L’édito – Mai / Juin 2024

Qui aurait pu prédire ? Cette interrogation du Président de la République, utilisée bien mal à propos en évoquant la crise climatique lors de ses vœux pour 2023, s’applique en revanche parfaitement à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée au soir des résultats des élections européennes du 9 juin dernier. Symbolisant jusqu’à la caricature un exercice solitaire et vertical du pouvoir, cette décision a plongé la France dans une période de grand trouble. A quelques semaines de l’accueil des jeux olympiques et paralympiques, symboles de concorde mondiale et de communion autour des valeurs sportives, nous voilà précipités dans une séquence incertaine à rebours du sens de cet événement planétaire. L’utilisation de la dissolution de la chambre des députés caractérise nombre de régimes parlementaires qui nous entourent. Les élections anticipées y rythment la vie démocratique. Notre pays fait exception. Sous la Vème République, profondément altérée dans ses équilibres depuis la création du quinquennat présidentiel, l’élection des 30 juin et 7 juillet 2024 est la première depuis la dissolution de 1997. Elle revêt un enjeu tout aussi important car elle pourrait fragiliser un peu plus des institutions réputées pourtant pour leur robustesse. Faisant immédiatement suite à un scrutin européen dont les thèmes et les modalités sont sans rapport direct avec le rôle de l’Assemblée nationale, la dissolution a stoppé net le travail parlementaire. La loi sur la fin de vie attendra, de même que son volet relatif au développement des soins palliatifs. Un paradoxe navrant est que les débats difficiles menés sur ce sujet étaient salués pour leur qualité… Le gouvernement en sursis a lui aussi interrompu des chantiers. Pour les directeurs de la fonction publique hospitalière, les discussions ouvertes début 2023 et les textes qui en découlent pour les directeurs d’hôpital sont stoppés. Qui peut prédire désormais quel sera le sort des arbitrages si laborieusement pris, et de ceux qui étaient en attente pour les D3S et les directeurs des soins ? Paradoxalement, ce mois de juin a cependant permis à la négociation conventionnelle du secteur sanitaire et médico-social d’enregistrer des avancées déterminantes qui se faisaient attendre de longue date. Avec l’accord salarial et l’accord de méthode mettant enfin sur les rails la convention collective unique dans la BASSMS, le secteur privé non lucratif dispose d’une feuille de route clarifiée, légitimée par un accord majoritaire. Dans le secteur lucratif, les tentatives d’esquive de la fédération de l’hospitalisation privée au sujet de l’accord salarial dit « avenant 33 » de 2023 ont tourné court. Le gouvernement ayant fait un geste significatif sur le cadrage financier du secteur, il a fermement rappelé aux employeurs leurs obligations d’honorer leur signature. Sur ces deux dossiers qui concernent des centaines de milliers de salariés, la fédération CFDT santé-sociaux et ses équipes militantes de terrain ont fait preuve d’une pugnacité et d’une ténacité décisives. Dans cette période si singulière de notre vie démocratique, la CFDT réaffirme son opposition à l’extrême droite. La confédération l’a déjà exprimée lors des seconds tours des élections présidentielles en 2002, en 2017 et en 2022. Cette position est conforme aux valeurs et aux combats de notre organisation. Elle s’appuie aussi sur les liens noués avec les mouvements syndicaux qui, en Europe, font face à des pouvoirs d’extrême droite : partout, toujours, l’égal accès aux services publics y est bafoué, les droits et les libertés des travailleurs y sont attaqués, leurs garanties remises en cause, la place et les droits des femmes et la nécessaire transition écologique sont en recul. Pour la première fois, ce risque est réel dans notre pays : c’est donc avec une particulière gravité que le SYNCASS-CFDT appelle chacun à voter et exprime son refus de l’extrême droite.

L’édito – Janvier / Février 2024

Nos secteurs d’activité sont tous tenus à une obligation de continuité de fonctionnement, au maintien d’une capacité à répondre aux besoins des usagers, à l’interdiction d’interrompre quel qu’en soit le coût les prestations dues au public. Cet impératif est d’ailleurs la source de tensions. Elles ne sont pas nouvelles, mais s’exacerbent en raison de l’indisponibilité grandissante des ressources humaines. En témoigne la problématique, qui a valeur de symbole, de la pérennité régulièrement mise en cause de la permanence des soins sur les territoires. Le principe de continuité est aussi une boussole sur les priorités à conduire qui s’articule avec le principe d’adaptation du service public. La scène sur laquelle se joue l’actualité politique de ce début d’année a donné une curieuse impression quant à la déclinaison de ces principes propres du service public, qui s’appliquent aux directions centrales comme aux ministères placés au sommet de leurs administrations respectives, dans les hautes sphères de l’Etat. Le changement de gouvernement a d’abord satisfait aux modes de la communication politique. Le profil du Premier ministre – sa jeunesse, son parcours, son dynamisme affiché et affranchi des codes usuels de la politique nationale – devait incarner un nouvel élan. Contrarié par une majorité relative à l’Assemblée, l’exécutif a cherché ainsi à reposer les fondamentaux du mouvement, de l’action et de la réforme. Il est cependant apparu que ce changement de gouvernement était au final peu lisible, à tel point que nombre de commentateurs parlent encore de « remaniement ». A défaut de message adressé aux citoyens et électeurs, nous avons assisté ces dernières semaines à une illustration de maux fréquents dans l’exercice du pouvoir : confondre vitesse et précipitation, action et gesticulation, ligne politique et posture médiatique. Ainsi, ce gouvernement, présenté comme resserré pour plus d’efficacité, a produit une interminable séquence pour se voir complété, y compris sur des pans majeurs de l’action publique comme la santé, le logement ou la fonction publique. Pendant des semaines, des ministres de l’ancien gouvernement se sont agités en coulisse pour conserver leur place. Cela ne manque pas d’ironie pour un pouvoir prompt à donner des leçons de management au pays entier. Ce n’est pas sans conséquence, justement, sur l’impératif de continuité qui doit animer l’ensemble de l’action publique. Les annonces du discours de politique générale du Premier ministre le 30 janvier sont déjà brouillées par les coupes budgétaires opérées par décret dans une loi de finances adoptée sans vote. La méthode du « rabot » est la seule imaginée pour préserver le dogme des baisses d’impôts. Assortis d’un discours démagogique sur des économies « pour l’Etat, pas pour les français… », les choix opérés pour réduire les dépenses mettent à contribution des sujets pourtant identifiés comme prioritaires : la transition écologique, l’emploi, la recherche et l’enseignement supérieur… Autant de décisions qui altèrent en profondeur le sens et la valeur de la parole publique et qui concentrent toujours l’effort sur les plus modestes. Dans le même temps, les établissements du champ sanitaire, social et médico-social ont bien compris que les déficits massifs, générés par la triple contrainte inflation, hausse imparfaitement couverte de la masse salariale et retard dans la reprise d’activité, ne seraient pas compensés. C’est le retour, « dans le silence de l’administration » des économies budgétaires et de la pression sur les effectifs. La censure de la loi immigration par le Conseil constitutionnel a permis sur le fond d’éviter l’entrée dans notre droit de dispositions qui contrevenaient à des principes essentiels de la République et de la citoyenneté. Que le président de la République lui-même ait déféré le texte, après le scénario de son adoption, donne à voir la grave crise des institutions que nous connaissons. L’épisode aura au moins permis à l’exécutif de prendre la mesure de la gravité de la situation des médecins étrangers à diplôme hors union européenne. Le SYNCASS-CFDT se mobilise pour proposer des solutions dignes et durables pour ces professionnels investis et indispensables dans de nombreux établissements. Avec toute la CFDT, le SYNCASS-CFDT continue à peser pour que les réalités du monde du travail soient prises en compte. Elles sont souvent complexes. Le slogan de la simplification sert trop couramment de prétexte à un exercice du pouvoir vertical qui fait peu de cas des corps intermédiaires, ou qui sélectionne ses interlocuteurs, comme le montre le traitement de la crise agricole. Les alertes qui se multiplient sur la dégradation de la cohésion sociale et territoriale réclament encore et toujours des diagnostics partagés et des solutions coconstruites.

