En cette rentrée, un coup d’œil dans le rétroviseur de l’été est utile avec encore en mémoire les épisodes de forte chaleur qui auront occupé en continu le devant de la scène. L’été 2022 a entretenu un contexte de crise, la crise climatique et énergétique relayant la crise épidémique. La continuation de la guerre en Ukraine sur la durée contribue aussi à une actualité anxiogène qui n’est pas sans conséquences sur certains des publics fragiles que nos secteurs prennent en charge. Les résultats des élections législatives ont débouché sur une Assemblée Nationale hétéroclite, l’exécutif ne disposant que d’une majorité relative. Les mécanismes institutionnels favorisant la majorité pour le Président réélu se sont avérés inopérants. L’impressionnante poussée de l’extrême-droite participe au renforcement d’une atmosphère de crise, crise de régime cette fois. Le mois de juillet a donné un coup de projecteur inhabituel sur la vie parlementaire, notamment avec le débat du collectif budgétaire destiné à faire face à la crise énergétique et à l’inflation. Même si la perception d’une Assemblée Nationale moins « godillot » qu’à l’accoutumée est une bonne chose, les débats ont eu du mal à sortir des jeux de posture et des compromis approximatifs. Une tendance nette s’est dessinée qu’il faudra analyser pour la suite de la mandature : un commun dénominateur des arbitrages rendus consiste à baisser les ressources dont disposent les pouvoirs publics (à l’instar de la redevance sur l’audiovisuel) tout en créant des dépenses nouvelles, parfois dans des proportions très importantes. La CFDT s’est inquiétée de cette politique et des discours qui l’accompagnent, sources de délégitimation de l’impôt et d’affaiblissement de l’action publique. Durant ces débats, les revalorisations salariales dans la fonction publique avec l’augmentation de la valeur du point d’indice ont fait l’objet d’annonces de principe quant à leur compensation dans les budgets des établissements. Une bonne partie du champ médico-social reste pourtant à l’écart de tout accompagnement, par exemple les emplois financés par les départements pour la section hébergement. Le secteur privé partait de négociations conventionnelles en panne : la hausse du SMIC et la stagnation de la valeur de point des grilles existantes laisse sans réaction les fédérations d’employeurs pour le moment sauf à réclamer un alignement financé par fonds publics. Face aux ruptures de fonctionnement normal de l’accueil des urgences dans de nombreux territoires, notamment la nuit et les week-ends, l’exécutif a mis en place une « mission flash » confiée au Dr Braun, nommé ministre de la santé et de la prévention depuis. Celle-ci a entériné des solutions palliatives de court terme, en particulier la régulation téléphonique en amont de l’accueil physique des patients aux urgences, organisation adoptée depuis le printemps dans quelques établissements. Fréquemment tendue en juillet en raison des pénuries de personnels et des fermetures de lits plus importantes qu’à l’accoutumée, l’activité a décru en août. Cela a permis au Ministre de se féliciter d’une situation globalement maîtrisée par rapport aux inquiétudes initiales. Les acteurs de terrain goûtent médiocrement cet exercice de promotion de solutions qui n’en sont pas et qui masquent le défaut de vision à moyen terme et long terme. Les perspectives de prise en compte réelle des graves déséquilibres dans la prise en charge sanitaire et médico-sociales de la population par la conférence des parties prenantes et du conseil national de la refondation avancées par l’exécutif restent encore très incertaines. Sur le terrain en effet, l’amertume est palpable. Les établissements médico-sociaux continuent de souffrir de désaffection de personnels qualifiés et d’impasses de gestion. Dans le même temps, le dialogue de gestion avec les ARS est un mot creux pour beaucoup de collègues qui font face, pour certains, à des tensions majeures de trésorerie. Les établissements de santé voient la garantie de financement prorogée jusqu’à la fin de l’année sans que des perspectives de moyen terme soient esquissées pour rétablir un pilotage cohérent. Cela accroît les tensions entre le secteur public, la FEHAP et la FHP. Le cadrage du PLFSS s’ouvre dans un contexte économique préoccupant qui n’incline pas à l’optimisme. En ce mois de septembre, le SYNCASS-CFDT se mobilise dans la perspective des élections professionnelles de la fonction publique : trois rendez-vous régionaux sont autant d’occasions de réunir adhérents et sympathisants autour des thématiques de la responsabilité, de la régulation de l’offre de soins et de l’attractivité. Cette mobilisation ira crescendo avec deux autres rendez-vous en octobre, sur le financement à Rennes, et sur les questions statutaires à Lyon. Son point d’orgue sera les journées du 24 et 25 novembre prochains à Paris au Pavillon La Chesnaie du Roy. C’est le sujet du RESPECT que l’équipe du SYNCASS-CFDT a choisi pour thème de fond de ces journées nationales : un temps fort qui fait écho à tant de témoignages alarmants sur la manière dont nos fonctions sont déconsidérées, dévalorisées, voire ignorées, laissant les professionnels dans des dilemmes d’une nature inédite. Le SYNCASS-CFDT y portera haut le respect des responsabilités de chacun.
