Introduction
Enjeux et actions

Au printemps, une vague #MeTooHopital a mis en lumière l’expression sans précédent de victimes de violences sexistes et sexuelles dans nos secteurs professionnels. Avant l’été, le gouvernement a lancé un groupe de travail avec les associations et partenaires sociaux auquel le SYNCASS-CFDT a participé au titre de la CFDT Santé-Sociaux. Syndicat féministe et engagé sur ce thème depuis plus de cinquante ans, la CFDT continue de promouvoir activement l’égalité professionnelle et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Ce dossier présente des initiatives en œuvre dans notre secteur. Le SYNCASS-CFDT a recueilli les témoignages de directeurs impliqués dans la lutte contre les VSS et pour l’égalité professionnelle dans les établissements – Cédric COUTRON, référent égalité professionnelle au CNG, Guillaume COUVREUR, directeur des ressources humaines au CH de Roubaix, Albane TRIHAN, directrice en charge de l’égalité professionnelle pour l’AP-HP – et de trois lauréates du programme Talentueuses : Sandrine DELAGE, Fanny GAUDIN et Marion ROSENAU BRUNEAU.

Entretien
Guillaume COUVREUR

Guillaume COUVREUR DRH du centre hospitalier de Roubaix Le CH de Roubaix a été récompensé récemment par plusieurs prix (MGEN, GMF et MNH) pour son projet de lutte contre les violences intrafamiliales. Peux-tu nous dire quelle est la genèse de ce projet ? Le CH s’est engagé à partir de 2022 sur le repérage et la lutte contre les violences faites aux femmes (VFF) dont pourraient souffrir nos patientes, avec un focus sur les secteurs de la maternité, des urgences adultes et de la pédiatrie. Cet engagement nous a fait réfléchir sur le fait que nous montions des projets pour les patientes et non pour les agents. Les études estiment à une sur dix le nombre de femmes victimes de violences intrafamiliales (VIF) au cours de leur vie. Nous nous sommes dit que l’employeur avait une responsabilité et un rôle à jouer, surtout à l’hôpital où 75 % des salariés sont des femmes. Nous avons alors lancé un groupe de travail sur un projet piloté par le DRH et une médecin urgentiste qui a rédigé un mémoire universitaire sur le rôle de l’employeur dans l’accompagnement des VIF. Le groupe s’est nommé Daphné, en hommage à la nymphe de la mythologie grecque, harcelée par Apollon et qui demande à être métamorphosée en laurier pour lui échapper. Le groupe, composé de professionnels issus de secteurs et de métiers différents  – psychologue, DRH, médecins, service de santé au travail, organisations syndicales, cadres, service social – s’est réuni en septembre 2023. L’objectif de Daphné était de fournir un livrable fin décembre 2023. Ce livrable présentait une déclinaison de différentes actions autour de trois axes : Communiquer : diffusion de supports (« violentomètre » et cycle des violences, triptyque d’information, affiches…), réunions d’encadrement et martèlement du message autour du paradigme de « safe zone ». Repérer : formation de près de 600 agents et transformation du groupe de travail Daphné en un réseau de référents qui sont autant de portes d’entrée du dispositif. Accompagner : kits logistiques d’urgence, solution d’hébergement, possibilité de consultations sur le temps de travail, ouverture du fond du temps solidaire aux victimes de VIF, mise en réseau avec les associations du territoire. Combien de femmes salariées de l’établissement ont pu se faire accompagner ? Quel pourcentage cela représente-t-il par rapport au nombre d’employées ? Des hommes ont-ils été concernés ? L’établissement compte environ 2 800 femmes salariées, ce qui représente 280 victimes potentielles si nous tenons compte des moyennes des études. Jusqu’à présent, le CH a accompagné 15 femmes en