L’édito – Novembre / Décembre 2023

Dans notre environnement professionnel si complexe, et souvent si critique, il est des visions et des récits qui viennent rappeler la brutalité à laquelle sont confrontés collègues et patients touchés par des guerres. L’an dernier, la frappe aérienne sur la maternité de Marioupol en Ukraine avait suscité l’émotion. Ces dernières semaines, plusieurs hôpitaux de Gaza ont été à la fois des théâtres de combats entre l’armée israélienne et le Hamas, tout en étant sous pression maximale pour soigner les blessés du conflit. Ils sont aussi les enjeux d’une guerre de communication et d’images entre les deux protagonistes. La confédération CFDT a rappelé que les issues à ce terrible engrenage se trouveraient dans les camps de la paix israéliens et palestiniens. Des images d’hôpitaux détruits nous rappellent combien la paix en Europe est un bien précieux qui doit s’entretenir et se cultiver. Le SYNCASS-CFDT propose dans cette newsletter de découvrir ou de revoir les temps forts de la journée qu’il a organisée le 24 novembre dernier sur les thèmes du défi climatique et de la crise du système de santé. Les participants ont pu croiser les points de vue du citoyen et du professionnel confrontés l’un comme l’autre à un enjeu décisif. La CFDT dans son ensemble en a fait l’épine dorsale de son projet revendicatif. Car c’est un sujet syndical. Le changement climatique implique des mutations et des adaptations qui touchent au cœur les organisations, les conditions de travail et l’environnement du travail. Depuis cette journée, la confédération CFDT a communiqué son manifeste pour une transition écologique juste. C’est toute l’organisation qui se mobilise notamment pour la formation de ses cadres et de ses adhérents. Il s’agit de porter à tous les niveaux les exigences du monde du travail par rapport aux bouleversements induits par le changement climatique, depuis l’élaboration du diagnostic jusqu’à la construction et à la mise en œuvre des solutions. S’agissant du système de santé au sens de l’OMS, ce sujet engendre un changement de paradigme dont Eloi LAURENT et Emmanuel RUSCH ont démontré l’évidence et la pertinence. Décarboner le système de santé est nécessaire et nourrit des initiatives que nos intervenants de l’après-midi ont développées. Faire de la santé du vivant l’objectif majeur d’avenir des politiques publiques appelle des changements radicaux dans les priorités des pouvoirs publics. Le virage de la prévention et de l’éducation à la santé, la remise en cause du tout-curatif supposent des efforts sur de multiples plans. Il est flagrant par exemple que les déterminants purement commerciaux (tabac, alcool, alimentation, pollution…) des principaux problèmes de santé publique des pays occidentaux (diabète, obésité, addictions, santé mentale, cancer, etc.) continuent à être mis en balance avec des préoccupations économiques de court terme, et à courte vue, laissant une place démesurée aux lobbys industriels au détriment de l’intérêt général. Ce changement nécessaire de l’ordre des priorités n’a pas trouvé hélas d’illustration avec l’adoption, après des péripéties pitoyables, d’une loi immigration qui tourne le dos aux fondamentaux de la République. Alors que des millions de Français souffrent de précarité alimentaire, de mal-logement, de mal-éducation, de réduction d’accès à l’emploi comme à la santé, un tel choix est profondément délétère. Dans tous nos secteurs, l’accueil et le soin des étrangers les plus vulnérables risquent d’être placés sous tension croissante. Les étudiants et professionnels étrangers qui participent au fonctionnement des établissements vont également en subir les conséquences néfastes. Qui peut croire qu’un bien-être collectif peut résulter des obstacles et des freins placés sur la route de personnes qui fuient les conflits et la pauvreté ? Nous devrons garder le cap d’une nation solidaire dans une Europe qui ne tourne pas le dos au monde. Le SYNCASS-CFDT, au nom des valeurs qui sont les siennes et celles de la CFDT, prendra toute sa place dans les débats et les combats qui s’annoncent.