Catégorie : Édito
Tandis que l’Europe reste plongée dans une guerre qui dure, notre pays est rentré dans un tunnel électoral dont on ne verra le bout qu’avec le deuxième tour des élections législatives. La nomination d’une Première ministre et d’un gouvernement, suspendus au résultat de l’élection d’une majorité parlementaire, laisse la décision publique atone. Pourtant, les urgences se télescopent avec une situation économique inquiétante, la survenue d’une inflation durable que la majorité des actifs n’a jamais connue et des difficultés en cascade dans les services publics, dont celui de la santé. A ce titre, les déboires des concours de recrutement des professeurs des écoles, particulièrement en Ile de France avec une académie dans laquelle on compte trois postes à pourvoir pour un admissible, soulignent la crise de l’attractivité de certains métiers. De nombreux autres domaines d’activité témoignent de problèmes de recrutement. Beaucoup d’employeurs privés et publics découvrent effarés ce retournement de tendance parfois brutal. Cette illustration spectaculaire résonne dans les secteurs d’activité du sanitaire, du médico-social et du social. On assiste à un effet de bascule saisissant avec des expressions entendues aux débuts de la crise sanitaire, mêlant reconnaissance des soignants dans l’opinion et fierté des professionnels d’avoir fait face, même dans des conditions très difficiles, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les établissements médico-sociaux. Aujourd’hui, les représentations qui dominent nos secteurs sont les reculs ou même le délabrement du service au public et de ses établissements, le désenchantement ou même la fuite de ses agents. Le SYNCASS-CFDT, avec d’autres, avait alerté depuis des années sur les effets délétères des politiques publiques de rabot des financements tant sur le volet sanitaire que dans le médico-social. La capacité de résilience du système, tant vantée au début de la crise, montre pourtant ses limites. Le manque de moyens a contraint les acteurs à des efforts d’efficience qui ont fini par porter atteinte au sens des missions. Notre système de santé est miné de l’intérieur par des contradictions persistantes : financements socialisés et opérateurs à but lucratif ; liberté d’installation pour tous mais permanence des soins pour certains seulement et inégalités d’accès aux soins ; exigences de productivité et aspirations à des conditions de travail conciliables notamment avec les rythmes sociaux et familiaux de la majorité de la population et sous rémunération des sujétions lourdes inhérentes aux métiers du soins. Comme le SYNCASS-CFDT l’a déjà souligné, l’inflexion de trajectoire pourtant réelle des ONDAM depuis 2020 et du Ségur de la santé ne produit pas l’élan, ou même l’apaisement espérés. L’été s’annonce très difficile dans de nombreux territoires et les expédients se multiplient pour tenter de préserver l’essentiel. La définition même de l’essentiel fait polémique comme le montre le débat très rude entre le maintien des lignes de permanence des SMUR et l’ouverture de certains SAU. Mission flash sur les urgences, « conférence des parties prenantes » sur la santé, toujours les mêmes outils éculés sans annonces concrètes qui ne peuvent rassurer. Au niveau territorial, l’attitude de conseils départementaux qui continuent comme dans le « monde d’avant » à décider des tarifs d’hébergement sans rapport avec l’évolution des charges relativise le discours sur le bon sens des élus « de terrain » dont certains réclament sans discernement la maîtrise totale du pilotage. Pour un syndicat qui a fait des conditions de travail un volet essentiel de son action, le défi à relever est considérable car c’est là que se cristallisent les tensions les plus fortes. La pénurie d’effectifs de professionnels et l’affaiblissement des collectifs de travail engagent une spirale négative redoutable et il est crucial d’identifier les leviers qui permettraient d’en sortir. Donner de la visibilité sur un desserrement de la contrainte financière est un point clé. Il permet de projeter