six mois, soit autant en un semestre que pendant les dix années précédentes. Ces femmes sont des personnels médicaux et non médicaux. Aucun homme n’a été concerné à ce jour. Ce projet a-t-il eu un retentissement plus important que prévu ? A-t-il eu des effets en matière de prise de conscience ? Oui, un retentissement beaucoup plus important que prévu : nous avons multiplié par vingt le ratio de femmes salariées victimes de VIF accompagnées. C’est la preuve qu’il y a un besoin et que l’implication de l’employeur en matière de VIF est salvatrice. Les formations ont entraîné une sensibilisation des agents et ont permis le repérage de situations de victimes de VIF mais aussi de VSST. Cette sensibilisation a libéré la parole de femmes victimes et, en même temps, a permis à des professionnels d’oser en parler avec des collègues qui ont alors été encouragées et soutenues pour se faire aider. Le message autour de la « safe zone » a été compris et assimilé par les équipes. Cela a entrainé un véritable changement de paradigme, y compris dans la culture managériale. La culture qui prévalait auparavant était : quand tu enfiles ta blouse, le privé ne doit pas interférer. Les résistances étaient notamment exprimées de la part de certains encadrants mais il n’y a pas eu d’appel d’air constaté vers d’autres sujets d’ordre privé. Pour une meilleure sensibilisation de tous, nous avons constitué un réseau de référents qui peut s’appuyer sur l’ensemble des agents formés (près de 600), qui sont autant de vigies susceptibles d’alerter. De plus, au niveau du service de santé au travail, nous avons systématisé lors de la visite périodique une série de questions autour des VIF. Les études montrent que les victimes sont prêtes à en parler dès lors que la question leur est posée. En fonction de la réponse ou de la réaction, le médecin peut utiliser un arbre décisionnel, accompagner et orienter la victime. Le groupe de travail Daphné devait s’arrêter en janvier 2024. La dynamique créée a dépassé cette limite et les membres du groupe sont devenus des référents qui ont signé une charte de confidentialité et sont autant de portes d’entrée pour toute victime de VIF, qui peut ainsi saisir le référent avec lequel elle est le plus à l’aise. Quels ont été les freins et les réussites ? Y a-t-il eu des ajustements nécessaires ? Le dispositif doit-il évoluer et si oui, comment ? La culture managériale a dû évoluer pour accepter que cet aspect de la sphère privée puisse entrer à l’hôpital pour un soutien effectif de l’employeur. Dans la lutte contre les violences intrafamiliales, le logement est un problème important pour la mise à l’abri de la victime en urgence. Le CH dispose d’un parc de logements dont l’un a été mis à disposition pour les salariées victimes. Elles sont ensuite accompagnées, si besoin, par une assistante sociale pour un logement pérenne. Le combat contre les VIF sera remporté si nous parvenons à diffuser le projet Daphné et que celui-ci soit partagé par d’autres structures : pouvons-nous avoir l’ambition raisonnable de faire de tous les établissements publics de santé des « safe zone » pour les victimes de VIF ? Les victimes de VSST bénéficient-elles du même accompagnement ou les dispositifs sont-ils distincts, et si tel est le cas, pour quelles raisons ? Les dispositifs sont distincts. Des dispositifs antérieurs existaient sur la détection et l’accompagnement des VSST. Le dispositif de déclaration d’événement indésirable prévoit, en cas d’événement type « harcèlement » ou « VSST », le déclenchement sous 48 heures d’une réunion du comité des risques psychosociaux pour analyser la déclaration et déclencher si nécessaire une enquête administrative rapide. Cela étant, les projets