L’édito – Septembre / Octobre 2023

Face aux difficultés rencontrées par nos secteurs d’activité, le gouvernement a usuellement considéré que le pire avait été évité dans la gestion de la période estivale. Il semble ne pas prendre la mesure, une fois de plus, des efforts qui sont déployés, au risque de l’épuisement, dans nombre de territoires et d’établissement pour éviter le collapsus dans la continuité des prises en charge et la réponse aux besoins des populations. En témoignent le fond d’aide « mesurette » au sortir de l’été pour soutenir les EHPAD les plus en difficulté : non que ces 100 millions € ne soient pas utiles mais ils apparaissent bien pauvres au regard de l’ampleur de la dégradation de la situation sur le terrain. Plusieurs départements s’en alarment d’ailleurs, et c’est sans doute ce qui a conduit le gouvernement à y répondre. Alors que les rapports s’accumulent pour démontrer à quel point le système de tarification ternaire est à bout de souffle, le projet de PLFSS 2024 affiche une réforme seulement optionnelle de la fusion des sections soins et dépendance, laissée au choix des départements. Si ceux-ci, comme ce fut le cas pour le secteur de l’Enfance, privilégient une vision de leurs compétences en tant qu’attribut de pouvoir, on peut craindre un impact limité d’une réforme pourtant relativement consensuelle. Après avoir ouvertement négligé les élus dans les débuts du premier quinquennat du Président de la République, le pouvoir actuel exprime une pusillanimité paralysante malgré les urgences du secteur. Ce PLFSS 2024 ne contient pas grand-chose pour susciter l’adhésion, encore moins l’enthousiasme. La réforme du financement de l’hôpital, annoncée avec fracas mais encore peu détaillée et négligeant à la fois la lisibilité et la robustesse, ne saurait réussir si l’ONDAM est d’emblée sous-évalué. L’exécutif n’a manifestement pas compris que la décennie précédente a essoré le système de santé, et notamment les professionnels de santé dont les compétences font défaut dans bien des territoires : comment interpréter autrement le retour de ficelles éculées comme les économies demandées encore et toujours sur les achats ou sur les transports ? Comment ne pas être frappé par les expédients de recettes avec l’augmentation de forfaits sensés responsabiliser les patients ? C’est par les mesures les plus contestables socialement que le gouvernement recherche des ressources dont ils se prive par ailleurs dans sa politique fiscale, en particulier les exonérations de cotisations inconditionnelles aux entreprises. Quoiqu’il en soit, cette présentation alimente une expression décomplexée des lobbys comme les laboratoires de ville ou le privé lucratif qui réclament le maintien de leurs marges. La politique de santé manque tout simplement de courage. Le SYNCASS-CFDT ne partage pas tous les éléments posés par le collectif « Nos services publics » sur l’état des services publics paru en septembre. Mais le constat d’ensemble est juste : les deux dernières décennies ont opéré un décrochage entre l’évolution des besoins et les moyens qui y sont consacrés, produisant de fait une altération de la confiance des usagers et une perte de sens pour les agents. Le PLFSS 2024 et la communication qui l’entoure ne rectifient pas le tir. La pratique du dialogue social est une voie essentielle pour retrouver une dynamique positive : il reste pourtant erratique. La conférence annuelle sur les bas salaires qui se tiendra le 16 octobre affiche son intention de stimuler les négociations de branche. L’Etat employeur, lui, reste réticent à engager une négociation construite. Pendant ce temps, les partenaires sociaux ont bien du mérite à trouver un accord sur l’assurance chômage ou les retraites complémentaires dans un cadre financier préalablement contraint par l’Etat, qui laisse planer la menace d’une ponction des régimes concernés gérés paritairement. Dans nos secteurs, alors qu’un accord semble se dessiner sur le chantier de la convention collective étendue de la BASSMS, la tournure prise par les discussions statutaires des corps de direction conduit le SYNCASS-CFDT à appeler à la grève et à la mobilisation le 19 octobre prochain. Aucun arbitrage sur les modifications espérées concernant le statut des directeurs des soins, discussions enlisées sur la transposition du statut des administrateurs de l’Etat pour les DH, mise à l’écart délibérée des D3S de la réforme de la haute fonction publique : la coupe est pleine ! La différence de traitement comme de calendrier entre la fonction publique de l’Etat et la fonction publique hospitalière est flagrante ! Tous les collègues doivent exprimer haut et fort leur besoin de reconnaissance et de considération. Ce début d’automne aux températures anormalement élevées, après une fin d’été éprouvante et l’enchaînement d’évènements dramatiques, manifeste une nouvelle fois l’ampleur du réchauffement climatique et de ses impacts sanitaires tant pour les salariés, y compris ceux de nos établissements, que pour les populations. C’est conscient de cet enjeu que la CFDT, sous l’impulsion de sa nouvelle secrétaire générale, en a fait un axe majeur dans l’expression de ses prises de positions et de ses revendications, tant dans le registre de la gestion de crise que dans celui des politiques de moyen et long terme. Le SYNCASS-CFDT s’implique résolument dans cette démarche : le défi que pose le changement climatique au système de santé sera le thème de la journée nationale du 24 novembre prochain. Nous aurons à cœur de prendre la pleine mesure des implications de ce bouleversement et de réfléchir aux voies et moyens pour y faire face. Nous vous attendons nombreux et motivés !