les investissements nécessaires et de les négocier avec de réelles marges de manœuvre : sur les qualifications et les effectifs ; sur la promotion professionnelle ; sur les conditions d’exercice et l’environnement de travail. Il faudra que ce message clair soit émis au plus haut niveau, et poursuivi sur la durée. Mais cela n’ira pas sans une prise de conscience citoyenne sur la régulation des installations médicales et le partage équitable de la contrainte et des sujétions entre tous les acteurs du soin et du social. La qualité du management et le respect des droits des agents sont des exigences que nous portons mais elle se heurte à la multiplication historique des facteurs exogènes dont les effets sont subis de plein fouet par toutes les équipes sur le terrain, y compris les directions et l’encadrement. Les possibilités heureusement offertes par la négociation d’accords collectifs majoritaires sont réellement saisies par les acteurs dont les directeurs, dès lors qu’elles sont accompagnées par les enveloppes du Ségur. Mais sans marge de manœuvre la question reste entière…Si les partenaires sociaux des deux côtés de la table ont bien le choix de la manière de faire, notamment par les nouveaux leviers du dialogue social que l’on doit à la CFDT, ils sont tous plongés dans les mêmes difficultés qui par définition ne dépendent pas de leurs seules bonnes volontés. Il ne faut jamais se tromper de cible, le sujet est systémique et dépend largement d’options politiques radicales, pas des seules directions ! Ces perspectives devront aussi se conjuguer avec la planification écologique qui désormais fait consensus, au moins sémantique, pour une large majorité de la représentation politique. Nos activités sont pleinement concernées. Gageons que la prise en compte de cet impératif participe de la revivification positive du cadre des prises en charge que nous assurons. Le pacte du pouvoir de vivre de la CFDT le promeut avec pragmatisme. Le SYNCASS-CFDT s’apprête à participer au congrès de sa confédération du 13 au 17 juin. La newsletter rendra compte de ce temps fort de la vie de l’organisation. La vigueur du collectif et la richesse des points de vue de toutes les composantes de la CFDT seront bienvenues pour tracer les perspectives des quatre années à venir. Nous en sommes fiers !
La guerre a surgi sur notre continent avec une brutalité à laquelle nous étions bien peu préparés. Les images des bombardements des villes ukrainiennes, y compris d’hôpitaux, celles des réfugiés fuyant leur pays par millions plongent nos générations dans l’effarement. Les réactions de l’Europe donnent paradoxalement le sentiment que l’évènement réveille les consciences sur le sens profond de l’Union. Mais les années 20 de notre siècle commencent par une série d’évènements qui brouillent tous les repères, bousculent toutes les certitudes, et nourrissent toutes les inquiétudes. À cet égard, et dans le débat en cours sur les élections présidentielles, le financement des services publics est sur la sellette. Nous avons dit que nos secteurs du sanitaire du médico-social et du social avaient subi des restrictions de financement délétères durant plus d’une décennie. Mais d’autres services publics sont mal en point : la justice par exemple connaît une crise qui n’est pas sans points communs avec nos réalités, avec des professionnels qui s’épuisent à répondre à des besoins sociaux croissants. Et voilà que la défense devient soudain, elle aussi, une priorité majeure de la période qui vient. La loi de programmation militaire de 2018 avait prévu une augmentation de moyens qui apparaît dépassée par les urgences du moment. Cet empilement de priorités donne le vertige. Les deux années « d’argent magique » de la pandémie ont accru la confusion sur les questions de leur financement. A 10 ans de politique de limitation des dépenses publiques au nom de la compétitivité de l’économie a succédé une fuite en avant que les échéances électorales de 2022 ont accru. Les tensions inflationnistes déjà présentes avant même la guerre en Ukraine s’accroissent dans des proportions inconnues depuis 25 ans, brouillant encore un peu plus l’horizon. L’autre combat reste celui mené contre l’épidémie du COVID 19. Malgré la décrue du nombre de patients en soins critiques, ce sont encore près d’un tiers des capacités en réanimation qui sont occupées par des patients atteints. La levée de la plupart des mesures de prévention, notamment le port du masque en intérieur, alimente une nouvelle fois les critiques d’un pilotage de la crise plus politique que sanitaire. C’est dans ce moment particulier que le Pr CHAUVIN, lors du « grand oral de la santé » organisé par la FHF le 17 