Entretien
Albane TRIHAN

Albane TRIHAN Directrice en charge de l’égalité professionnelle à l’AP-HP En quoi consiste ton rôle de directrice égalité professionnelle à l’AP-HP ? As-tu constitué un réseau de référents ? Si oui, comment animes-tu ce réseau ? Au sein du département Santé, qualité de vie et conditions de travail (DSQVCT), la directrice en charge de l’égalité professionnelle veille à la mise en œuvre du plan d’action AP-HP 2023-2025. Elle anime par ailleurs le comité de suivi du plan composé des référents des six groupes hospitalo-universitaires (GHU), des pôles d’intérêts communs et des hôpitaux de l’AP-HP hors GHU. Nous avons également souhaité associer les organisations syndicales représentatives à ce comité de suivi du plan, la référente QVCT de l’ARS ainsi qu’une représentante de Donner des ELLES à la santé, association avec laquelle nous avons signé la charte d’engagement « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », soit 40 membres invités qui se réunissent régulièrement, à raison de quatre fois par an. L’animation du comité est très interactive : il y a toujours, certes, une partie « actualité de l’égalité professionnelle » où les différents professionnels de l’institution en charge d’une action « égalité professionnelle » viennent présenter l’avancée du projet ; il y a également la présentation par les référents des GHU/pôle d’intérêt commun (PIC)/hôpitaux d’une « action réussite », qui est reproductible, a priori, et qui permet aux autres référents de s’en saisir et de la mettre en œuvre à l’échelle de son GHU. Enfin, il y a systématiquement un atelier Post-it pour résoudre un problème sur lequel nous butons collectivement. La dernière fois, il s’agissait de répondre à la question : comment faire mieux connaître les actions entreprises en matière d’égalité professionnelle ? Le premier protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique date de 2013. L’AP-HP s’en est-elle saisi immédiatement ? Quelles sont les évolutions majeures depuis 10 ans à l’AP-HP ? L’AP-HP a proposé aux organisations syndicales, pour avis en comité social d’établissement (CSE), une première feuille de route « égalité professionnelle » en 2021, à la suite du protocole d’accord de 2018, sous l’impulsion de la directrice de cabinet de l’époque ; mais c’est réellement en septembre 2022 que l’institution s’est saisie de ce sujet en créant, au sein de la DRH AP-HP, une mission « Qualité de vie et conditions de travail » dans laquelle j’ai pris mes fonctions de directrice en charge de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’arrivée d’un nouveau directeur général a définitivement ancré le sujet de l’égalité professionnelle comme une priorité institutionnelle. Au-delà de la structuration de la démarche de l’égalité professionnelle (plan, référents, comitologie), faire de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes une priorité institutionnelle repose sur une prise de conscience collective : notre institution doit s’adapter à la majorité d’entre nous et non l’inverse. Or, l’AP-HP, comme tous les hôpitaux, emploie 75 % de femmes ! Depuis un an, nous multiplions les sensibilisations et les formations pour acculturer l’ensemble des professionnels à l’égalité professionnelle, et plus spécifiquement les manageurs, pour une meilleure prise en compte de l’articulation vie professionnelle/vie personnelle ou encore pour les sensibiliser à la prévention et au traitement des violences sexistes et sexuelles. Sur ce dernier point, nous sommes lauréats du Fonds pour l’égalité professionnelle 2024 pour l’expérimentation d’une formation basée sur l’intelligence artificielle afin de doter les professionnels de stratégies pour réagir aux comportements inappropriés dont elles/ils pourraient être victimes ou témoins. Nous organisons également des événements et des manifestations, dont le dernier en date est la signature, par le directeur général, le président de la CME et le doyen, de la charte de l’association Donner des ELLES à la santé. Nous encourageons les femmes à prendre de plus hautes responsabilités et nous soutenons celles qui veulent se lancer grâce à des formations en management et du coaching. Pour nous, l’égalité professionnelle nécessite un changement de modèle et de culture qui nous amène à innover en matière de management. Plus globalement, l’égalité professionnelle doit être l’affaire de tous, des femmes certes mais également des hommes, et ce au bénéfice de tous ! A contrario, quelles sont les actions qui rencontrent le plus de difficultés et pourquoi ? Malgré la loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 qui oblige les hôpitaux à tendre vers la parité dans les nominations des femmes médecins aux postes à plus grandes responsabilités, nous butons actuellement sur l’accès des femmes médecins aux postes de chefferie de service et de pôle. Pour avancer, nous mettons en place dès septembre un groupe de travail composé des présidentes et présidents de CME centrales et locales, le doyen, les directions des GHU, le président de la commission CME « Carrière et formation »… afin de partager l’objectif des 50 % de femmes médecins primo-nommées et la méthode pour y parvenir. L’axe 3 du plan de l’AP-HP « Promouvoir l’évolution de carrière des femmes aux postes d’encadrement supérieur ou à responsabilité » concerne essentiellement les femmes médecins. Y a-t-il une volonté qu’il se traduise pour les équipes de direction ? Quelle est la proportionnalité femmes/hommes des postes fonctionnels ou AEF à l’AP-HP ? Existe-t-il des statistiques permettant une cartographie des types de postes occupés par les hommes et les femmes ? À l’AP-HP, nous satisfaisons à la loi du 19 juillet 2023 pour les emplois de direction, avec une parité entre les femmes et les hommes des emplois fonctionnels des DH et D3S. C’est pour cette raison que nous n’avons pas d’action spécifique pour les équipes de direction. Au top management, nous avons un directeur général, trois directrices générales adjointes et une directrice de cabinet ; et trois femmes sur six à la tête des groupements ­hospitalo-universitaires, par exemple. Concernant la lutte contre les VSST, l’AP-HP a mis en place un dispositif central de recueil et de traitement des signalements. Dans le plan, il était prévu d’ouvrir les dispositifs d’accompagnement des femmes victimes de violence aux professionnelles (partenariat avec les maisons des femmes, logement, numéro unique). À quel stade en sont ces projets ? Combien de professionnelles ont signalé, ont été accompagnées et comment ? Quels ont été les freins et les réussites ? En écrivant le plan début 2023, il est apparu important de

