L’actualité des établissements reste rude : la proposition de loi déposée pour le secteur du grand âge qui ne comporte aucune traduction en termes d’allocation de ressources ne masquera pas la situation alarmante que les collègues doivent gérer au quotidien. Nombreux sont les témoignages de collègues qui nous interpellent dans un contexte où des professionnels sont encore exclus du CTI et où l’attractivité des métiers de la santé et la qualité de vie au travail sont ignorées. Face à l’érosion croissante des effectifs, le SYNCASS-CFDT réitère sa proposition de revalorisation traduite par l’unicité statutaire DH-D3S, indispensable pour une juste reconnaissance des compétences.
Alors que ce jour signe la dixième journée de mobilisation de rejet massif de la réforme de la mesure d’âge de départ à la retraite, cette CAPN est l’occasion de mettre en lumière l’actualité des différents secteurs d’activité des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Son retentissement est toujours conséquent sur les conditions d’exercice de leurs directrices et directeurs.
Les dernières « Assises des soins en EHPAD » ont été le lieu d’une surenchère d’annonces concernant le secteur du grand âge. Cela a commencé par une accélération du calendrier prévu pour le Conseil national de la refondation « bien vieillir » qui ne semble pas refonder grand-chose pour aboutir aux solutions que nous attendons. Au-delà de tout ce qui a été écrit et partagé par tous les acteurs depuis des années, et qui l’est encore, la restitution de la feuille de route regroupant plusieurs pistes et programmée pour le mois de mai se voit prise de vitesse par la proposition de loi déposée par les parlementaires de la majorité. Nous attendions plutôt un projet de loi gouvernemental traduisant les attentes citoyennes et professionnelles et surtout les promesses présidentielles, déjà jetées aux oubliettes lors du mandat précédent.
Ce traitement pose d’autant plus question qu’il succède à des années de temporisation des engagements au plus haut niveau de l’Etat. Il n’est pas acceptable que cette proposition de loi, sans énoncer sa traduction en termes de modalités d’allocations de ressources et tout bonnement de financement, n’apparaisse que comme une variable d’ajustement pour passer à autre chose après la réforme des retraites.
Le SYNCASS-CFDT réitère ses alertes sur la situation des établissements et les conditions d’exercice des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux qui les dirigent :
- impasses de trésorerie des EHPAD publics, déficits inédits prévisibles sur l’année 2023 en lien avec la baisse du taux d’occupation, les sous financements des mesures salariales (Ségur, prime grand âge) et l’impact de l’inflation en particulier sur les charges d’hébergement non assumées par les conseils départementaux ;
- difficultés de recrutement et d’attractivité des emplois de la FPH aggravée pour le handicap et l’enfance par l’absence inéquitable de versement du CTI.
Dans ces conditions, la désaffection grandissante des emplois supérieurs de D3S devrait alarmer au plus haut niveau. La dernière instance collégiale en a été une fois de plus l’illustration. Rien ne nous étonne plus et le nombre de situations signalées au CNG témoigne des difficultés d’exercice auxquelles les D3S sont confrontés.
Si le SYNCASS-CFDT est encore une fois contraint de croire en la volonté du gouvernement de conforter les EHPAD publics, il regrette amèrement l’absence d’engagement des départements en faveur d’un taux d’évolution des ressources des établissements agréés à l’aide sociale identique à celui consenti aux établissements à but lucratif. Si rien n’est entrepris pour assurer une évolution des ressources des établissements publics compensant les évolutions salariales et l’inflation générale, alors des ruptures graves de fonctionnement vont intervenir rapidement et inévitablement. Il y a urgence à agir !
Pour illustrer ce propos, le SYNCASS-CFDT fait le choix de porter aujourd’hui les témoignages de collègues directeurs d’hôpital de proximité, d’EHPAD, d’établissement du handicap et d’adjoint en établissement de protection de l’enfance qui font face à tous les défis du moment.
Un directeur d’hôpital de proximité nous indique que « le peu d’attractivité offerte par la position de fonctionnaire hospitalier rend le recrutement et la conservation des compétences acrobatiques et nous confinent dans un rôle de « marchand de tapis » où n’intervient plus qu’à la marge la morale, l’éthique ou l’égalité de traitement, en contradiction même avec les valeurs portées par les hospitaliers.