mars, remet au gouvernement son rapport « dessiner la santé publique de demain ». Il pointe notamment les retards de notre pays dans la généralisation d’une culture de prévention qui rende acceptable des mesures proportionnées aux risques. Il souligne l’importance des inégalités en santé, moins imputables au système de soins lui-même qu’à des déterminants économiques et sociaux qui interrogent toutes les politiques publiques. Autre retard, qui traduit d’ailleurs ces inégalités, l’espérance de vie en bonne santé qui concerne moins d’un français sur deux à l’âge de 65 ans. Cet indicateur qui nous classe défavorablement parmi les pays européens prend un relief particulier à l’heure où certains s’engagent à augmenter l’âge légal de départ en retraite. Le lien s’impose avec le défi des politiques du grand âge. Dans les suites du scandale ORPEA, le gouvernement saisit la justice sur la base du rapport IGF-IGAS qui lui a été remis, et que nous ne pourrons pas lire. Le secret des affaires est invoqué. Que cette notion fumeuse, résultat d’un lobbying intense depuis des années, puisse faire obstacle à l’intérêt général est intolérable. L’argument que le rapport constitue une pièce de l’instruction à venir interroge aussi. Le plan de contrôle de l’ensemble des EHPAD annoncé début mars est-il crédible au regard de l’entreprise de délégitimation des contrôles à laquelle nous avons assisté depuis des années, traduite par des coupes dans les effectifs des services chargés de les effectuer ? Par ailleurs cette vague d’inspections noie le poisson en détournant le regard des pratiques délétères spécifiques au secteur privé lucratif. Il va cependant falloir également s’attaquer aux causes structurelles de la montée en puissance des opérateurs privés à but lucratif dans la création des capacités en EHPAD depuis 20 ans. Elle résulte en grande partie de la nécessité de mobiliser des capitaux nécessaires à la construction de places qu’aucune collectivité publique ne voulait plus assumer. Que va-t-on promouvoir dans les prochaines années alors que le défi démographique est tel que le virage domiciliaire ne pourra pas absorber tous les besoins d’hébergement ? Ce mois de mars a vu aussi la commémoration des 20 ans de la loi du 2 mars 2002 avec ses avancées sur la démocratie sanitaire et les droits des patients. Il est utile de mesurer le chemin parcouru dans la prise en considération des droits tant individuels que collectifs des patients. Il faut aussi prendre la mesure de celui qui reste à accomplir tant la gestion de la crise sanitaire, notamment dans sa première phase, s’est accompagnée de la marginalisation des représentants des usagers du système de santé. Le débat public a découvert ces deux dernières années que la France payait mal les métiers du soin et de l’accompagnement. Le Ségur a entamé un mouvement de rattrapage nécessaire mais dont on discerne les limites. Dans le contexte inflationniste déjà cité, la politique salariale appliquée à la fonction publique est à la croisée des chemins. En miroir de l’annonce encore imprécise du dégel du point de la fonction publique, des pistes de refondation du modèle de rémunération des agents publics sont abordées dans le compte rendu de la conférence salariale de la fonction publique proposée en lien dans cette newsletter. De nouvelles approches encore en gestation sur la combinaison entre des garanties socles et des éléments variables de rémunération sont abordées. Ces réflexions sont utiles pour améliorer sur le moyen terme l’attractivité de la fonction publique. En regard, la réaffirmation du cadre statutaire articulé avec la négociation entre l’Etat et les représentants syndicaux est une référence indispensable. L’ensemble de ces thèmes devrait traverser la campagne présidentielle en cours. Le contexte, quand ce n’est pas la tactique de certains candidats, produit l’impression de débats trop largement escamotés. Il faut saluer les efforts de nombreuses composantes de la société civile, dont
Le SYNCASS-CFDT adresse ses meilleurs vœux à tous nos collègues et lecteurs. Pour la deuxième année consécutive, ils prennent une connotation particulière, tant nous sommes tous affectés par une pandémie dont on ne voit pas encore le terme, sans mésestimer ses soubresauts encore possibles. L’année 2022 a commencé dans un contexte de crise sanitaire persistante, mais aussi d’exacerbation des tensions qu’elle suscite. L’usure et la fatigue sont d’autant plus intenses que la flambée des contaminations constitue une mauvaise surprise, qui contraste avec la même période l’année passée. L’absence de soins précoces entraînée par les déprogrammations et les déficits de professionnels tende un peu plus