Entretien
Cédric COUTRON

Cédric COUTRON Référent égalité femmes-hommes au CNG Pouvez-vous nous présenter votre rôle de référent égalité femmes-hommes au CNG ? J’ai été nommé référent égalité femmes-hommes pour l’ensemble des corps gérés par le CNG (praticiens hospitaliers, personnels enseignants et hospitaliers, directeurs d’hôpital, directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social et directeurs des soins) à compter de juillet 2023. La nouvelle directrice générale du CNG a en effet voulu intensifier notre mobilisation sur ce sujet. Cela s’inscrit dans un contexte de volonté générale de changement, avec la signature de la charte de l’association « Donner des ELLES à la santé » et la promulgation de la loi n° 2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Je pilote un plan d’actions qui a pour but d’objectiver et de progressivement faire diminuer les inégalités entre les femmes et les hommes, en particulier sur la question de l’accès aux responsabilités, mais également de lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Je peux être contacté en première intention par les personnes qui sont victimes de VSS pour les orienter, en fonction de la situation et de ce qu’elles souhaitent faire, dans les démarches qu’elles pourraient lancer. En quelle année a été lancé le dispositif « PasSansElles » ? Pouvez-vous nous en expliquer le principe et faire un premier bilan de ses résultats ? PasSansElles est un dispositif de « marrainage » lancé en 2023 par le CNG. Il est destiné à des directrices qui sont très proches d’accéder à une chefferie de groupe I ou à une direction générale de CHU, après plusieurs candidatures déjà émises. Ces directrices sont accompagnées par des directrices générales de CHU expérimentées en poste mais n’ayant pas d’enjeu de carrière, ou qui ont quitté cette fonction. Sept binômes ont ainsi été constitués et l’objectif était que chacun puisse régulièrement faire le point, notamment que la marraine aide à préparer les entretiens de recrutement. Une réunion de retour d’expérience a été organisée et autant les marraines que les filleules ont été très satisfaites de ces temps d’échanges. Trois directrices sur sept ont connu depuis une issue favorable dans leurs démarches professionnelles. L’objectif est de relancer le dispositif fin 2024-début 2025. Bien que les short-lists des instances collégiales respectent la parité, le nombre de femmes occupant des postes de chefferie DH reste largement inférieur à leur proportion au sein du corps : 26,9 % des emplois supérieurs DH sont occupés par des femmes alors qu’elles représentent 51,8 % du corps (selon les statistiques du CNG au 1er janvier 2023). Quelles actions de sensibilisation aux biais de recrutement le CNG prévoit-il pour les recruteurs (ARS, présidents de conseil de surveillance) ? Nous avons tous un rôle actif à jouer en la matière. Le CNG agit à plusieurs niveaux. D’abord susciter et encourager les candidatures féminines, qui sont encore trop peu nombreuses, comparées aux candidatures masculines. Le CNG élabore en effet, autant que faire se peut, des listes courtes paritaires et retient, le cas échéant, les candidatures féminines sur plusieurs postes lors d’un même tour de recrutement, ce qu’il ne fait pas pour les candidatures masculines en dehors de certaines situations particulières. Enfin, l’accompagnement proposé par le programme Talentueuses peut aider en ce sens les femmes à comprendre leurs freins et à les lever. Nous voulons également travailler avec les recruteurs (ARS-PCS) sur les représentations et les biais de recrutement : chacun d’entre nous peut avoir des biais cognitifs qui l’influencent dans son activité professionnelle, notamment dans le recrutement ; pour autant, en prenant conscience de ces biais, il est possible d’y être davantage vigilant. Le CNG a ainsi mis en place des sessions de sensibilisation à ces biais assurées par le groupe Egae1, qui permettent d’informer les autorités de recrutement, et autorités dont l’avis est requis, sur les différents types de discrimination (au-delà des discriminations liées au sexe ou à l’identité de genre) et les biais cognitifs fréquents. Ce sont des sessions non culpabilisantes car, encore une fois, chacun d’entre nous peut, sans le vouloir, discriminer ou avoir des biais cognitifs. Ces formations sont cofinancés par le Fonds en faveur de l’égalité professionnelle (FEP) en 2024. Elles sont proposées également aux PCME, acteurs du recrutement médical et de la désignation des responsables de service et de pôle. Quels sont, selon vous, les principaux freins à l’accès des femmes aux emplois supérieurs ? Je pense qu’il s’agit d’une problématique complexe, qui prend ses racines dans notre culture, dans la manière dont la société fonctionne en général et dans les représentations que nous avons, aussi bien des hommes que des femmes. Ces représentations sont d’ailleurs bien ancrées et cela nécessite un véritable travail pour les dépasser. Et les femmes intègrent parfois elles-mêmes ces représentations sur les femmes, croyant qu’elles ne sont pas faites pour accéder à des responsabilités supérieures, encore souvent perçues dans notre société comme une « affaire d’hommes ». Tout l’enjeu est donc d’arriver à faire oser les femmes, à leur donner confiance en elles, à les convaincre qu’elles sont évidemment tout aussi compétentes que les hommes pour diriger des établissements, des pôles d’activités, des services de soins, etc. Permettre aux femmes de dépasser ces freins fait également appel à des changements culturels au sein de la famille, avec davantage de partage des tâches, rendant la prise de fonctions supérieures possible ainsi que des changements culturels dans la perception que peuvent avoir les recruteurs ou les équipes vis-à-vis de candidatures féminines. Le programme Talentueuses, qui accompagne en inter-fonctions publiques des femmes qui souhaitent accéder à des responsabilités supérieures, est justement une réponse à ces différents freins, internes ou externes, que peuvent ressentir nos directrices. Le CNG vient de publier les résultats d’une enquête nationale après des directeurs titulaires de la FPH. Cinquante-neuf pour cent des directeurs sont soit intéressés par une chefferie ou un emploi supérieur, soit y ont déjà accédé : les hommes se déclarent plus intéressés (69,5 %) que les femmes (52 %). L’enquête révèle aussi de forts écarts de perception entre les femmes et les hommes sur divers aspects professionnels : les hommes pensent beaucoup moins que les femmes que le leadership puisse être différemment perçu selon

Entretien
Trois lauréates «Talentueuses»