L’édito – Mai / Juin 2023

Cet éditorial est l’occasion de revenir sur le changement de secrétaire général du SYNCASS-CFDT intervenu lors du conseil syndical du 16 mai dernier. Anne MEUNIER a choisi de tourner une page militante riche d’engagement, exigeante et combative. Nous avons préparé cette succession, forts du travail collectif traduit dans nos textes de congrès, dans les débats au sein du conseil syndical et avec les adhérents. Grâce à la continuité de l’implication de l’équipe nationale, je suis convaincu que nous pourrons poursuivre l’action déterminée au service des adhérents et de l’ensemble des collègues de nos secteurs. Ce changement de responsable syndical entre deux congrès est intervenu également au niveau de notre confédération. Le SYNCASS-CFDT était présent pour la passation de témoin entre Laurent BERGER et Marylise LEON le 21 juin dernier au Zénith de Paris. Ce temps fort a fait la preuve de l’audience acquise par notre organisation et a été une démonstration de cohésion et de cohérence de la CFDT. Il a permis aussi d’afficher une succession des plus sereine dans un état d’esprit festif et amical. En septembre 2021, nous avions apprécié l’intervention de Marylise LEON lors du dernier congrès du SYNCASS-CFDT. Nous espérons pouvoir lui proposer très vite d’autres occasions d’expression lors de nos rassemblements en tant que nouvelle secrétaire générale. Le mouvement contre la réforme des retraites a confirmé le regain de crédibilité des syndicats auprès de l’ensemble des salariés et plus largement dans la population. L’intersyndicale est restée soudée sur l’essentiel et la CFDT en a pleinement assumé la conduite en tant que première organisation syndicale française. Le mouvement a remis au centre du débat public la place du travail dans notre société : son contenu, sa charge, son sens. Les axes de réflexion portés par les assises du travail dans le cadre du conseil national de la refondation pointent des constats et des propositions porteurs pour les secteurs sanitaires et médico-sociaux : que cela se situe au niveau des pratiques managériales et de l’autonomie laissée aux salariés, ou à celui des conditions de travail et de l’effectivité des droits. Insister sur les outils et les enjeux de prévention des risques professionnels est impératif : les débats sur la retraite ont révélé la mauvaise position de la France en Europe sur le plan de la sinistralité des accidents du travail. L’ensemble des secteurs d’activité doit prendre conscience que les gains de productivité et l’intensification de la charge de travail affectent la performance globale des entreprises comme celle des services publics, dont la mesure ne peut pas être seulement considérée sous l’angle économique. En ce début d’été où les tensions et les fractures sociales s’attisent, bien peu de signaux positifs sont émis au niveau des politiques publiques. L’énumération de plans de toute nature masque le recyclage de mesures arbitrées depuis longtemps mais toujours pas mises en œuvre. Le grand âge est une caricature de la procrastination gouvernementale. Le choix délibéré de l’exécutif de ne pas recourir à la fiscalité, tout en martelant l’impératif de la réduction de la dette, plombe les perspectives et conduit à des tête-à-queue, y compris dans des axes importants de la politique de la mandature précédente : en témoigne l’annonce du déremboursement des soins dentaires transférant vers les complémentaires une charge de 500 millions d’euros, à rebours des avancées intervenues après 2017 dans ce domaine. Il est inconcevable que des engagements de l’Etat actés lors du Ségur de la santé soient à nouveau renvoyés à des arbitrages nébuleux, comme sur les indemnités de nuit. La conduite des évolutions statutaires pour les corps de direction, pour les médecins, pour les ingénieurs et les attachés alterne relances, coups d’arrêt, mesures unilatérales et concertations mal préparées. Le discours de restauration de l’attractivité du ministre de la fonction publique ne peut pas s’incarner de façon cohérente et lisible avec une méthode aussi bancale. Dans ce contexte, le SYNCASS-CFDT est en soutien de tous les collègues qui s’apprêtent à tenir et maintenir les activités durant l’été, trop souvent dans des difficultés majeures d’effectifs et de financement. Il nous revient de porter partout avec force les aspirations de tous à redonner du sens aux missions de chacun.

L’édito – Janvier / Février 2023

Ce mois de février marque le triste anniversaire de l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Ce conflit s’est installé dans l’actualité, avec ses rebondissements militaires, ses pertes humaines inconcevables et son cortège d’horreurs. S’il a suscité une réaction coordonnée de l’Europe en soutien de la défense du peuple ukrainien et de l’accueil des réfugiés, ses conséquences à l’échelle du continent sont immenses. Elles bousculent les priorités que nos sociétés doivent arbitrer ; elles amplifient des mécanismes qui déstabilisent nos économies, alimentant en particulier la hausse de certains prix. Nos secteurs d’activité en sont fortement impactés par l’inflation, tirée par les prix de l’énergie et par des facteurs multiples que la crise sanitaire avait déjà favorisés. Dans ce contexte, l’année 2023 a commencé dans un brouillard à peu près total sur la façon dont les pouvoirs publics allaient cadrer les ressources des établissements : des annonces floues pour le secteur des personnes âgées avec la perspective d’une refonte de la tarification ternaire à laquelle plus personne ne croit vraiment ; la garantie de financement mise en extinction progressive pour les établissements de santé. Le dispositif de sécurisation de l’activité qui vient d’être présenté tente de rétablir progressivement un lien entre financement et volume d’activité. Mais outre les restrictions de capacités toujours présentes dans une majorité d’établissements, les impasses sont nombreuses : qu’il s’agisse du périmètre des recettes concernées ou de la prise en compte réelle des charges, y compris les plus simples à modéliser comme l’augmentation du point d’indice. Ce dispositif complexe doit laisser la place dès le PLFSS 2024 à un nouveau modèle. Ce ne sont pas les propos tenus par le Président de la République le 6 janvier dernier qui ont éclairé les hospitaliers sur le devenir de la T2A, tant le discours recyclait des généralités maintes fois exprimées. L’inquiétude est majeure face à l’augmentation des charges comme à la dérive des coûts des investissements immobiliers relancés suite au Ségur de la santé. La mission qui vient d’être confiée à l’ANAP pour éclairer l’évolution des coûts de la construction est ardue. D’ores et déjà, on peut anticiper une volatilité accrue des charges qui se complique avec l’impératif de réviser le cadrage des projets, dont la prise en compte de la consommation énergétique des bâtiments en premier lieu. Ce discours du 6 janvier a réservé une surprise de taille : la remise en chantier de la gouvernance des hôpitaux… que le Ministre de la santé écartait en octobre lors de l’ouverture du Conseil national de la refondation. Les acteurs de la gouvernance, depuis les directeurs d’établissements, en passant par les présidents de CME et les directeurs adjoints coordonnateurs généraux des soins, restent à la fois stupéfaits par cette annonce, et en colère devant un tel manque de discernement sur les priorités de l’heure. Ébranlés par la crise sanitaire, en proie à une grave crise d’attractivité, accaparés par une application radicale et peu préparée des dispositions de la Loi Rist sur les rémunérations médicales excessives, les établissements et leurs responsables administratifs et médicaux ont tellement mieux à faire que de réinterroger leurs rôles, alors même que l’encre des chartes de gouvernance issues des textes de 2021 est à peine sèche ! Dans les concertations qui s’ouvrent, le SYNCASS-CFDT ne fera pas la politique de la chaise vide.  Cependant, il n’entend nullement se prêter au jeu stérile de propositions ou autres contre-propositions qui justifieraient ce chantier inepte par nature et inacceptable par le moment choisi pour le lancer. Dans la même veine des réformes menées tambour battant et à contretemps, celle des retraites présentée le 10 janvier et mise en discussion au Parlement suscite un rejet massif. La CFDT est aux premières loges dans la stratégie de l’intersyndicale d’une mobilisation sans précédent depuis 30 ans. Le mouvement syndical dans son ensemble fait preuve de détermination et de responsabilité et recueille un soutien très majoritaire dans l’opinion. C’est positif, et cela devrait faire réfléchir l’exécutif empêtré dans un projet dont chacun peut mesurer le caractère injuste. Les inégalités d’espérance de vie et surtout d’espérance de vie en bonne santé amènent à une conclusion limpide : le décalage de l’âge légal de départ en retraite aboutit à faire travailler davantage ceux qui pourront le moins en profiter. Cette réforme fait payer le prix du « quoi qu’il en coûte » aux travailleurs, et surtout aux travailleuses de première et seconde ligne, dont beaucoup de salariés du sanitaire et du médico-social. Il n’est pas trop tard pour que la raison l’emporte et que le pouvoir trouve d’autres voies que cette obstination à renier les promesses solennelles prononcées notamment au sortir de la première vague du COVID. L’échec retentissant des négociations conventionnelles entre les syndicats de médecins libéraux et l’assurance maladie montre la difficulté à faire évoluer le fonctionnement de la médecine de ville, elle aussi en crise. La revendication sur l’évolution du tarif de la consultation se double d’une crispation sur le périmètre d’intervention des autres professions de santé et les collaborations nécessaires. Il est inquiétant de voir à quel degré les expressions les plus corporatistes ont donné le ton dans les débats et combien la « reconnaissance » que réclame les libéraux passe par leurs seuls revenus, garantis par la solidarité nationale, sans prise en compte de la responsabilité que l’ensemble des acteurs leur demandent d’assumer dans l’accès aux soins premiers des populations. Dans ce paysage troublé qui n’incline pas à l’optimisme, le SYNCASS-CFDT reste ferme, pugnace et déterminé, fort de la confiance de ses adhérents et des collègues qui lui ont renouvelé sa confiance lors des élections de décembre dernier. Le calendrier des rencontres sur les évolutions statutaires des corps de direction de la FPH a été annoncé par la DGOS entre mars et juin. C’était attendu. Le SYNCASS-CFDT saisira toutes les opportunités pour faire aboutir les revendications qu’il a développées lors de la campagne électorale. L’aboutissement positif des négociations salariales dans le champ de l’hospitalisation privée à but lucratif montre que la ténacité paie. C’est aussi un point d’appui pour débloquer