encore les capacités de prise en charge en soins critiques et provoque des dilemmes éthiques qui ne concernaient jusqu’alors que certains territoires. Les caractéristiques du variant omicron brouillent un peu plus les cartes. L’importance des contaminations, notamment dans le cadre familial et scolaire, altère la vie sociale dans son ensemble ainsi que le fonctionnement des établissements. C’est désormais la pression sur les capacités en lits de médecine et de rééducation et l’absentéisme très élevé qui rythment la vie hospitalière. Sans considération des pouvoirs publics, qui restent les yeux rivés sur la vaccination et les taux d’occupation des soins critiques, s’instillent plus fortement les interrogations et les doutes sur l’arsenal des mesures prises et leur caractère proportionné par rapport aux libertés publiques. La ruée vers les tests, provoquée par la circulation du virus et les mesures précitées, dont l’accélération du calendrier de rappel vaccinal, ont mis les laboratoires de ville et les pharmacies sous pression. Dans ce contexte, la CFDT vient d’obtenir, dans la branche de la pharmacie d’officine, une revalorisation des salaires de 3%. En revanche, les négociations sur les classifications ont tourné court du fait, une fois encore, de représentants des employeurs peu enclins à les revaloriser. Pourtant, chacun sait le rôle des pharmaciens salariés face à la Covid-19. Ils ont suffisamment épaulé les gérants durant cette période pour avoir droit, comme eux, à une juste rétribution de leurs efforts. La désaffection pour la profession s’explique essentiellement par l’absence d’un déroulement de carrière qui reste une revendication majeure de la CFDT. Dans le secteur privé non lucratif, on déplore aussi les atermoiements des employeurs à saisir les opportunités issues de l’accord LAFORCADE. La convention collective unique du secteur que réclame la CFDT depuis plus de 20 ans est posée par l’Etat comme condition d’octroi du financement de la transposition des mesures du Ségur. Les chambres patronales restent pourtant en ordre dispersé, avec des stratégies confuses, qui ne permettent pas encore de discerner une issue positive à la négociation. Pour l’instant, seule une revalorisation hors grille salariale et conditionnée à une enveloppe est actée, ne permettant pas d’inclure les 100 000 salariés non couverts par une convention dans la branche. Sur le terrain, les établissements du handicap et de l’enfance, publics et privés, sont toujours dans l’attente des mesures permettant le versement du CTI à l’ensemble des agents. Les directeurs doivent faire face à des difficultés de recrutement et de fidélisation des salariés, encore amplifiées par les décisions publiques. La fédération CFDT Santé-Sociaux est mobilisée sur cette mesure, tant il est crucial de sortir de l’immobilisme. La conférence des métiers de l’accompagnement du social et du médico-social, prévue dans l’accord LAFORCADE pour traiter de la question de l’attractivité, au-delà de la question salariale, a déjà été reportée à la mi-février 2022. Les échéances électorales ne doivent pourtant pas venir compromettre un enjeu aussi essentiel. Les collègues du secteur public se trouvent dans une situation ambivalente. Des sujets nombreux et importants sont sur la table, mais leur traitement a pris du retard, en partie du fait de la traduction progressive des engagements du Ségur de la santé dans le droit. Pour le corps des ingénieurs, la discussion s’ouvre enfin, dans un calendrier très resserré par la fin de la législature. Le corps des attachés d’administration hospitalière est suspendu à la refonte du régime indemnitaire de l’ensemble de la FPH, qui peine à aboutir. Les sujets annoncés pour les directeurs d’hôpital en 2021 ont à peine démarré : emplois fonctionnels, accès à la hors classe, évaluation des lignes directrices de gestion… L’unicité statutaire entre les DH et les D3S a enfin été reconnue comme un sujet à part entière par le ministère, plus de 10 ans après le protocole de 2011. Le SYNCASS-CFDT, avec le CHFO et l’UFMICT-CGT, demande une négociation, en rupture avec le refus unilatéral qui a prévalu jusqu’ici au motif du défaut d’unanimité syndicale. Les directeurs des soins ont obtenu une revalorisation statutaire qui a permis, enfin, de sortir d’un immobilisme mortifère. Mais la déception l’emporte, compte tenu d’une revalorisation tronquée, qui passe à côté de la pleine reconnaissance d’un corps de direction que nous continuerons à exiger. Les D3S chefs d’établissements des foyers de l’enfance, dont l’exercice dans la FPH est menacé par la loi 3DS, attendent, sans guère d’espoir, l’issue du processus parlementaire. Bousculée par la crise