Ces extrémités auxquelles nous sommes régulièrement contraints au titre de la sauvegarde de la continuité du service public, nous mettent systématiquement en porte à faux vis-à-vis de la rigueur et des règles statutaires qui doivent normalement prévaloir à tout recrutement ».
Ces difficultés de recrutement sont majorées dans certains secteurs, comme le constate une directrice d’un établissement d’accueil de personnes en situation de handicap. « Nous attendons toujours le CTI pour tous. Les professionnels sont fatigués, bien moins rémunérés, comme si leur travail valait moins que celui des autres. Ce manque de reconnaissance du secteur se traduit par une très grande morosité. La mise en place du CTI au fil de l’eau pour une seule partie des agents que nous employons n’a pas de sens et est impossible à expliquer et à accompagner sur le terrain ».
Le ressenti est identique dans le secteur de l’enfance. « L’attribution partielle et échelonnée du CTI a soulevé un fort mécontentement et des actions de revendication jamais connues comme telles dans l’établissement. Aujourd’hui, il s’agit bien des personnels administratifs et techniques sans mission auprès des enfants. Peu nombreux dans l’établissement et dans l’ensemble de la fonction publique hospitalière, ils craignent d’être laissés pour compte définitivement ».
Une directrice d’EHPAD reconnaît « être tiraillée en période de tensions entre la pression au sein de l’établissement de la part des professionnels et des familles et les moyens disponibles. Il faut résoudre l’équation impossible : personnels en nombre suffisant, qualité des prises en charges et qualité de vie au travail mais avec toujours moins de moyens. Cela nous met sous une pression intenable ».
Pour le SYNCASS-CFDT, l’attractivité des métiers de la santé passe par un traitement équitable de l’ensemble des agents de la FPH, à commencer par l’octroi du CTI aux catégories professionnelles qui en sont encore exclues. Mais aborder l’attractivité des métiers sous le seul angle des revalorisations salariales est insuffisant. Aborder les enjeux du sens et de la qualité de vie au travail est essentiel car il en va d’abord de la qualité des prises en charges des populations accueillies.
A ces difficultés de recrutement qui embolisent une grande partie de leur quotidien vient s’ajouter ce que des collègues qualifient « d’inflation administrative », se traduisant par une accumulation de tâches et de suivis difficilement supportables. « Maintenant que les effectifs soignants mais aussi administratifs sont réduits à peau de chagrin, on nous demande de produire la même chose que des établissements privés lucratifs » précise une directrice d’EHPAD « c’est démentiel ce que nous devons produire en justificatifs, analyses, rapports alors que nous ne disposons pas des moyens suffisants et adaptés pour le faire. Nous, directeurs, rendons compte en permanence et ne travaillons plus sur le fond. C’est de plus en plus décourageant ».
Les directeurs rencontrent de plus en plus de difficultés à porter les orientations et priorités des politiques publiques qui restent pour eux peu soutenables. Depuis la crise sanitaire, dont tous oublient les graves conséquences médico-sociales, nous assistons à un empilement de mesures et mesurettes, au travers desquelles nous ne distinguons aucun projet de santé publique. Ce mille-feuille rend « illusoire la capacité à entrainer un établissement au-delà de la démagogie des choix politiques nationaux. Cette incompréhension partagée par l’ensemble des personnels et des usagers, révèle l’absence patente de vision politique à moyen et long terme ».
Cela s’illustre également dans le secteur du handicap, notamment avec le déploiement des plateformes 360. « Ce projet manque de clarté, les feuilles de route ont été modifiées à de nombreuses reprises, le cabinet privé qui en assure le suivi a eu des consignes très différentes de celle présentées par l’ARS ».
Dans les EHPAD «il devient difficile de mener à leur terme les projets de construction ou de reconstruction. Dans ce domaine, les directeurs ne sont souvent ni accompagnés, ni outillés. Certains d’entre eux qui ont travaillé plusieurs années sur un projet architectural, incluant le PPI et la prévision de réorganisation interne négociée voient leur travail réduit à néant par une seule année d’inflation. Les collègues se sentent découragés, l’hémorragie du corps est loin d’être terminée ».