L’édito – Novembre / Décembre 2022

Dans une actualité générale toujours sombre, où dominent la guerre, le dérèglement climatique et les inquiétudes économiques, nos secteurs d’activité continuent d’alimenter le pessimisme ambiant en particulier du fait de l’altération continue de l’accès aux soins et aux accompagnements. Les dernières semaines n’ont pas interrompu le cycle des crises sectorielles, la pédiatrie ayant relayé un temps les urgences adultes, la psychiatrie, les personnes âgées… Au vrai, aucune de ces crises n’est surmontée. Au mieux, elles passent une acmé qui permet aux pouvoirs publics de communiquer sur l’air du pire qui a été (grâce à eux) évité. Pourtant, pas grand monde n’est dupe. Les dégâts s’accumulent et installent un fatalisme qui pousse au repli sur soi. Il accroît aussi un sentiment d’impuissance publique nourri par des attitudes choquantes, à l’instar du mouvement de grève des examens orchestré par les laboratoires privés. Cette impuissance publique s’est aggravée depuis une gestion de crise épidémique chaotique, dont on discerne encore mal la queue de comète : on se demande pourquoi, par exemple, les pouvoirs publics sont aussi frileux pour agir en prévention, en milieu scolaire notamment, au regard de la précocité des épidémies hivernales ? Si le mot de prévention a été accolé au nom du Ministère, est-ce seulement pour proposer trois consultations gratuites durant la vie de chacun ? Des mesures teintées de volontarisme soulèvent des oppositions résolues : il en est ainsi de la quatrième année du cursus de médecine générale en discussion dans le cadre du PLFSS qui a suscité une première vague de grève des internes au moment du changement de semestre de novembre. Il risque d’en être ainsi pour toute décision inscrite dans la logique de la « clause du grand-père », cherchant à imposer les contraintes aux nouveaux entrants, sans modifier les situations déjà acquises. Pourtant, d’autres initiatives témoignent de tentatives méritoires de rompre avec les totems et les tabous sur la régulation de l’installation. L’initiative du député Thomas MESNIER proposant dans le cadre de la discussion du PLFSS un régime d’autorisation pour l’installation des praticiens en zone sur-denses (13% du territoire) est intéressante à cet égard, car elle cherche à agir contre le creusement des inégalités entre territoires, d’autant plus insupportables quand la pénurie de professionnels s’aggrave. Elle cherche aussi à sortir des fausses solutions comme les mesures financières et fiscales incitatives et le conventionnement sélectif qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Grâce aux nombreuses remontées de ses adhérents sur le terrain, le SYNCASS-CFDT est lucide sur la gravité de la situation de beaucoup de services et établissements. Il est dubitatif sur le renvoi au conseil national de la refondation de l’ensemble des problématiques lourdes soulevées par la crise de notre système de santé. Non que la démarche en elle-même soit viciée : il est toujours utile de créer les conditions d’échanges et de propositions entre acteurs de terrain au niveau territorial. Cependant, la méthode présente le risque d’évitement des sujets qui sont du ressort du gouvernement et de la majorité parlementaire qu’il pourra constituer sur ce thème, par adhésion ou par défaut. Il s’agit notamment du financement de nos secteurs. Ils restent trop souvent considérés seulement comme des coûts, comme en témoigne la perspective pluriannuelle esquissée par le PLFSS basé sur une trajectoire préoccupante. Les politiques délétères d’étranglement financier ne sont pas abandonnées, alors que leurs responsabilités dans la situation actuelle sont écrasantes. Sommés de financer par des efforts d’économies déraisonnables les politiques de compétitivité fiscale et sociale de la décennie précédente, les activités sanitaires et médico-sociales ont vu les conditions de travail de leurs personnels se dégrader, sur fond de stagnation des rémunérations et d’augmentation de la productivité, en clair de la charge de travail. Le Ségur de la santé a marqué une inflexion nette, mais il reste très affaibli par une mise en œuvre laborieuse et le différé de la compensation des sujétions liées à la continuité et à la permanence des activités. Nul besoin du conseil national de la refondation dans ses différentes composantes (santé, bien vieillir, …) pour débloquer ce dossier ! L’adoption dans le PLFSS d’un principe de « responsabilité collective de permanence des soins » est une annonce en trompe l’œil, puisque rien n’est dit sur la possibilité de revenir sur la funeste décision de 2003 qui a introduit le principe du seul volontariat pour y participer. Dans ce contexte difficile, le SYNCASS-CFDT mobilise ses forces vives pour étoffer ses critiques, ses analyses et ses propositions. Les journées du 24 et 25 novembre constituent notre point d’orgue de la campagne électorale pour les élections professionnelles dans les trois corps de direction de la fonction publique hospitalière. Forts du travail constant et cohérent de l’équipe nationale, de la dynamique de nos adhésions et de l’implication de nos militants, nous abordons l’échéance avec détermination et confiance. Nous comptons sur chacun de vous pour voter et pour faire voter pour le SYNCASS-CFDT et conforter tant notre projet pour tous les directeurs que notre légitimité à agir en votre nom.