sanitaire, la campagne présidentielle est lancée. Que l’on en soit satisfait, agacé ou lassé, au fur et à mesure que les candidats se révèlent, les sujets de préoccupation de nos secteurs d’activité apparaissent dans le débat. La santé y est présente, d’abord du fait de la situation et des choix gouvernementaux, mais d’autres sujets, très importants, ont été longtemps ignorés, en particulier le grand âge et l’autonomie. Préoccupation pourtant essentielle de nos concitoyens, la question revient dans le débat à l’occasion de la publication d’un livre mettant en cause le secteur privé lucratif et on peut s’attendre à ce que les programmes ou propositions des candidats déclarés s’en préoccupent plus nettement. A côté de la question de l’évolution du modèle de prise en charge, celle du financement collectif de la perte d’autonomie commence à concerner les générations nombreuses du baby-boom, laissant présager un choix majeur de la décennie. Mais si les thématiques de santé sont bien présentes dans le débat public, elles le sont rarement selon un angle d’attaque constructif. La surenchère pour réduire les déserts
L’un des traits de la période étrange que nous traversons depuis près de deux ans est la suspension de formes de vie collective à laquelle nous avons dû nous résigner. Le congrès du SYNCASS-CFDT le 23 et 24 septembre a permis de renouer avec le plaisir simple de se retrouver pour un moment à la fois studieux et convivial. Les 250 adhérents participants ont pu revenir sur le sens des actions de la période : ce fut notamment le cas avec la conférence repère sur l’éthique, durant laquelle chacun pouvait se replonger dans les moments les plus tourmentés, notamment de la première vague de l’épidémie. Ce temps d’introspection collective est apparu salutaire, convoquant les doutes, la gravité et aussi la fierté d’avoir affronté des situations exceptionnelles en s’efforçant de préserver l’essentiel, les missions du service public hospitalier, l’accompagnement permis par les établissements médico-sociaux publics et les valeurs qu’ils portent, que nous défendons. Le congrès a permis de se projeter dans la période qui vient, soutenu par un message fort de la Secrétaire générale de la CFDT Santé-Sociaux. Invité par la secrétaire générale adjointe de la CFDT, Marylise Léon, à « résister à l’hystérie du début de la campagne présidentielle », le SYNCASS-CFDT continue à creuser son sillon : approfondir ses positions et ses propositions, identifier les nouveaux leviers d’action à mobilier, comme la négociation dans la fonction publique ou la représentation collective des cadres de direction du secteur privé. Le SYNCASS-CFDT a pu le faire en s’appuyant sur la force de la confédération à laquelle il appartient : des responsables et des militants de la CFDT Cadres, de la CFDT Fonction publique ou d’autres fédérations ont prêté leur concours aux échanges et enrichi les points de vue. Le sens du débat et du collectif a pu ainsi être revivifié. C’était d’autant plus nécessaire que l’actualité de nos secteurs professionnels a fourni de multiples motifs de tensions depuis l’été. Avec la décision de recourir au « passe sanitaire » et à l’obligation vaccinale des personnels, une nouvelle phase de la lutte contre l’épidémie s’est ouverte. Elle se poursuit avec la possibilité d’y recourir jusqu’en juillet 2022. À ce niveau, on assiste à un paradoxe : les décisions de cet été ont permis une couverture vaccinale très majoritaire. Avec le recul, c’est une performance remarquable pour un pays rentré dans cette stratégie à reculons, après des années de scepticisme vaccinal croissant. La couverture vaccinale contre la COVID 19 reste pourtant incomplète. Des suspensions sont en cours parmi les personnels de la FPH et chez des soignants, certes très minoritaires, mais qui comptent et dont le manque coûte aux équipes. Ces refus, malgré les efforts d’écoute et de conviction des directeurs, dont les DRH et les DS ainsi que les services de santé au travail, sont très perturbants : comment expliquer que des agents mettent un point d’honneur à se poser en « résistants » de la campagne vaccinale ? C’est bien une défiance profonde vis-à-vis de la parole publique et des institutions que cela révèle, à commencer par celle dont ils sont les salariés. Dans les territoires ultra marins, cela a pris des proportions bien plus graves. En quelques semaines d’été, les Antilles ont connu une vague de décès due à la COVID 19 sans précédent qui a véritablement submergé le système de soins, notamment des hôpitaux, que seul un confinement drastique est parvenu à enrayer. Cet épisode tragique met à nu une société déchirée, dans laquelle l’Etat alterne entre