Le parcours Talentueuses est destiné aux femmes ayant construit un parcours professionnel leur permettant de prétendre dans un avenir proche à des postes fonctionnels de direction dans la fonction publique. Pour la fonction publique hospitalière, le programme s’adresse à des femmes directrices d’hôpital qui ambitionnent d’accéder dans les 6 à 18 mois à une chefferie d’établissement ou un emploi fonctionnel (cheffe ou adjointe). La formation offre  : de développer leur connaissance de soi (forces/faiblesses, intelligence émotionnelle, finalités personnelles) ; de travailler leur marque personnelle (assertivité, image, visibilité) ; de booster leur leadership (comprendre l’autre, dynamique d’équipe, style de management/leadership, management situationnel) ; de bâtir un plan de développement personnel (objectifs déclinés en actions) ; de faire partie intégrante d’un collectif féminin de soutien et d’émulation. Le SYNCASS-CFDT a demandé à trois lauréates de la session 2023-2024 de partager leur expérience : Sandrine DELAGE, directrice du CH Erdre-et-Loire, à Ancenis, Fanny GAUDIN, déléguée générale du GCS Hôpitaux universitaires du Grand Ouest (HUGO), et Marion ROSENAU BRUNEAU, directrice adjointe au CHU de Nancy. Sandrine DELAGE Directrice du CH Erdre-et-Loire Ancenis Fanny GAUDIN Déléguée générale du GCS hôpitaux universitaires du Grand Ouest (HUGO) Marion ROSENAU BRUNEAU Directrice adjointe au CHU de Nancy Vous faites partie des directrices de la FPH sélectionnées pour participer au programme Talentueuses. Quels sont vos parcours depuis que vous êtes sorties de l’EHESP ? Sandrine DELAGE – Je suis issue de la 33e promotion, et j’ai exercé différentes fonctions de directrice adjointe dans trois CHU, à Reims, Rennes et Nantes. J’ai alterné des directions fonctionnelles et des directions de site en prise directe avec le management de pôles d’activités cliniques et la gestion de projets complexes, comme la restructuration/construction de bâtiment hospitalier. En 2017, je suis devenue cheffe d’établissement et je dirige le centre hospitalier Erdre-et-Loire, à Ancenis, en Loire-Atlantique. Fanny GAUDIN – J’ai eu la chance de connaître un parcours diversifié, tant sur le plan fonctionnel que géographique et au sein d’établissements de tailles très différentes. J’ai commencé en 2008 en tant que directrice des achats, système d’information et travaux au CH de Bayeux, en prolongement de mon stage long d’EDH. J’ai eu ensuite l’envie d’une expérience en outre-mer. J’ai pris un poste de directrice des affaires générales et financières/SI au centre hospitalier de Mayotte, où je suis restée deux ans et demi. Cette expérience inédite s’est révélée très formatrice, le CHM étant le seul opérateur de santé de l’île, nous conduisant à construire et développer l’offre de santé et médico-sociale, en lien étroit avec la délégation départementale de l’ARS. J’ai ensuite découvert l’environnement des CHU en exerçant en tant qu’adjointe au DRH au CHU de Brest, puis DRH et directrice déléguée de pôle. En 2019, souhaitant toujours évoluer dans la découverte hospitalière, j’ai eu l’opportunité de prendre la direction de la recherche et de l’innovation. J’ai également réalisé l’intérim du DGA durant la période Covid. La découverte de l’écosystème de la recherche et de l’innovation m’a assez naturellement conduite au GCS Hôpitaux universitaires du Grand Ouest (HUGO), où j’exerce en tant que déléguée générale depuis mars 2022. Marion ROSENAU BRUNEAU – J’ai commencé par un poste aux affaires générales aux hôpitaux civils de Colmar (68) auprès de Christine Fiat, établissement qui a été mon terrain de stage. J’ai ensuite muté vers le CHR de Metz-Thionville et le CH de Briey (57) sur un poste de directrice logistique achats et hôtellerie avec, comme projet phare, le déménagement et l’ouverture du nouvel hôpital de Mercy à l’été 2012. Nous avons ensuite avec mon conjoint (également DH) muté en Bretagne où j’ai poursuivi ma carrière durant trois ans au centre hospitalier intercommunal de Cornouaille (29) comme directrice des ressources matérielles, en élargissant le spectre de mes compétences aux travaux, à la sécurité et au biomédical, tout en étant administratrice du GCS Blanchisserie de Cornouaille. Suite à une proposition de poste de Bernard DUPONT, DG du CHU de Nancy (54), nous sommes retournés en Lorraine, à Nancy, où j’ai encore exercé trois ans sur le même périmètre (mais dans un CHU et avec de nombreuses réorganisations liées au plan de refondation). J’ai pris la responsabilité de deux centres hospitaliers en direction commune (Pont-à-Mousson et Pompey et Lay-Saint-Christophe) à compter d’avril 2019. Durant 9 mois en 2023, j’ai en plus assumé l’intérim du centre psychothérapique de Nancy et du CH de Ravenel à Mirecourt, dans les Vosges (88), consolidant mon expérience de directrice d’hôpital et de management. Je viens de quitter mon poste de directrice déléguée de deux centres hospitaliers pour rejoindre l’agence régionale de santé Grand Est comme secrétaire générale. Quelles ont été vos principales motivations pour présenter vos candidatures à Talentueuses ? Sandrine DELAGE – Aux deux tiers de ma carrière, j’avais envie d’une formation structurante pour aborder une nouvelle phase, à la fois pour valoriser mon expérience et ouvrir de nouvelles perspectives. Une formation axée sur le service public et ouverte aux différentes fonctions publiques me semblait appropriée. Quant à la notion de soutien aux carrières féminines, je ne savais pas quelle forme cela prendrait, et j’étais curieuse de ce qui allait être proposé ! Fanny GAUDIN – Je n’avais pas connaissance du dispositif avant que Marie-Noëlle GERAIN BREUZARD, avec qui j’ai travaillé dans le cadre d’HUGO, ne m’en parle. Elle savait que j’avais initié une réflexion sur mon parcours professionnel et que cet accompagnement pouvait m’aider à projeter le champ des possibles pour la suite. J’ai fait confiance au CNG, je l’ai vu comme une opportunité pour cheminer dans ma réflexion. Sans nier la différence homme-femme dans nos fonctions, je n’ai jamais eu à connaître de différences de traitement, ce n’était pas un sujet pour moi. Pour autant, l’autocensure, la question de légitimité, ce fameux syndrome de l’imposteur ont pu limiter mes projections. Nous avons tendance à prendre pour des échecs le fait de ne pas être retenues lorsque nous candidatons. Il faut accepter de candidater sans succès immédiat, sans attendre non plus de répondre strictement à toutes les attentes formalisées sur une fiche de poste ! Marion ROSENAU BRUNEAU – Après la formation d’Hôpital Plus en 2018-2019 et