L’édito – Septembre / Octobre 2022

En cette rentrée, un coup d’œil dans le rétroviseur de l’été est utile avec encore en mémoire les épisodes de forte chaleur qui auront occupé en continu le devant de la scène. L’été 2022 a entretenu un contexte de crise, la crise climatique et énergétique relayant la crise épidémique. La continuation de la guerre en Ukraine sur la durée contribue aussi à une actualité anxiogène qui n’est pas sans conséquences sur certains des publics fragiles que nos secteurs prennent en charge. Les résultats des élections législatives ont débouché sur une Assemblée Nationale hétéroclite, l’exécutif ne disposant que d’une majorité relative. Les mécanismes institutionnels favorisant la majorité pour le Président réélu se sont avérés inopérants. L’impressionnante poussée de l’extrême-droite participe au renforcement d’une atmosphère de crise, crise de régime cette fois. Le mois de juillet a donné un coup de projecteur inhabituel sur la vie parlementaire, notamment avec le débat du collectif budgétaire destiné à faire face à la crise énergétique et à l’inflation. Même si la perception d’une Assemblée Nationale moins « godillot » qu’à l’accoutumée est une bonne chose, les débats ont eu du mal à sortir des jeux de posture et des compromis approximatifs. Une tendance nette s’est dessinée qu’il faudra analyser pour la suite de la mandature : un commun dénominateur des arbitrages rendus consiste à baisser les ressources dont disposent les pouvoirs publics (à l’instar de la redevance sur l’audiovisuel) tout en créant des dépenses nouvelles, parfois dans des proportions très importantes. La CFDT s’est inquiétée de cette politique et des discours qui l’accompagnent, sources de délégitimation de l’impôt et d’affaiblissement de l’action publique. Durant ces débats, les revalorisations salariales dans la fonction publique avec l’augmentation de la valeur du point d’indice ont fait l’objet d’annonces de principe quant à leur compensation dans les budgets des établissements. Une bonne partie du champ médico-social reste pourtant à l’écart de tout accompagnement, par exemple les emplois financés par les départements pour la section hébergement. Le secteur privé partait de négociations conventionnelles en panne :  la hausse du SMIC et la stagnation de la valeur de point des grilles existantes laisse sans réaction les fédérations d’employeurs pour le moment sauf à réclamer un alignement financé par fonds publics. Face aux ruptures de fonctionnement normal de l’accueil des urgences dans de nombreux territoires, notamment la nuit et les week-ends, l’exécutif a mis en place une « mission flash » confiée au Dr Braun, nommé ministre de la santé et de la prévention depuis. Celle-ci a entériné des solutions palliatives de court terme, en particulier la régulation téléphonique en amont de l’accueil physique des patients aux urgences, organisation adoptée depuis le printemps dans quelques établissements. Fréquemment tendue en juillet en raison des pénuries de personnels et des fermetures de lits plus importantes qu’à l’accoutumée, l’activité a décru en août. Cela a permis au Ministre de se féliciter d’une situation globalement maîtrisée par rapport aux inquiétudes initiales. Les acteurs de terrain goûtent médiocrement cet exercice de promotion de solutions qui n’en sont pas et qui masquent le défaut de vision à moyen terme et long terme. Les perspectives de prise en compte réelle des graves déséquilibres dans la prise en charge sanitaire et médico-sociales de la population par la conférence des parties prenantes et du conseil national de la refondation avancées par l’exécutif restent encore très incertaines. Sur le terrain en effet, l’amertume est palpable. Les établissements médico-sociaux continuent de souffrir de désaffection de personnels qualifiés et d’impasses de gestion. Dans le même temps, le dialogue de gestion avec les ARS est un mot creux pour beaucoup de collègues qui font face, pour certains, à des tensions majeures de trésorerie. Les établissements de santé voient la garantie de financement prorogée jusqu’à la fin de l’année sans que des perspectives de moyen terme soient esquissées pour rétablir un pilotage cohérent. Cela accroît les tensions entre le secteur public, la FEHAP et la FHP. Le cadrage du PLFSS s’ouvre dans un contexte économique préoccupant qui n’incline pas à l’optimisme. En ce mois de septembre, le SYNCASS-CFDT se mobilise dans la perspective des élections professionnelles de la fonction publique : trois rendez-vous régionaux sont autant d’occasions de réunir adhérents et sympathisants autour des thématiques de la responsabilité, de la régulation de l’offre de soins et de l’attractivité. Cette mobilisation ira crescendo avec deux autres rendez-vous en octobre, sur le financement à Rennes, et sur les questions statutaires à Lyon. Son point d’orgue sera les journées du 24 et 25 novembre prochains à Paris au Pavillon La Chesnaie du Roy. C’est le sujet du RESPECT que l’équipe du SYNCASS-CFDT a choisi pour thème de fond de ces journées nationales : un temps fort qui fait écho à tant de témoignages alarmants sur la manière dont nos fonctions sont déconsidérées, dévalorisées, voire ignorées, laissant les professionnels dans des dilemmes d’une nature inédite. Le SYNCASS-CFDT y portera haut le respect des responsabilités de chacun.

