarifs socles nationaux, susceptibles d’évoluer dans les territoires selon les différences de coûts effectifs de production du service » ; enfin, le rapport prône la fusion de l’APA et de l’ASH et le déploiement, en remplacement, d’une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (AUSAE) qui tienne compte des facultés contributives de chacun. À l’issue de la remise de ce rapport, la reprogrammation de la loi Bien vieillir et des mesures d’urgence ont été annoncées (100 millions), mais bien insuffisantes. Comme le notait le SYNCASS-CDFT dans sa déclaration liminaire du 12 septembre 2023, c’est surtout une refonte complète des mécanismes de financement des EHPAD qui est nécessaire. Le SYNCASS-CFDT sera attentif aux travaux conduits par la DGCS sur le financement, la gouvernance et la régulation des EHPAD, et à leur traduction dans le PLFSS. Le PLFSS 2024 n’est pas à la hauteur des besoins du médico-social. Il espère également que les propositions du rapport Pirès-Beaune ne subiront pas le même sort que celles des précédents rapports déjà remis. Le  PLFSS, en laissant un droit d’option aux départements sur la fusion des sections soins et dépendance, exprime une ligne politique incertaine et donne des gages aux départements les plus réticents à toute évolution. Le SYNCASS-CFDT réclame la mise en cohérence des différentes réformes tarifaires engagées sur l’ensemble du secteur social et médico-social. La désynchronisation dans le traitement des sujets met en difficulté les directeurs et les gestionnaires de structures relevant de différents champs, y compris sanitaire. Les logiques de convergence ne doivent pas privilégier l’objectif de stabiliser les financements, elles s’inscrire dans une perspective de recherche de qualité, de sécurité et de bientraitance, en veillant à ne pas niveler vers le bas. Les travaux de l’ATIH dans la mise en œuvre d’une échelle nationale des coûts pour le secteur médico-social peuvent y contribuer. Il appartient au décideur public de se saisir des éléments mis en lumière par les campagnes « Tableaux de bord-ESMS ». L’amélioration de la sécurité et de la qualité nécessite d’être assurée par la définition et le financement des effectifs requis de personnel dans les EPRD