Pratiques
Réduire l’isolement et la contention

En 2022, et malgré les recommandations nationales et internationales, 37 % des patients hospitalisés sans leur consentement en psychiatrie ont été soumis à l’isolement et 11 % à la contention mécanique. Bien que stables par rapport à l’année précédente, ces chiffres révèlent des réalités préoccupantes. Voir l’article Irdes « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre ». Un constat alarmant L’enquête de l’Irdes confirme que l’évolution du cadre réglementaire relatif à l’isolement et à la contention doit être complétée d’actions résolues des pouvoirs publics pour réduire ces pratiques. Il faut adapter le cadre de soin, parfois l’environnement bâtimentaire, pour limiter le recours à l’isolement et à la contention qui, c’est établi, majorent le risque de réhospitalisation complète. L’étude souligne d’importantes disparités territoriales et entre établissements. Elle met en évidence le besoin d’harmoniser les pratiques à travers une politique de santé mentale cohérente et respectueuse des droits des patients. Dans le même temps, une pression croissante s’exerce sur les structures (publiques plus particulièrement) pour répondre rapidement aux demandes d’hospitalisation sous contrainte et d’accueil de patients détenus. Ces situations d’urgence entraînent des retards de prises en charge programmées, des prolongations de traitements ou même des transferts de patients vers d’autres établissements, soulignant les dilemmes professionnels et éthiques auxquels le personnel est confronté. Les causes profondes Le recours à l’isolement et à la contention dans les établissements français révèle des disparités préoccupantes. Ces variations s’expliquent non seulement par les différences de moyens humains et architecturaux, mais aussi par une hétérogénéité dans la formation du personnel et dans la culture de prise en charge des épisodes aigus et des crises. Ce constat appelle une réponse systémique, intégrant la formation, le soutien au personnel et une réflexion sur l’environnement thérapeutique. Vers des solutions concrètes 1. Formation continue : un renforcement des compétences du personnel soignant dans la gestion non coercitive des crises est impératif. Des ateliers, basés sur des échanges de bonnes pratiques aux niveaux national et européen, pourraient être une source d’inspiration. 2. Amélioration des conditions de travail : assurer des effectifs suffisants et une organisation du travail favorisant une prise en charge respectueuse et individualisée des patients. 3. Développement d’alternatives : investir dans des dispositifs innovants et moins restrictifs, tels que les chambres d’apaisement, qui ont fait leurs preuves dans des pays comme le Danemark. 4. Suivi et transparence : établir un suivi rigoureux de l’usage de l’isolement et de la contention, avec un objectif explicite de réduction au niveau institutionnel comme dans chaque unité, tout en garantissant une communication transparente sur les données collectées. Le SYNCASS-CFDT défend une psychiatrie respectueuse et humaine, où l’isolement et la contention répondent à des situations exceptionnelles. L’expérience d’autres pays européens montre que le changement est possible. Les services psychiatriques doivent donc adapter leurs infrastructures pour répondre aux besoins diversifiés de tous les patients, des jeunes enfants aux adultes en passant par les malades chroniques âgés stabilisés de 70 ans et plus. Mais avec quels moyens ? La diversité de populations accueillies nécessite des espaces distincts, conçus pour garantir une prise en charge adaptée et sécurisée. L’investissement dans des aménagements d’espaces d’apaisement, en substitution aux chambres d’isolement, requiert un suivi des prescriptions (pour ne pas substituer une camisole à une autre), mais également des espaces de vie, de rétablissement et des espaces extérieurs adaptés pour réduire l’agressivité et favoriser le bien-être des patients. Focus sur l’offre publique Contrairement aux cliniques privées, les hôpitaux publics n’ont pas la latitude de « choisir » leurs patients ; ils sont tenus d’accueillir toute personne ayant besoin de soins, à toute heure, ce qui inclut souvent des cas complexes transférés des établissements privés. Événements festifs, rassemblements et saisonnalité dans les flux de patients sont peu analysés dans l’offre de soins et sa capacité de réponse. Cette réalité souligne la nécessité d’un soutien et d’un financement accrus pour les services publics, afin qu’ils puissent répondre efficacement à cette mission sans compromettre la qualité des soins, ni la sécurité des patients et du personnel. Investir dans des infrastructures modernes et bien pensées est donc non seulement un impératif éthique mais aussi une nécessité pratique. De telles améliorations permettraient de mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe de patients, de réduire les tensions et d’améliorer l’efficacité des traitements, tout en soutenant l’objectif partagé de réduire autant que possible l’usage de pratiques cœrcitives. C’est aussi l’aspiration profonde des professionnels du secteur. Face à ces enjeux, les réflexions collectives se multiplient, impliquant tous les acteurs, les fédérations, l’association des établissements du service public de santé mentale (AdESM), les associations de proches et d’usagers du secteur de la santé mentale. La dimension de démocratie sanitaire en région est importante pour définir les priorités d’investissement et concevoir des solutions durables et respectueuses des droits et de la dignité de tous les patients.