manifestations de fermeté parfois martiales et renoncements à appliquer la loi. Cela nous interroge grandement sur la séparation des pouvoirs dans notre République… Dans les établissements sociaux et médico-sociaux (en particulier dans le champ du handicap), l’attractivité des mesures du Ségur peine à se concrétiser. Des efforts réels pour les rémunérations ont été actés. Mais l’application partielle des mesures, par une approche, jamais vue jusqu’ici, appliquant le complément de traitement indiciaire aux agents selon leur secteur d’activité et le statut juridique de leur établissement a créé des iniquités incompréhensibles et inexplicables… sauf à envisager de démanteler notre versant de la fonction publique. Certaines catégories de personnels et certains établissements du secteur social restent toujours exclus du champ d’attribution du CTI. Il est à ce jour quasiment impossible de recruter des infirmiers ou aides-soignants dans certains territoires. La continuité des activités est menacée. Depuis l’été, nombreux sont les chefs d’établissements qui ont dû alerter les ARS sur une absence totale de personnel infirmier pour compenser les départs, voire tout simplement l’absentéisme, au détriment de la qualité des prises en charge délivrées, les infirmiers préférant aller travailler dans des centres de vaccination ou des laboratoires qui proposent de meilleures rémunérations et conditions d’exercice. Tout cela ne contribue pas à calmer les tensions dans les établissements, alors que personnels et personnes accompagnées aspirent maintenant à plus de sérénité. Les phases aigües de la COVID 19 n’auront donc-t-elles rien appris à tous nos responsables politiques ? Il est sûr que le morcellement des avancées réelles du Ségur de la santé entre public et privé, entre sanitaire et médico-social, entre catégories professionnelles elles-mêmes, excluant le handicap et le social de toute ou partie des mesures salariales sèmera encore de nombreuses turbulences dont tous se seraient bien passé. Il en est pour exemples le conflit durable à l’EFS dont les personnels réclament à juste titre l’application des avancées du Ségur de la santé à tous les personnels pour enrayer la fuite de leurs effectifs et les effets collatéraux des travaux en cours pour les sages-femmes de la FPH pour un statut revalorisé. Si leur mobilisation est légitime, elle conduit dans certaines régions à des fermetures de maternités privées à très forte activité, dont les sage-femmes en grève se sont soustraites aux réquisitions en bonne et due forme… imposant au service public déjà exsangue d’accueillir toutes les parturientes, voire les transferts de jeunes accouchées… et alors que les responsables des établissements qui ferment leurs maternités réclament les dotations populationnelles à égalité avec le service public… Au-delà, le service public hospitalier
Après une longue interruption, la newsletter revient en cette période singulière du début de l’été. La reprise d’une vie sociale et conviviale plus normale nous remet en mémoire celui de 2020, alors teinté d’optimisme. Depuis, la pandémie a enterré les illusions d’un virus seulement saisonnier. Le bilan s’est encore considérablement alourdi par rapport à la première vague, ce que bien peu d’entre nous, professionnels ou citoyens, aurions jugé vraisemblable. Les mois écoulés depuis novembre ponctués par la succession des variants et les cahots du pilotage de la crise sanitaire auront maintenu une tension constante. Nous en sommes collectivement marqués, à l’affût d’un nouveau rebond épidémique déjà sensible dans certains pays. A moins d’un an de son échéance électorale principale, notre démocratie apparaît bien éprouvée. Certes, durant la crise, la France a conservé un exécutif fort. Fort du moins grâce aux leviers dont il dispose, ceux de la force publique et de l’administration ; mais incapable de faire vivre des espaces de délibération. S’il est vrai que le Parlement n’est pas une cellule de crise, est-il normal qu’il ait aussi peu débattu de mesures qui touchent autant la liberté et la vie de chacun ? Doit-on se résoudre au fait que l’état d’urgence sanitaire se soit imposé sur une telle durée avec une discussion aussi pauvre ? La mise en cause récente par voie de presse du bilan du confinement 2021 peut paraître injuste à l’exécutif. Le pari de mise en tension maximale des lits de soins critiques conjuguée avec un confinement à la fois tardif et moins strict que celui de 2020 est difficile à évaluer dans ses incidences sur la santé publique, l’économie, l’éducation. Contestable dans sa méthode, ce questionnement est inévitable tant les décisions de gestion de cette crise ont été solitaires et peu