L’édito – Mai / Juin 2022

Tandis que l’Europe reste plongée dans une guerre qui dure, notre pays est rentré dans un tunnel électoral dont on ne verra le bout qu’avec le deuxième tour des élections législatives. La nomination d’une Première ministre et d’un gouvernement, suspendus au résultat de l’élection d’une majorité parlementaire, laisse la décision publique atone. Pourtant, les urgences se télescopent avec une situation économique inquiétante, la survenue d’une inflation durable que la majorité des actifs n’a jamais connue et des difficultés en cascade dans les services publics, dont celui de la santé. A ce titre, les déboires des concours de recrutement des professeurs des écoles, particulièrement en Ile de France avec une académie dans laquelle on compte trois postes à pourvoir pour un admissible, soulignent la crise de l’attractivité de certains métiers. De nombreux autres domaines d’activité témoignent de problèmes de recrutement. Beaucoup d’employeurs privés et publics découvrent effarés ce retournement de tendance parfois brutal. Cette illustration spectaculaire résonne dans les secteurs d’activité du sanitaire, du médico-social et du social. On assiste à un effet de bascule saisissant avec des expressions entendues aux débuts de la crise sanitaire, mêlant reconnaissance des soignants dans l’opinion et fierté des professionnels d’avoir fait face, même dans des conditions très difficiles, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les établissements médico-sociaux. Aujourd’hui, les représentations qui dominent nos secteurs sont les reculs ou même le délabrement du service au public et de ses établissements, le désenchantement ou même la fuite de ses agents. Le SYNCASS-CFDT, avec d’autres, avait alerté depuis des années sur les effets délétères des politiques publiques de rabot des financements tant sur le volet sanitaire que dans le médico-social. La capacité de résilience du système, tant vantée au début de la crise, montre pourtant ses limites. Le manque de moyens a contraint les acteurs à des efforts d’efficience qui ont fini par porter atteinte au sens des missions. Notre système de santé est miné de l’intérieur par des contradictions persistantes : financements socialisés et opérateurs à but lucratif ; liberté d’installation pour tous mais permanence des soins pour certains seulement et inégalités d’accès aux soins ; exigences de productivité et aspirations à des conditions de travail conciliables notamment avec les rythmes sociaux et familiaux de la majorité de la population et sous rémunération des sujétions lourdes inhérentes aux métiers du soins. Comme le SYNCASS-CFDT l’a déjà souligné, l’inflexion de trajectoire pourtant réelle des ONDAM depuis 2020 et du Ségur de la santé ne produit pas l’élan, ou même l’apaisement espérés. L’été s’annonce très difficile dans de nombreux territoires et les expédients se multiplient pour tenter de préserver l’essentiel. La définition même de l’essentiel fait polémique comme le montre le débat très rude entre le maintien des lignes de permanence des SMUR et l’ouverture de certains SAU. Mission flash sur les urgences, « conférence des parties prenantes » sur la santé, toujours les mêmes outils éculés sans annonces concrètes qui ne peuvent rassurer. Au niveau territorial, l’attitude de conseils départementaux qui continuent comme dans le « monde d’avant » à décider des tarifs d’hébergement sans rapport avec l’évolution des charges relativise le discours sur le bon sens des élus « de terrain » dont certains réclament sans discernement la maîtrise totale du pilotage. Pour un syndicat qui a fait des conditions de travail un volet essentiel de son action, le défi à relever est considérable car c’est là que se cristallisent les tensions les plus fortes. La pénurie d’effectifs de professionnels et l’affaiblissement des collectifs de travail engagent une spirale négative redoutable et il est crucial d’identifier les leviers qui permettraient d’en sortir. Donner de la visibilité sur un desserrement de la contrainte financière est un point clé. Il permet de projeter les investissements nécessaires et de les négocier avec de réelles marges de manœuvre : sur les qualifications et les effectifs ; sur la promotion professionnelle ; sur les conditions d’exercice et l’environnement de travail. Il faudra que ce message clair soit émis au plus haut niveau, et poursuivi sur la durée. Mais cela n’ira pas sans une prise de conscience citoyenne sur la régulation des installations médicales et le partage équitable de la contrainte et des sujétions entre tous les acteurs du soin et du social. La qualité du management et le respect des droits des agents sont des exigences que nous portons mais elle se heurte à la multiplication historique des facteurs exogènes dont les effets sont subis de plein fouet par toutes les équipes sur le terrain, y compris les directions et l’encadrement. Les possibilités heureusement offertes par la négociation d’accords collectifs majoritaires sont réellement saisies par les acteurs dont les directeurs, dès lors qu’elles sont accompagnées par les enveloppes du Ségur. Mais sans marge de manœuvre la question reste entière…Si les partenaires sociaux des deux côtés de la table ont bien le choix de la manière de faire, notamment par les nouveaux leviers du dialogue social que l’on doit à la CFDT, ils sont tous plongés dans les mêmes difficultés qui par définition ne dépendent pas de leurs seules bonnes volontés. Il ne faut jamais se tromper de cible, le sujet est systémique et dépend largement d’options politiques radicales, pas des seules directions ! Ces perspectives devront aussi se conjuguer avec la planification écologique qui désormais fait consensus, au moins sémantique, pour une large majorité de la représentation politique. Nos activités sont pleinement concernées. Gageons que la prise en compte de cet impératif participe de la revivification positive du cadre des prises en charge que nous assurons. Le pacte du pouvoir de vivre de la CFDT le promeut avec pragmatisme. Le SYNCASS-CFDT s’apprête à participer au congrès de sa confédération du 13 au 17 juin. La newsletter rendra compte de ce temps fort de la vie de l’organisation. La vigueur du collectif et la richesse des points de vue de toutes les composantes de la CFDT seront bienvenues pour tracer les perspectives des quatre années à venir. Nous en sommes fiers !