Dans le secteur de l’enfance, on observe depuis le COVID une hausse de troubles psychologiques et/ou de handicaps associés chez les enfants dont c’est le premier placement. « L’accueil d’urgence s’effectue sans mise en place d’un étayage institutionnel, charge à l’établissement de l’organiser au plus vite. La multiplication des accueils d’enfants présentant des troubles met à mal un dispositif d’accueil déjà lui-même vulnérable : l’établissement manque de places pour faire face aux demandes d’admission ; les personnels sont épuisés et les difficultés accrues de recrutement n’aident pas à remonter le moral des troupes… Chaque catégorie du personnel, a des motifs sérieux d’être désillusionnée dans ses missions. C’est là où le travail de soutien, de guidance de l’équipe de direction même devenu si difficile prend tout son sens et nécessite plus que jamais des D3S formés ».
En cette période où l’exercice des responsabilités n’a jamais été aussi pesant, les directeurs, sont en attente de conditions de travail décentes et du respect de leurs fonctions et de leur expertise.
« L’annonce du tandem en est l’exemple le plus récent. Alors que nous sommes des fonctionnaires responsables, nous imposer des solutions dont nous connaissons les limites et les échecs à venir, est indigne et participe de l’institutionnalisation de la maltraitance à laquelle notre corps est soumis. Si mon propos peut paraitre violent, il suffit d’observer le volume de postes vacants, la désaffection des concours de direction, et de partager le constat de plupart des jeunes collègues qui disent ne pas vouloir exercer ce métier plus de quelques années… ».
Par ailleurs, les directeurs du secteur du handicap public témoignent de la différence de soutien par les autorités publiques locales en comparaison de celui des directeurs du privé. « Cela traduit des rapports de force sur le terrain déséquilibrés. Sans règles claires ni obligation d’engagement du secteur privé, on rate les enjeux de prise en charge pour toutes les personnes en situations de handicap ». De plus, l’éloignement des autorités de tarifications par rapport à la réalité vécue par les directeurs se traduit dans le management qui leur est appliqué : « Lors de mon évaluation, je constate une méconnaissance de mes compétences et parfois même une surprise de constater, dans leur regard, que je peux même les avoir et les exercer. Avant, il y avait un point de vue « terrain » et « en surplomb » qui s’affrontaient, mais nous partagions notre connaissance commune du secteur. Maintenant, nous avons l’impression d’être dans des éléments de langage qui n’ont pas d’aspect pratique, une méconnaissance de nos exigences et réalités professionnelles, notre expertise est niée. On nous donne la parole mais on ne nous écoute pas ! ».
L’exemple le plus criant d’absence de reconnaissance des compétences des D3S trouve son illustration dans les dispositions de l’article 143 de la loi 3DS. La tentation est même forte pour certains Conseils départementaux d’aller au-delà de ces dispositions et de publier des vacances de postes pour des emplois relevant de la compétence des ARS pour recruter plutôt des profils d’attaché territorial. « Cette période de transition institutionnelle met grandement à contribution les adjoints qui voient arriver en qualité de chef d’établissement un cadre issu du département qui maîtrise la politique de la protection de l’enfance de son département mais en découvre totalement les conséquences en termes de gestion d’établissement. Il ne manquerait plus que les directeurs adjoints partent et quid de leur remplacement sur un poste aussi difficile, avec un chef d’établissement qui n’est plus issu de la formation de D3S ? Quelle attractivité du secteur de l’enfance à venir pour les DS3 ? »
L’érosion des effectifs D3S depuis 2014 est frappante. Sans mesure adaptée, elle sera bientôt irréversible. Le SYNCASS-CFDT défend des propositions à la hauteur de leur engagement professionnel. La solution passe par une revalorisation traduite par l’unicité statutaire DH-D3S. C’est l’objectif poursuivi par le SYNCASS-CFDT lors des groupes de travail programmés avec la DGOS ce printemps.