Évolution
Transformer le système et résorber les inégalités territoriales

La réforme du financement de la psychiatrie en France, initiée en 2022, s’articule autour d’un objectif ambitieux : harmoniser la répartition des financements à l’échelle nationale et régionale pour plus d’équité. Les régions historiquement mieux dotées (au regard d’une modélisation euros par habitant) se préparent à une croissance ralentie de leurs budgets annuels, laissant entrevoir un rééquilibrage en faveur des régions jusqu’alors sous-­financées. Cette dynamique vise à contrer les disparités territoriales persistantes en matière de santé mentale. L’ancien système était basé sur une dotation annuelle de financement (DAF) croissante de manière prévisible mais très modeste, et globalement en déphasage avec les coûts réels d’exploitation. Il est crucial de souligner que, depuis une décennie, l’augmentation budgétaire pour la psychiatrie était inférieure, tant à la croissance générale des dépenses de santé fixées par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) qu’aux coûts intrinsèques de la structure des charges, notamment la masse salariale. Ce déséquilibre a conduit à une érosion des marges budgétaires, pesé sur la politique RH et sur les investissements immobiliers. En effet, ce régime de financement était différent entre les catégories d’établissement : d’une part, les établissements publics de santé (EPS) et la majorité des établissements à but non lucratif étaient financés par le biais d’une enveloppe fermée : la dotation annuelle de financement (DAF), enveloppe fixe avec un taux d’évolution insuffisant, sauf post-COVID au regard de la demande importante en soins ; d’autre part, les cliniques privées à but commercial et une minorité d’établissements à but non lucratif étaient financés par le biais de prix de journée, encadrés par un objectif quantifié national (OQN). Fortement critiqué par la majorité des acteurs (fédérations, syndicats, établissements…), l’ancien modèle de financement est ainsi abandonné, car considéré comme inégalitaire, tant entre les établissements privés lucratifs et les autres qu’entre les régions. Le SYNCASS-CFDT a poussé à ces changements avec pragmatisme et vigilance. La réforme introduit un modèle où l’activité des services de psychiatrie est désormais valorisée, s’inspirant des principes de la tarification à l’activité (T2A). Le budget se scinde désormais entre une part populationnelle – constituant la majorité du financement – basée sur des indicateurs sociodémographiques, et une part variable. Cette dernière, représentant 20 % du total, se répartit en reconnaissant non seulement l’ampleur de la file active, mais également les activités spécifiques des établissements, la qualité des soins, l’engagement dans la recherche, le développement de nouvelles pratiques, les transformations entreprises ainsi que la précision du codage PMSI. L’impact de cette réforme sur les moyens des services de psychiatrie est encore controversé. Les simulations financières ont suscité des réactions contrastées au sein des hôpitaux, révélant une dichotomie entre les établissements qui anticipent une perte de financement et ceux qui tablent sur des ressources supplémentaires. La réforme financière implique un impératif : une évaluation rigoureuse et continue pour assurer une transition juste, viable et propice à l’amélioration des soins dans chaque territoire. La mise en œuvre de la réforme et les évolutions attendues 1. La prise en compte de la qualité : cela indique que la qualité des services de psychiatrie est un critère important dans le modèle de financement. 2. Des compartiments dédiés : – aux activités suprarégionales et aux nouvelles activités (6 %), – à la structuration de la recherche pour soutenir la transformation du secteur (5 % pour les nouvelles activités et 3 % pour la transformation, avec aucune part allouée à la structuration de la recherche en 2023). 3. Un compartiment de financement pour valoriser l’activité des établissements : – incitant aux alternatives à l’hospitalisation temps plein, sans donner un pourcentage spécifique, ce qui suggère une approche flexible pour encourager des soins plus diversifiés et moins centrés sur les hospitalisations. 4. Un compartiment de financement dédié à la réduction proactive des inégalités territoriales : – qui met en relation un besoin de santé et une enveloppe de financement, indiquant une attention particulière à la distribution équitable des ressources selon les besoins régionaux. Les pourcentages indiqués reflètent la pondération des divers compartiments de financement dans le modèle global : IFAQ + qualité du codage : 1,2 %, activités spécifiques : 3 %, transformation : 3 %, nouvelles activités : 0,5 %, dotation file active : environ 15 % en moins, dotation populationnelle : environ 80 %. Une proportion significative (80 %) du financement est basée sur la dotation populationnelle, ce qui conforte l’approche centrée sur la population pour la distribution des ressources, avec un ajustement (15 % en moins) pour la dotation file active, pour rémunérer l’activité réelle des établissements. À l’instar des activités MCO, ce compartiment valorise mieux les séjours de courte durée. En dehors de la dotation populationnelle, les ARS interviennent directement sur trois enveloppes : la dotation d’accompagnement à la transformation, la dotation relative aux nouvelles activités, distribuées sur la base d’appels à projets (AAP) nationaux mais aussi, possiblement à partir de 2024, régionaux, la dotation pour la structuration de la recherche, dont une instruction en date du 30 mars 2023 précise qu’elle est en principe distribuée sur la base d’appels à manifestation d’intérêt (AMI). La première année de la réforme du financement de la psychiatrie, en 2022, a été marquée par une phase de transition centrée sur la stabilisation financière des établissements. Dans le détail, la réforme a garanti la totalité des recettes des établissements basée sur le périmètre de l’année précédente, en y intégrant des ajustements pour des situations exceptionnelles liées aux ressources humaines et à l’inflation. Cela a été conçu pour protéger les institutions des fluctuations imprévisibles tout en mettant en place un nouveau modèle de financement, dit « à blanc », ciblant des initiatives novatrices non préalablement désignées. En matière de répartition des fonds complémentaires, qui s’élèvent à 160 millions d’euros pour la composante C4 (dernière phase de la campagne 2022), la majorité, soit 120 millions d’euros, a été attribuée aux établissements publics. Deux tiers de ces établissements ont bénéficié d’un surplus financier, avec une réception de 82 % des recettes additionnelles qu’ils auraient obtenues en absence de ce nouveau modèle de sécurisation financière. Intéressant à noter, les établissements qui auraient été désavantagés par les nouvelles modalités de financement n’ont pas subi de baisse de recettes, reflétant un effort pour éviter les pertes financières pendant la transition. Le