L’édito – Mars / Avril 2022

La guerre a surgi sur notre continent avec une brutalité à laquelle nous étions bien peu préparés. Les images des bombardements des villes ukrainiennes, y compris d’hôpitaux, celles des réfugiés fuyant leur pays par millions plongent nos générations dans l’effarement. Les réactions de l’Europe donnent paradoxalement le sentiment que l’évènement réveille les consciences sur le sens profond de l’Union. Mais les années 20 de notre siècle commencent par une série d’évènements qui brouillent tous les repères, bousculent toutes les certitudes, et nourrissent toutes les inquiétudes. À cet égard, et dans le débat en cours sur les élections présidentielles, le financement des services publics est sur la sellette. Nous avons dit que nos secteurs du sanitaire du médico-social et du social avaient subi des restrictions de financement délétères durant plus d’une décennie. Mais d’autres services publics sont mal en point : la justice par exemple connaît une crise qui n’est pas sans points communs avec nos réalités, avec des professionnels qui s’épuisent à répondre à des besoins sociaux croissants. Et voilà que la défense devient soudain, elle aussi, une priorité majeure de la période qui vient. La loi de programmation militaire de 2018 avait prévu une augmentation de moyens qui apparaît dépassée par les urgences du moment. Cet empilement de priorités donne le vertige. Les deux années « d’argent magique » de la pandémie ont accru la confusion sur les questions de leur financement. A 10 ans de politique de limitation des dépenses publiques au nom de la compétitivité de l’économie a succédé une fuite en avant que les échéances électorales de 2022 ont accru. Les tensions inflationnistes déjà présentes avant même la guerre en Ukraine s’accroissent dans des proportions inconnues depuis 25 ans, brouillant encore un peu plus l’horizon. L’autre combat reste celui mené contre l’épidémie du COVID 19. Malgré la décrue du nombre de patients en soins critiques, ce sont encore près d’un tiers des capacités en réanimation qui sont occupées par des patients atteints. La levée de la plupart des mesures de prévention, notamment le port du masque en intérieur, alimente une nouvelle fois les critiques d’un pilotage de la crise plus politique que sanitaire. C’est dans ce moment particulier que le Pr CHAUVIN, lors du « grand oral de la santé » organisé par la FHF le 17 mars, remet au gouvernement son rapport « dessiner la santé publique de demain ». Il pointe notamment les retards de notre pays dans la généralisation d’une culture de prévention qui rende acceptable des mesures proportionnées aux risques. Il souligne l’importance des inégalités en santé, moins imputables au système de soins lui-même qu’à des déterminants économiques et sociaux qui interrogent toutes les politiques publiques. Autre retard, qui traduit d’ailleurs ces inégalités, l’espérance de vie en bonne santé qui concerne moins d’un français sur deux à l’âge de 65 ans. Cet indicateur qui nous classe défavorablement parmi les pays européens prend un relief particulier à l’heure où certains s’engagent à augmenter l’âge légal de départ en retraite. Le lien s’impose avec le défi des politiques du grand âge. Dans les suites du scandale ORPEA, le gouvernement saisit la justice sur la base du rapport IGF-IGAS qui lui a été remis, et que nous ne pourrons pas lire. Le secret des affaires est invoqué. Que cette notion fumeuse, résultat d’un lobbying intense depuis des années, puisse faire obstacle à l’intérêt général est intolérable. L’argument que le rapport constitue une pièce de l’instruction à venir interroge aussi. Le plan de contrôle de l’ensemble des EHPAD annoncé début mars est-il crédible au regard de l’entreprise de délégitimation des contrôles à laquelle nous avons assisté depuis des années, traduite par des coupes dans les effectifs des services chargés de les effectuer ? Par ailleurs cette vague d’inspections noie le poisson en détournant le regard des pratiques délétères spécifiques au secteur privé lucratif. Il va cependant falloir également s’attaquer aux causes structurelles de la montée en puissance des opérateurs privés à but lucratif dans la création des capacités en EHPAD depuis 20 ans. Elle résulte en grande partie de la nécessité de mobiliser des capitaux nécessaires à la construction de places qu’aucune collectivité publique ne voulait plus assumer. Que va-t-on promouvoir dans les prochaines années alors que le défi démographique est tel que le virage domiciliaire ne pourra pas absorber tous les besoins d’hébergement ? Ce mois de mars a vu aussi la commémoration des 20 ans de la loi du 2 mars 2002 avec ses avancées sur la démocratie sanitaire et les droits des patients. Il est utile de mesurer le chemin parcouru dans la prise en considération des droits tant individuels que collectifs des patients. Il faut aussi prendre la mesure de celui qui reste à accomplir tant la gestion de la crise sanitaire, notamment dans sa première phase, s’est accompagnée de la marginalisation des représentants des usagers du système de santé. Le débat public a découvert ces deux dernières années que la France payait mal les métiers du soin et de l’accompagnement. Le Ségur a entamé un mouvement de rattrapage nécessaire mais dont on discerne les limites. Dans le contexte inflationniste déjà cité, la politique salariale appliquée à la fonction publique est à la croisée des chemins. En miroir de l’annonce encore imprécise du dégel du point de la fonction publique, des pistes de refondation du modèle de rémunération des agents publics sont abordées dans le compte rendu de la conférence salariale de la fonction publique proposée en lien dans cette newsletter. De nouvelles approches encore en gestation sur la combinaison entre des garanties socles et des éléments variables de rémunération sont abordées. Ces réflexions sont utiles pour améliorer sur le moyen terme l’attractivité de la fonction publique. En regard, la réaffirmation du cadre statutaire articulé avec la négociation entre l’Etat et les représentants syndicaux est une référence indispensable. L’ensemble de ces thèmes devrait traverser la campagne présidentielle en cours. Le contexte, quand ce n’est pas la tactique de certains candidats, produit l’impression de débats trop largement escamotés. Il faut saluer les efforts de nombreuses composantes de la société civile, dont