partagées. Cette incapacité à impliquer les acteurs sociaux amplifie la dévalorisation de la parole publique. Les élections régionales et départementales n’auront pas amélioré cette impression de fatigue démocratique. Même si les causes en sont multiples, l’importance historique du taux d’abstention interroge la construction institutionnelle de collectivités territoriales vide de sens pour l’écrasante majorité des citoyens. Cette autre crise, profonde, nous interpelle tant les missions des établissements dans lesquels nous travaillons sont liées à l’action locale. La phase 2021 de la crise sanitaire a de nouveau mis à rude épreuve les professionnels de nos secteurs, cette fois sur l’ensemble des régions. La mise en tension des capacités d’accueil des patients COVID s’est accompagnée de déprogrammations mieux pilotées qu’en régime de plan blanc généralisé, même si les effets négatifs pour les patients sont avérés avec des décalages de prise en charge. Le suivi des pathologies chroniques a été mieux préservé. Le système hospitalier dans son ensemble a absorbé un choc moins aigu mais d’une durée très longue qui a éprouvé les individus et les collectifs de travail. Le décalage entre cette réalité et la concertation sur les textes relatifs à la gouvernance des établissements, puis leur sortie, est apparu flagrant. Qui peut croire que cette construction alambiquée va apporter une respiration et un élan aux professionnels ? Pour couronner l’ensemble, une instruction vient se donner pour objectif de diffuser des bonnes pratiques de gouvernance préconisées par le rapport Claris. S’égarant souvent dans des détails superflus, elle a surtout ravivé une tension sur le rôle des présidents de CME dans le choix des chefs d’établissements. C’est faire injure aux directeurs de sous-entendre que la rencontre du président de la CME n’est pas pour eux une démarche indispensable à une candidature bien conduite. Elle permet de mesurer les enjeux stratégiques majeurs de l’établissement et de poser un jalon important du travail en commun futur. Mais mentionner dans une instruction, quel qu’en soit le formalisme, qu’il faut consulter le PCME pour sélectionner le candidat retenu a une tout autre portée. C’est irrégulier juridiquement et dangereux pour l’équilibre de la gouvernance. Les EHPAD ont retrouvé progressivement un fonctionnement tendant vers la normalité. Cependant, un tassement des admissions de résidents est observé, tendance dont les conséquences préoccupantes restent à mesurer plus précisément et à confirmer. La priorité calendaire de la vaccination des résidents a été un choix pertinent qui a amené un bon niveau de protection collective en établissement. Pourtant, la vaccination des personnels en EHPAD reste inférieure à celle des autres soignants, elle-même pointée par le gouvernement. Dans une campagne de vaccination qui a trouvé son rythme de croisière et qui s’est imposée auprès de la majorité de la population, la pédagogie marque le pas face à la défiance d’une part importante des soignants. Faut-il ajouter la vaccination contre la COVID à l’obligation vaccinale en vigueur ? Alors que le secteur traverse une crise de recrutement installée dans la durée, ne faut-il pas s’attendre alors à l’accroître encore ? Sans parler de la validité juridique qui ne manquerait pas d’être soumise au conseil constitutionnel ou au Conseil d’Etat s’agissant de vaccins qui ne disposent que d’autorisations d’utilisation conditionnelles ? En tout cas, faire porter la responsabilité du faible taux de vaccination des personnels hospitaliers aux directeurs est un procès d’intention particulièrement injuste et inacceptable. L’inquiétude naît aussi des effets à longue portée de la pandémie : détresses psychologiques, distension du lien social, aggravation de la pauvreté des plus fragiles. Nos secteurs vont devoir réparer ces dégâts sur le long terme après avoir géré l’urgence en continu pendant des mois. Les établissements devront tabler sur la ténacité des équipes, parfois minées par des des situations d’épuisement et des départs de professionnels. Les premières concrétisations du Ségur n’ont pas encore provoqué de déclic suffisant sur l’attractivité et la fidélisation. Le pourvoi des besoins minimums en effectifs paramédicaux et médicaux dans les mois qui viennent reste un sujet critique dans beaucoup d’établissements. C’est particulièrement le cas en psychiatrie : la tenue des assises de la santé mentale reportée en septembre donnera-t-elle un signal positif ? Cela se vérifie également dans les établissements sociaux et du secteur du handicap, dans l’attente légitime d’une extension du Complément de Traitement Indiciaire à l’ensemble des agents