État des lieux
L’actualité du trimestre

Ce nouvel été était annoncé comme tendu pour les secteurs du sanitaire et du médico-social. Les établissements ont « tenu le choc » mais ils restent financièrement fragilisés et en déficit prononcé de professionnels. Suite à de nouveaux rapports et constats alarmants, le gouvernement a fait une batterie d’annonces : réforme du financement de l’hôpital, revalorisation des sujétions, aide financière d’urgence aux EHPAD en difficulté et examen de la loi Bien vieillir à la rentrée. Ces annonces ne sont pas à la hauteur des besoins et la méthode est mauvaise : elle n’intègre pas de temps de concertation avec les partenaires sociaux et elle sème le trouble voire génère des divisions lorsque les mesures manquent de clarté et de précision sur leur périmètre. Face à ces constats et à l’occasion de cette rentrée porteuse d’attentes mais aussi d’inquiétudes, le SYNCASS-CFDT rappelle ses revendications concernant les deux grandes thématiques qui marquent les conditions d’exercice des directeurs : la viabilité financière des établissements et leur attractivité. La viabilité financière des établissements La pression sur l’Ondam hospitalier a des effets délétères sur les missions de service public. Le décrochage organisé entre les ressources et les coûts est un facteur puissant de tensions internes. Il est anormal que le dialogue de gestion interne capte autant d’énergie pour conduire des plans d’économie, le plus souvent irréalistes. En juillet, la Cour des comptes a publié un rapport concernant la tarification à l’activité qui alerte sur le creusement des écarts entre les coûts moyens et les tarifs, ayant une incidence sur l’organisation des soins et la répartition des spécialités entre les établissements publics et privés commerciaux. La Cour des comptes préconise des tarifs « construits de manière lisible [et d’]assurer la couverture des coûts moyens et s’approcher davantage de la neutralité tarifaire ». Dans ce contexte, une réforme du financement est portée dans le PLFSS 2024, avec un système de financement mixte du secteur MCO, intégrant en sus de la tarification à l’activité des dotations socles pour assurer les objectifs de santé publique et un système forfaitaire pour certaines activités, notamment les soins critiques. Pour le SYNCASS-CFDT, un mode de financement approprié peut contribuer à l’amélioration des conditions d’exercice de tous et à l’attractivité de l’hôpital. Il ne peut faire l’économie d’un Ondam au bon niveau qui doit procéder à un rééquilibrage significatif vers le service public hospitalier. Ce rattrapage ne doit pas se limiter à supporter les conséquences directes de la crise sanitaire et du Ségur de la santé, mais doit redonner des marges de manœuvre aux acteurs et intégrer l’évolution des charges réelles. La déconnexion entre les tarifs et les charges réelles, auxquelles s’ajoute souvent l’impact de la démographie médicale ou parfois d’une spécificité géographique, induit des dépenses ou des surcoûts particuliers. Il est inconcevable que des établissements demeurent durablement sous perfusion régionale ou nationale, ce qui rend leur gestion insoutenable pour les acteurs, dont les directions. Ces situations doivent être objectivées et traitées sur la base du service rendu par les établissements sur leur territoire. Le service public mérite d’être financé comme tel, dans ses éléments constitutifs que sont la continuité et la permanence des soins, mais aussi les infrastructures liées à l’accessibilité, et les missions, dont l’enseignement, la recherche et l’innovation. La continuité, notamment territoriale, est à assurer indépendamment du niveau d’activité, qui ne peut seul répondre à cette obligation. Si la situation des EPS s’est dégradée, celle des établissements médico-sociaux s’est profondément altérée. Le secteur manque d’une vision stratégique à long terme : rapports laissés sans suite, loi Bien vieillir reportée, abandon de l’ambition d’une loi grand âge. Le rapport Pirès-Beaune, le dernier en date d’une longue liste, appelle à une « action globale », au risque de voir « toute baisse du reste charge vouée à l’échec ». Il invite à la création d’une « instance chargée d’analyser les difficultés des structures et d’y apporter une solution » ; recommande la fusion des sections soins et dépendance, qui conduit à revoir la gouvernance ; préconise l’établissement de « tarifs socles nationaux, susceptibles d’évoluer dans les territoires selon les différences de coûts effectifs de production du service » ; enfin, le rapport prône la fusion de l’APA et de l’ASH et le déploiement, en remplacement, d’une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (AUSAE) qui tienne compte des facultés contributives de chacun. À l’issue de la remise de ce rapport, la reprogrammation de la loi Bien vieillir et des mesures d’urgence ont été annoncées (100 millions), mais bien insuffisantes. Comme le notait le SYNCASS-CDFT dans sa déclaration liminaire du 12 septembre 2023, c’est surtout une refonte complète des mécanismes de financement des EHPAD qui est nécessaire. Le SYNCASS-CFDT sera attentif aux travaux conduits par la DGCS sur le financement, la gouvernance et la régulation des EHPAD, et à leur traduction dans le PLFSS. Le PLFSS 2024 n’est pas à la hauteur des besoins du médico-social. Il espère également que les propositions du rapport Pirès-Beaune ne subiront pas le même sort que celles des précédents rapports déjà remis. Le  PLFSS, en laissant un droit d’option aux départements sur la fusion des sections soins et dépendance, exprime une ligne politique incertaine et donne des gages aux départements les plus réticents à toute évolution. Le SYNCASS-CFDT réclame la mise en cohérence des différentes réformes tarifaires engagées sur l’ensemble du secteur social et médico-social. La désynchronisation dans le traitement des sujets met en difficulté les directeurs et les gestionnaires de structures relevant de différents champs, y compris sanitaire. Les logiques de convergence ne doivent pas privilégier l’objectif de stabiliser les financements, elles s’inscrire dans une perspective de recherche de qualité, de sécurité et de bientraitance, en veillant à ne pas niveler vers le bas. Les travaux de l’ATIH dans la mise en œuvre d’une échelle nationale des coûts pour le secteur médico-social peuvent y contribuer. Il appartient au décideur public de se saisir des éléments mis en lumière par les campagnes « Tableaux de bord-ESMS ». L’amélioration de la sécurité et de la qualité nécessite d’être assurée par la définition et le financement des effectifs requis de personnel dans les EPRD